Janvier 1902
Semaine du 1er au 4 janvier 1902
Angers, mercredi 1er janvier 1902
Je vais à la messe de 8h à Notre-Dame, où je communie. Papa nous donne ensuite notre cadeau de nouvel an ; il me donne 10 francs ; Maman m’a donné hier 12 francs. Le temps est abominable, il pleut toute la journée ; hier, au contraire, il faisait un temps magnifique et très doux pour la saison. Malgré la tempête, l’après-midi, pendant que Maman reçoit des visites au salon, je distribue en ville un grand nombre de cartes.
Angers, jeudi 2 janvier 1902
Je reçois 20 francs de l’Oncle Paul. J’écris plusieurs lettres ; à 2 heures, leçon de mandoline. J’ai prié cette année tous mes parents de me donner mes étrennes en espèces ; je les réunis pour l’achat d’une chaîne de montre giletière en or jaune, du prix de 75 francs, que je fais venir de chez M. Laugier à Biarritz ; j’en ai reçu hier deux au choix. Le soir à 7 heures, je vais dîner chez M. et Mme des Loges ; c’est un dîner de garçons, car, en dehors de M. et Mme des Loges et de leurs deux fils, il n’y a que leurs cousins Robert de Kergaradek[1], Bonnet, Hervé-Bazin et moi. Après le dîner, on joue à divers petits jeux de société. On se retire à 10h ¼ après le thé.
Angers, vendredi 3 janvier 1902
Ce matin, nous recevons une lettre de Tata Mimi ; elle contient un mandat de 55 francs dont 15 pour moi ; avec ce que j’avais déjà, cela me fait 77 francs pour mon premier de l’an ; j’ai mis de côté les 20 francs de Bonne Maman pour un ouvrage héraldique qui arrivera au commencement de mars ; mais comme d’autre part ; j’ai enlevé 40 francs de mes économies de la caisse d’épargne, dont 15 s’ajoutent aux 57 francs qu’il me restaient, il me reste pour payer la chaîne et la réparation de la montre de mon bisaïeul de Pontich, environ 70 francs, une fois les petites dépenses enlevées ; il est vrai que j’ai envoyé hier 20 francs au comité électoral de l’Action libérale, qui s’est formé en vue des prochaines élections législatives sous la présidence de M. Piou[2] et qui est patronné par La Croix ; une autre fois, j’avais donné 5 francs à une souscription faite parmi les étudiants de l’Université pour envoyer aux comités électoraux catholiques ou monarchistes. Le matin, à 7h, j’assiste à la messe de la congrégation à la chapelle de la rue Rabelais, j’y fais la sainte communion ; ensuite, j’assiste aux cours de droit qui reprennent aujourd’hui. Le soir, à 8h ½, nous allons tous à un thé chez la famille Gavouyère ; il y a aussi les dames Beaufils ; on y fait beaucoup de musique. Nous nous retirons à 11 heures.
Angers, samedi 4 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; le soir, à 5h, escrime ; à 8h conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 5 janvier 1902
Le matin, je me lève fort tard et nous n’allons qu’à la grand’messe. L’après-midi, avec Papa, nous allons distribuer un grand nombre de cartes en ville ; nous allons faire une visite à Monsieur Henry et à son fils l’abbé Joseph Henry, nous ne les rencontrons pas. Le soir, entre 8h et 8h ½, nous recevons au salon une quinzaine de personnes : M. et Mme Gavouyère et les demoiselles Gavouyère, M. Maurice et Mme Maurice Gavouyère, Mme et Mlles Beaufils, Mme, Mlle et René de La Villebiot[3], M. de Falguière, Joseph et Jeanne de Soos[4]. On fait de la musique, on joue à divers petits jeux ; on prend le thé vers 10h ¾, et on se retire vers 11h ½.
Semaine du 6 au 12 janvier 1902
Angers, lundi 6 janvier 1902
Le matin, il n’y a que le premier cours de droit. À dix heures, à Saint Joseph, a lieu, exécuté par les chanteurs de Saint Gervais, la messe du pape Marcel de Palestrina, au profit des œuvres d’étudiants de l’Université catholique, car chaque place se paie 5 francs, même pour les personnes qui ont déjà des chaises en location. Mgr Rumeau préside. Il y a plusieurs quêteuses, toutes parmi les dames ou les jeunes filles de l’Université ; Marie-Thérèse quête au bras d’un étudiant, M. Condroyer ; c’est elle qui reçoit l’offrande de Monseigneur. La messe, sans accompagnement, est admirablement exécutée. Par le train de 1h11, Papa part pour Le Mans, accompagnant au Sacré-Cœur Philomène, qui est restée deux jours de plus que ses vacances ne lui en donnaient le droit, afin d’assister à notre réunion d’hier soir et à la messe de ce matin. L’après-midi, avec Maman et Marie-Thérèse, nous faisons plusieurs visites chez Mme de Moulins[5], que nous ne rencontrons pas ; chez Mme Blanc, où nous sommes invités à dîner samedi ; chez Mme Gavouyère pour une visite de digestion ; enfin, je vais seul faire une visite de digestion à Mme des Loges. À 5h, conférence de droit romain.
Angers, mardi 7 janvier 1902
Le matin, les deux cours de droit ; ensuite, je vais me faire couper les cheveux chez Normandin. L’après-midi, je vais, avec Papa, faire une visite à Mgr Pasquier à Saint-Aubin, il nous reçoit dans son magnifique cabinet de travail. À quatre heures, leçon d’allemand ; à 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, mercredi 8 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 2 heures, cours d’agriculture (désormais, le cours du samedi aura lieu le mercredi) ; ensuite, je vais à la bibliothèque de l’Université préparer la conférence de droit civil qui aura lieu à 5 heures ; à 5 heures, conférence de droit civil de M. Jac.
Angers, jeudi 9 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 5 heures cours de météorologie ; à 2 heures, leçon de mandoline ; à 8 heures, réunion de la congrégation.
Angers, vendredi 10 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 2h ½, je vais avec l’Espagnol de Solis à la foire aux vins d’Anjou qui se tient dans un grand bâtiment sur le champ de Mars. À 5h ¾, cours d’agriculture. Le soir à 8h ¼, à l’Université, conférence de M. Couette sur l’aérostation ; elle dure jusqu’à 8 heures. Nous apprenons, par une lettre de Tante Genin de Regnes à Maman, la naissance du fils de mon oncle Albert de Lazerme, elle ne dit pas son nom[6] ; me voilà un cousin de plus.
Angers, samedi 11 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, je retourne avec Hervé-Bazin à la foire aux vins, je goute à plusieurs échantillons blancs et rouges. Le soir, à 7 heures, nous dînons tous chez les dames Blanc ; c’est un fort joli dîner ; nous sommes 14 : Mme et les 2 demoiselles Blanc, M. et Mme Guinchez ou Quinchez[7], Mme Laforcade, la générale Bertrand, une dame dont je ne me rappelle pas le nom, M. et Mme Robiou du Pont[8] et nous 4. Nous nous retirons à 11 heures, après le thé.
Angers, dimanche 12 janvier 1902
Le matin, je me lève à 8h ½ ; je vais à la messe de 11 heures. L’après-midi, j’assiste à Saint-Serge aux vêpres de l’adoration et à la procession qui les suit, avec le patronage. Le soir à 8h ¾, nous allons tous en soirée chez M. René Bazin qui réunit ses collègues des facultés catholiques et leur famille, la plupart des professeurs sont présents. M. et Mme René Bazin, qui sont grand-père et grand-mère depuis quinze jours, se sont amusés à se mettre des perruques blanches ; de plus, M. Bazin porte 3 décorations ; c’est une amusante plaisanterie. Après le thé, on se retire, à 11 heures.
Semaine du 13 au 19 janvier 1902
Angers, lundi 13 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi à 3 heures, je vais, avec Papa, Maman et Marie-Thérèse faire ma visite de digestion à Mme Blanc ; à 4 heures, conférence de droit administratif. Ensuite, comme, à la place du cours d’agriculture générale, il y a un cours de botanique dont Hervé-Bazin et moi nous sommes dispensés, nous allons prendre le thé dans la chambre de De Bréon. Le soir, Conférence Saint-Louis ; Bonnet parle sur les écoles ménagères (sa mère vient d’en fonder une à Angers) ; puis Colcombet parle sur « Belle Isle en mer » ; enfin, Normand d’Authon, qui rentre de Saint-Nazaire, nous entretient pendant 35 minutes, en une brillante improvisation, sur les travaux énormes qui vont être entrepris à Nantes et à Saint-Nazaire et qui feront de ces 2 ports, dans quelques années, un des groupes maritimes les mieux outillés d’Europe, comme Hambourg en Brême.
Angers, mardi 14 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, mercredi 15 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 2h cours d’agriculture, puis je vais travailler à la bibliothèque jusqu’à 5 heures, heure de la conférence de droit civil de M. Jac. Le soir à 7 heures, nous recevons à dîner quelques-uns de mes camarades : Jacques Hervé-Bazin, Jacques des Loges, Roger de Bréon, Henri Bonnet et l’Espagnol Manuel de Solis-Desmaizières. Après le dîner, nous jouons à divers petits jeux, on prend le thé à 10h ½ et ils se retirent vers 11 heures.
Angers, jeudi 16 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi à 2h, leçon de mandoline ; ensuite nous allons tous faire une visite à Mme Robiou du Pont ; à 5h ¼, cours de météorologie ; le soir, il n’y a pas réunion de la congrégation.
Angers, vendredi 17 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 5h, cours d’agriculture ; le soir à 8h ¼, à l’Université, conférence de M. Jac sur le bienheureux Grignon de Monfort, ses cantiques et ses poèmes.
Angers, samedi 18 janvier 1902
Le matin, cours de droit, l’après-midi, je vais me confesser à Saint-Jacques, avec Marie-Thérèse, puis nous allons tous faire une visite de digestion chez Mme René Bazin ; à 5h, je vais à l’escrime ; le soir à 8h, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 19 janvier 1902
Le matin, je vais à la messe de 8 heures à Notre-Dame, où je communie ; l’après-midi, je reste au patronage Saint-Serge jusqu’à près de 5 heures ; ensuite, je vais, avec Maman et Marie-Thérèse, faire une visite à Mlle Grieshaker ; le soir à 8h, nous recevons M. de Solis-Desmaisières qui vient prendre le thé.
Semaine du 20 au 26 janvier 1902
Angers, lundi 20 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi à 5 heures ¼, cours d’agriculture ; avant le cours, je vais prendre le thé chez De Bréon. Le soir à 8h, conférence Saint-Louis ; Guy parle sur l’assemblée constituante et ses principaux orateurs, assez médiocrement, aussi De la Coussaye[9] fait-il des critiques qui durent une demi-heure !
†Angers, mardi 21 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; nous apprenons que Mademoiselle Marguerite Henry, la fille du professeur de droit civil, qui était malade depuis quelque temps, est menacée d’une pleurésie ; l’après-midi, je suis un moment le 135e qui revient d’une revue ; ensuite, je vais prendre une leçon d’allemand chez Mlle Grieshaker, puis je vais au cours d’agriculture ; après le cours, je vais à l’hôtel d’Anjou où De Solis m’a invité à dîner, nous causons beaucoup de la législation et des mœurs de l’Espagne.
Angers, mercredi 22 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; j’apprends à la Faculté que l’état de Mlle Henry a empiré pendant la nuit et que les médecins la considèrent comme perdue ; aussi Papa passe-t-il son après-midi à décommander les invitations à dîner qu’il avait faites pour demain soir à Mgr le Recteur et à plusieurs autres personnes, presque toutes de l’Université ; en raison du deuil qui menace la famille d’un professeur de l’Université, Papa renvoie ce dîner sine die. L’après-midi, cours d’agriculture à 2 heures et conférence de droit civil à 5 heures.
Angers, jeudi 23 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; j’apprends à la faculté la mort de Mlle Henry survenue vers minuit ; cette pauvre famille Henry si chrétienne et si sympathique est vraiment bien éprouvée ; après la mort de Paul Henry en juillet 1900 à Pékin[10], on pouvait croire que Dieu l’épargnerait longtemps ; il en a décidé autrement ! En raison de ce deuil, Papa et Maman, non contents d’avoir ajourné sine die le dîner qui devait avoir lieu ce soir, décident de renvoyer à l’époque de la mi-carême la soirée que nous devions donner dans quelques jours. L’après-midi, à 2 heures, leçon de mandoline ; ensuite, je vais visiter le musée que je ne connaissais pas encore ; puis je vais faire la visite des pauvres ; à 5h ¼, cours de météorologie ; à 8h, réunion de la Congrégation de Notre-Dame de l’Annonciation.
Angers, vendredi 24 janvier 1902
Le matin, cours de droit, l’après-midi, à 2 heures, j’assiste, aux Quinconces, à une réunion de la commission des patronages où on décide d’organiser dans les patronages des leçons de gymnase ; les élèves qui les suivront seront organisés en compagnies appelées « Compagnies de Saint-Maurice ». À 5h ¼, cours d’agriculture. À 7 heures, je vais dîner chez Mme Hervé-Bazin qui a réuni quelques jeunes gens, De Bréon, Des Loges et moi (Bonnet, malade, s’est excusé) en l’honneur de Roger de Bréon qui a 20 ans aujourd’hui ; nous restons jusque vers 10h ¼.
Angers, samedi 25 janvier 1902
Ce matin, le premier cours seul a lieu à cause des obsèques de Mlle Marguerite Henry qui sont célébrées à 10h ½ à Saint-Joseph. Nous y assistons tous depuis la levée du corps à la maison de la famille Henry jusqu’à la gare Saint-Serge où est conduit le cercueil qui sera amené à Plougrescant (Côtes-du-Nord) où la famille possède une propriété et où on a élevé, il y a quelques mois, un monument à Paul Henry ; le corps de sa sœur y sera à Plougrescant avant le sien, car ce dernier n’arrivera que dans quelques semaines, ramené de Pékin aux frais du gouvernement. Détail navrant : il y avait sur le cercueil, au milieu des couronnes et des autres bouquets, un bouquet de fleurs de mimosa que nous avions reçu d’Ille pour orner la table le jour du dîner en l’honneur de Mgr Pasquier et que nous avions envoyé aux Henry dès que le dîner a été décommandé ! Autre détail : devant la Mairie, le cortège funèbre a été obligé de s’arrêter pour laisser passer un mariage ; quel contraste, d’un côté la vie, et de l’autre la mort ! L’après-midi, je vais me confesser à Saint-Jacques ; à 5 heures, leçon d’escrime ; le soir, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 26 janvier 1902
Le matin, je vais à la messe de 8 heures à Notre-Dame où je fais la sainte communion, puis à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, j’assiste aux vêpres à Saint-Serge, puis au patronage, à une séance où l’on joue d’abord une petite pièce enfantine Don Quichotte et les petits meuniers, puis Le Malade imaginaire ; cette dernière comédie est assez bien interprétée, vue l’inexpérience des acteurs ; malheureusement, les rôles de femmes étaient supprimés. Le soir, nous attendons De Solis qui devait venir prendre le thé comme dimanche dernier ; mais il l’a sans doute oublié, ou il est malade, car il ne paraît pas.
Semaine du 27 au 31 janvier 1902
Angers, lundi 27 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; au cours de droit civil, M. Jac nous lit une lettre anonyme qu’il a reçue et dans laquelle on se plaint qu’il fasse son cours beaucoup trop vite pour qu’on puisse prendre des notes (ce qui est vrai) et on dit que si cela continue on se plaindra « au recteur Pasquier » ; le ton de cette lettre est tout à fait inconvenant, c’est malheureux car M. Jac n’en tiendra pas compte ; ce qui est pire, c’est que l’auteur de cette lettre a signé « un étudiant, au nom de tous » ; pour s’en venger et peut-être aussi pour comparer les écritures, M. Jac écrit au bas de la lettre ces mots « l’auteur de cette lettre est un goujat » et nous fait signer à tous cette déclaration ! L’après-midi, vers 4 heures, Maman, fatiguée, se met au lit ; à 4h, je vais à la conférence de droit administratif ; à 5h ¼, au cours d’agriculture. Le soir à 8h, conférence Saint-Louis ; De Saint-Pern lit un travail sur le scrutin de liste et le scrutin d’arrondissement ; il y a pas mal de choses à relever de ce travail ; j’y fais quelques objections.
Angers, mardi 28 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, je vais, avec Papa, faire ma visite de digestion chez Mme Hervé-Bazin, nous ne la rencontrons pas. À 5h ¼, cours d’agriculture. Maman passe toute la journée au lit.
Angers, mercredi 29 janvier 1902
Le matin cours de droit ; après le cours, je vais envoyer de la part de Maman une dépêche de félicitations à ma cousine Marguerite de Saint-Jean[11] qui épouse aujourd’hui M. Clément Garau, receveur de l’enregistrement à Arles-sur-Tech (Pyrénées-Orientales) ; le mariage a lieu à Prades. L’après-midi, à 2 heures, cours d’agriculture ; à 5 heures, conférence de droit civil. Le soir, Maman reçoit une lettre de ma tante Isabelle Cornet de Bosch lui annonçant le prochain mariage de sa fille, ma cousine Marie, avec le lieutenant d’infanterie Companyo[12] ; c’est décidément le jour des mariages dans notre famille !
Angers, jeudi 30 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 2h, leçon de mandoline ; à 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, vendredi 31 janvier 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, je vais faire une visite à De Solis, puis leçon d’escrime.
Février 1902
Semaine du 1er au 2 février 1902
Angers, samedi 1er février 1902
Le matin, cours de droit. Quand je rentre de la Faculté, Maman me fait lire une dépêche de Tante Josepha qu’elle vient de recevoir, lui annonçant la nomination de l’oncle Paul à Angers, au commandement du 6e génie. Cette nouvelle, reproduite déjà par le Maine-et-Loire, nous comble tous de joie, nous sommes littéralement ravis à la pensée que nous allons être en famille ici ; nous nous empressons de télégraphier notre joie aux Magué. Ce bonheur, que nous n’aurions pas osé espérer, nous arrive précisément au moment où nous souffrions davantage de l’isolement que notre origine étrangère à l’Anjou nous occasionnait ; aussi nous paraît-il d’autant plus grand. Il faut avouer que s’il y a de tristes jours dans la vie, il y a aussi, de loin en loin, des jours bien joyeux ! Le soir, à cause de la neige et de mon rhume de cerveau qui a l’air de vouloir recommencer, je ne ressors pas.
Angers, dimanche 2 février 1902
Le matin, je ne vais qu’à la messe de 11 heures à Notre-Dame ; l’après-midi, après quelques courses, je vais au salut chez les Dominicains avec Marie-Thérèse.
Semaine du 3 au 9 février 1902
Angers, lundi 3 février 1902
Le matin, cours de droit. Après le second cours, je vais avec Papa et Marie-Thérèse (Maman, malade, ne peut y venir) à l’enterrement de M. Frédéric de La Villebiot, le père de MM. Georges et Geoffroy de La Villebiot, qui a lieu à Saint-Joseph ; on porte ensuite le corps à Bréon. Le soir, à 7 heures, nous recevons à dîner Mgr le Recteur Pasquier, M. le curé de Saint-Serge, MM. A Gavouyère, Jac, Courtois et Buston.
Angers, mardi 4 février 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 5 heures, je vais prendre une leçon de danse chez Letournel.
Angers, mercredi 5 février 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 2 heures, cours d’agriculture ; à 3h ½, je vais prendre une leçon de danse. Le soir, à dix heures, je vais au bal offert par le marquis et la marquise de Kergos[13] ; je danse avec Mlles de Farcy, de Beauchamp, de Chemellier et, pour le cotillon, avec Mlle Bodinier, la fille du sénateur conservateur d’Angers[14] ; le buffet est des mieux servis ; il y a environ 110 à 120 invités ; on se retire de bonne heure, vers 1h ½.

Angers, jeudi 6 février 1902
Le matin, m’étant levé à 8 heures, je ne vais qu’au second cours ; l’après-midi, j’assiste à un cours de chimie agricole de M. Moreau, puis je vais me confesser à l’église des Pères Dominicains ; ensuite, à 5h ¼, j’assiste au cours ordinaire d’agriculture. À 7 heures, je vais dîner chez M. et Mme Bonnet avec Des Loges, Hervé-Bazin et De Bréon ; quand je rentre à la maison, vers 11h ¾, je trouve Maman affolée et Papa déjà parti à ma recherche parce qu’ils me croyaient victime d’une agression nocturne à cause de l’heure un peu tardive à laquelle je rentre ; elle s’explique par ce fait que le dîner n’a commencé qu’à 8 heures et que le thé, par voie de conséquence, n’a été servi qu’à 11 heures ; heureusement, Papa rentre bientôt et nous nous mettons au lit.
Angers, vendredi 7 février 1902
Le matin, je ne me lève que vers 10 heures et je manque les deux cours parce que j’ai été indisposé pendant la nuit, probablement à cause du trop bon dîner de Mme Bonnet ou de l’émotion que m’a causé l’effroi de Maman. L’après-midi, je fais la visite des pauvres, puis je vais voir De Solis avec qui je cause pendant plus d’une heure.
Angers, samedi 8 février 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, je fais diverses commissions. Le soir, à 10h ¼, je vais au bal offert par la baronne Le Guay[15] ; il y a environ 200 invités que le grand salon, une immense serre éclairée par une multitude de lampions disséminés dans des guirlandes de lierre et le buffet, ont de la peine à contenir ; l’orchestre est excellent, je danse avec Mlles de Farcy, de La Salle, Bodinier et de Chemellier ; je me retire à 1h ½ avant le cotillon qui a dû durer au moins jusqu’à 4 heures.
Angers, dimanche 9 février 1902
Je me lève vers 10 heures et je vais à la messe de 11 heures. L’après-midi, nous allons au salut chez les Dominicains.
Semaine du 10 au 16 février 1902
Angers, lundi 10 février 1902
Le matin, Papa et Marie-Thérèse partent pour Paris par le rapide de 10h25 ; Papa profite du congé des jours gras pour accompagner Marie-Thérèse à Neuilly où elle va passer une quinzaine chez Tata Mimi. L’après-midi, je vais faire ma visite de digestion chez Mme Bonnet ; je vais aussi chez M. Delahaye avec qui je cause des premières négociations qu’il a engagées avec la famille Rogeron au sujet d’un projet de mariage entre Mlle Rogeron et Henri des Cordes[16].
Angers, mardi 11 février 1902
Je ne me lève que fort tard à cause du congé du mardi gras ; toujours à cause de ce congé, j’ai mon après-midi libre ; j’en profite pour partir à bécane : je vais jusqu’au Lion d’Angers ; je vais sonner chez Roussier que je ne rencontre pas. Je rentre par le train qui arrive à Angers à 6h34.
Angers, mercredi 12 février 1902
C’est aujourd’hui le mercredi des cendres ; je prends cendres à la messe de 8 heures à la chapelle de l’Internat Saint-Clair ; les cours ont lieu ensuite.
L’après-midi, à 3 heures, je vais consulter un médecin spécialiste, M. Devau, sur un rhume de cerveau que j’ai pris en novembre et qui n’est pas encore complètement terminé ; il me dit que cela ne présente pas la moindre gravité et passera à la belle saison. À 5 heures, cours d’agriculture.
Angers, jeudi 13 février 1902
Le matin, cours de droit ; c’est maintenant M. Albert qui nous fait le cours de droit criminel à la place de M. René Bazin qui est à Paris jusqu’à Pâques. L’après-midi, à 2 heures, leçon de mandoline ; ensuite, je vais, avec un garçon d’une agence de locations, visiter des maisons pour le compte de l’oncle Paul, je les trouve toutes trop petites ; à 5h ¼, cours d’agriculture. À 8 heures, réunion de la congrégation, après laquelle on nous occupe à écrire beaucoup d’adresse pour les convocations au prochain congrès de l’Association catholique de la jeunesse française qui aura lieu à Nantes à la fin du mois.
Angers, vendredi 14 février 1902
À 11 heures, après les cours, je vais, en compagnie du garçon de l’agence de location, visiter une maison que je n’avais pas vue hier, rue Saint-Julien ; il y a de grands salons ; elle pourrait convenir à l’oncle Paul, mais le prix (2400 fr.) est un peu élevé ; peut-être le propriétaire consentira-t-il à une réduction ? L’après-midi, j’écris à l’oncle Paul le résultat de mes recherches, puis je repasse des matières de droit civil. À 8 heures, je vais faire ma visite à Madame de Kergos. Le soir, à 8 heures, à l’Université, conférence de M. l’abbé Marchand sur « Les ignorances de Louis XIV », la conférence paraît documentée, malheureusement, l’abbé Marchand a la voix si faible que, de ma place, on perd la moitié de sa conférence.
Angers, samedi 15 février 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, j’accompagne avec ma bicyclette, un bout de chemin, Roussier qui part, aussi à bicyclette, pour Le Lion ; puis je vais me confesser au curé de Saint-Jacques. À 5 heures, je vais voir De Solis, il me présente son cousin, jeune officier de l’armée espagnole, arrivé avant-hier. Ensuite, je vais à la salle d’armes. Papa arrive ce soir de Paris, il a laissé Marie-Thérèse à Neuilly chez Tata Mimi. À 8 heures du soir, conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 16 février 1902
Le matin, j’assiste avec Papa à la messe des sociétés de Saint-Vincent-de-Paul à la cathédrale à 7h ½ où nous communions. L’après-midi, Papa et moi assistons au 8e concert populaire au cirque-théâtre ; on joue un très joli poème symphonique en ré majeur de Beethoven en 4 actes ; puis divers morceaux ; enfin le 4e acte de Siegfried avec chant en allemand, puis Tristan et Yseult ; il y a trop de Wagner, c’est un bruit assourdissant qui casse la tête malgré le charme spécial que l’on éprouve à se sentir écrasé par les sons puissants et par les grondements de l’orchestre. À 5 heures, nous allons au salut chez les Dominicains, et à 8 heures, à la réunion générale des conférences Saint-Vincent-de-Paul, place Saint-Martin.
Semaine du 17 au 23 février 1902
Angers, lundi 17 février 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, je fais ma visite à Mme Le Guay, puis j’assiste au cours d’agriculture. À 8 heures, conférence Saint-Louis ; Noël lit un intéressant travail sur « Les chemins de fer au XXe siècle ».
Angers, mardi 18 février 1902
Le matin, il n’y a pas cours de droit romain parce que M. Coulbault est malade ; mais il y a cours de droit administratif. Il n’y a pas de cours d’agriculture dans l’après-midi parce que les élèves sont en excursion agricole ; j’assiste, à la cour d’assises, à la condamnation à deux années d’emprisonnement avec bénéfice de la loi Bérenger d’un individu qui avait volé 800 frs. et à l’acquittement de sa femme qui était poursuivie pour complicité ; cette dernière était défendue par Normand d’Authon. Nous recevons une dépêche de l’oncle Paul qui devait arriver ce soir ; il est grippé et n’arrivera que vendredi ou samedi.
Angers, mercredi 19 février 1902
Le matin, cours de droit ; l’après-midi, à 2 heures cours d’agriculture ; ensuite je prépare ma conférence à la bibliothèque ; à 5 heures, conférence de droit civil.
Angers, jeudi 20 février 1902
Le matin, cours habituels, M. Coulbault étant rétabli ; l’après-midi, à 5 heures cours d’agriculture, auparavant leçon de mandoline et visite des pauvres. Une lettre de Tante Josepha nous dit que l’oncle Paul n’est pas parti lundi à cause d’un petit rhume mais qu’il arrivera probablement demain matin. Le soir, réunion de la congrégation.
Angers, vendredi 21 février 1902
Le matin, cours habituels ; l’oncle Paul n’arrive pas, une lettre de Nénette nous annonce son arrivée pour demain matin ; je déjeune à 10h ½ et dès onze heures, je suis à la cour d’assises où il y a affluence, car on juge un nommé Delalande, âgé de 19 ans ½ qui était détenu à la Maison centrale de Fontevrault et qui a assassiné un gardien pour s’évader ; l’avocat général, qui parle pendant près d’une heure, demande la peine de mort ; l’avocat demande le rejet des deux circonstances aggravantes de préméditation et du délit d’évasion. Le jury rejette ces deux circonstances et Delalande est condamné aux travaux forcés à perpétuité, plus un an de cellule pour achever de purger son ancienne peine. Les débats sont terminés vers 5 heures. À 5 heures, je vais me confesser à l’abbé Brossard, car je n’aurai pas le temps d’y aller demain avant mon départ pour Nantes. À 8 heures ½, conférence à l’Université du comte du Plessis de Grenédan, professeur, sur « Le bluff anglo-saxon et la prétendue suprématie des Anglo-saxons ».
Nantes, samedi 22 février 1902
Le matin, cours habituels. Après les cours, je trouve à la maison l’oncle Paul qui est arrivé par le train de 8h45, il est encore il peu enrhumé. Par le train de 2h34, je pars pour Nantes avec plusieurs étudiants ; nous y arrivons à 4 heures à peu près. Nous descendons à l’Hôtel de Bretagne ; l’hôtel est envahi par des jeunes gens venus un peu de partout assister au congrès de l’Union régionale de l’Association catholique de la Jeunesse française de l’Ouest. Nous visitons la ville, quelques camarades et moi ; puis on dîne à 6h ½, et, à 8h ¼ a lieu l’ouverture du congrès dans la salle de l’œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, rue du Chapeau rouge : allocution de Charles Gallet, discours de Jean Lerolle[17] et du comte Rouillé d’Orfeuil[18] ; dans ces deux discours, je remarque quelques mots à redire sur l’action sociale ; la séance est finie à 10h ¼. Avant de me coucher, j’expédie des cartes postales de Nantes un peu dans toutes les directions.
Nantes, dimanche 23 février 1902
Je me lève à 6h ½ pour assister à la messe de communion de 7h ½ dans la chapelle de l’œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, puis déjeuner ; à 9 heures, première séance d’étude : lecture de plusieurs rapports sur les progrès de la Jeunesse catholique depuis l’année dernière ; discussions à la suite de ces rapports ; puis élection du président de l’Union régionale de l’Ouest, Normand d’Authon est élu ; du vice-président, De Saint-Pern est élu ; et de deux membres du conseil régional, Gaudineau et Joseph Vachez sont élus ; ce sont tous ceux pour lesquels j’avais voté sauf pour le vice-président (j’avais voté pour De Monti de Rezé) ; n’ont pris part au vote que ceux des membres ayant voix consultative, c’est-à-dire un quart environ ; je votais au nom de la Commission des patronages d’Angers. À midi, banquet suivi de 10 toasts, nous étions plus de 250 à ce banquet. À 2h ¼, seconde séance de travail à la suite de laquelle on discute les statuts de la nouvelle Union diocésaine nantaise qui est fondée aujourd’hui. Après cette séance, je rentre un moment à l’hôtel, puis je me dirige vers la basilique Saint-Nicolas ou a lieu la cérémonie de clôture du congrès ; j’y arrive un peu en retard à cause des haies de troupes que l’on rencontre dans tous les coins de rues pour protéger le passage du ministre radical-socialiste des Travaux publics, M. Pierre Baudin, venu aujourd’hui à Nantes présider un congrès de la Loire navigable ; quand le cortège est passé au milieu de la place royale, noire de monde, et dans le silence glacial de la foule, je vais à Saint-Nicolas ; très belle cérémonie. Nous repartons par le train de 8h50 et nous arrivons à Angers à 10h17 ; Jean m’attendait à la gare.
Semaine du 24 au 28 février 1902
Angers, lundi 24 février 1902
Je ne vais qu’au second cours ; l’après-midi, à 4 heures, conférence de droit administratif ; à 5h ¼, cours d’agriculture. À 8h ½, salle des Quinconces, conférence de Jean Lerolle sur le même sujet qu’avant-hier à Nantes.
Angers, mardi 25 février 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, avec l’oncle Paul je fais une tournée de maisons, l’oncle Paul ne trouve rien qui lui convienne. À 5 heures, cours d’agriculture.
Angers, mercredi 26 février 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 2 heures cours d’agriculture, à 5 heures conférence de droit civil. Au retour de la Faculté, je trouve à la maison Margot[19] et Marie-Thérèse qui sont arrivées à 5 heures de Paris ; Margot est ici pour une quinzaine de jours.
Angers, jeudi 27 février 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, après la leçon de mandoline, je vais faire avec Maman et Marie-Thérèse une visite à Mme Bodinier, la femme du sénateur[20], avec laquelle nous n’étions pas encore en relations, elle est très aimable envers nous.
Angers, vendredi 28 février 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, je vais avec l’oncle Paul à la caserne du génie où l’oncle Paul me fait visiter son bureau qui est fort bien installé ; ensuite, je vais sur la place Monprofit attendre un bataillon du 6e génie qui devait passer par là et rentrer à Angers musique en tête ; j’y suis à 4 heures, heure à laquelle il devait passer, je l’attends jusqu’à 5h moins un quart, mais il ne passe pas, sans doute, l’heure aura été changée au dernier moment ; ensuite, je vais voir De Solis et son cousin avant de rentrer à la maison, puis je vais faire la visite des pauvres à Saint-Vincent-de-Paul.
Mars 1902
Semaine du 1er au 2 mars 1902
Angers, samedi 1er mars 1902
L’oncle Paul va à Tours faire une visite au général Tanchot[21], commandant du IXe corps d’armée ; il rentre à 5 heures. Le matin, j’assiste aux cours habituels ; l’après-midi, je travaille jusqu’à 4h ½, puis je sors avec Margot, ensuite je vais à l’escrime. Le soir à 8 heures, conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 2 mars 1902
Le matin, je vais à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, je vais au patronage jusqu’à 5 heures. Nous dînons à 5h 1/4. Pour que l’on puisse préparer la salle à manger pour notre soirée de ce soir. À 9 heures, nous recevons quarante à quarante-cinq personnes ; comme on ne danse pas à cause du carême et aussi à cause des malheurs publics, on fait de la musique – piano, violon, chant, monologues – puis, à la fin, on procède au tirage d’une loterie très amusante, chaque invité emporte deux lots ; nombreuses visites au buffet qui était fort bien garni. On se retire vers une heure.
Semaine du 3 au 9 mars 1902
Angers, lundi 3 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à l’heure du cours d’agriculture qui n’a pas lieu, je vais prendre un bain.
Angers, mardi 4 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, Marie-Thérèse et moi nous accompagnons Margot chez le Père des Cars dont elle est la cousine, puis je vais faire une visite à M. de Boisaubin[22], que je ne rencontre pas ; ensuite, leçon d’allemand, puis cours d’agriculture. Maman, qui a une forte migraine, ne quitte pas le lit de la journée.
Angers, mercredi 5 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, Maman ne reçoit pas à cause de sa migraine d’hier, qui va mieux, mais qui l’a laissée fatiguée. Je vais visiter la maison du boulevard du Palais, 7, appartenant à M. Gautret de la Moricière[23], que l’oncle Paul a louée pour 2300 frs., elle a de grands avantages : d’abord, être fort bien placée, sur le Champ de Mars, sans vis-à-vis, puis d’avoir écurie et remise et, avantage particulier nous nous, d’être à une minute à peine de chez nous ; mais elle a l’inconvénient d’avoir un salon de dimension à peine moyenne, et une toute petite salle à manger. Mais il n’y avait pas de maison plus confortable à louer en ce moment. Je vais ensuite au cours d’agriculture, puis à la conférence de droit civil.
Angers, jeudi 6 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, je vais, avec l’oncle Paul et Margot, chez divers marchands de meubles pour l’oncle Paul qui cherche une table de travail ; à 5 heures ¼, cours d’agriculture. Le soir à 8 heures, salle des Quinconces, conférence de Mgr de Saune[24], évêque coadjuteur de Madagascar, sur Madagascar ; Mgr de Saune est un ancien lieutenant d’artillerie, il a été à Polytechnique dans la même promotion que l’oncle Paul, qui a conservé les meilleures relations avec lui. À la suite de la conférence, il y a quelques projections.
Angers, vendredi 7 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 5 heures, conférence de droit administratif ; auparavant, je vais faire la visite des pauvres de Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, samedi 8 mars 1902
Cours habituels ; ensuite, je vais avec l’oncle Paul faire un tour au marché pour voir si nous ne trouverons pas à acheter de vieilles faïences ; nous ne trouvons rien. L’après-midi, à 2 heures cours d’agriculture à la place de celui qui n’a pas eu lieu lundi ; ensuite, je vais faire visiter à l’oncle Paul plusieurs magasins de meubles anciens ; puis, je vais me confesser à M. le curé de Saint-Jacques ; je vais ensuite à la salle d’armes. Le soir à 8 heures, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 9 mars 1902
Je vais avec Papa à la messe de 8 heures à Saint-Serge où nous faisons la sainte communion. L’après-midi, je visite avec l’oncle Paul le musée établi dans l’hôtel Pincé rue Lenepveu ; puis je vais rejoindre Maman, Margot et Marie-Thérèse à Saint-Laud où nous entendons le premier sermon de la mission qui s’ouvre aujourd’hui pour durer jusqu’à Pâques. Ensuite, je vais avec Margot chez M. Delahaye en vue du projet de mariage entre Henri des Cordes et Mlle Rogeron.
Semaine du 10 au 16 mars 1902
Angers, lundi 10 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi je travaille le droit romain jusqu’à cinq heures ; à 5h ¼, cours d’agriculture. Le soir à 8 heures, conférence Saint-Louis ; Le Prado lit un travail sur « Les alcools d’industrie » à la suite duquel une assez vive discussion s’engage sur la qualité des vins du Midi ; j’y prends part en faisant observer que si la qualité de ces vins est assez médiocre depuis 2 ans, cela tient à des circonstances exceptionnelles. À 10 heures, l’oncle Paul part pour Toulouse où il va surveiller le déménagement de ses meubles ; il sera de retour dimanche matin.
Angers, mardi 11 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, j’accompagne Margot à Saint-Laud, puis je me mets au travail jusque vers 5 heures. À 5h ¼, cours d’agriculture. Le soir, à Notre-Dame, nous assistons au sermon du Père Vihan.
Angers, mercredi 12 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 2 heures, cours d’agriculture ; à 5 heures, conférence de droit civil. Le soir, je reste à la maison, pendant que Papa, Maman et Margot sont au sermon, pour préparer mon examen préparatoire de demain.
Angers, jeudi 13 mars 1902
Le matin, cours habituels. L’après-midi, je subis l’examen préparatoire ; j’obtiens une rouge pour le droit romain, une rouge pour le droit civil et une rouge-blanche pour le droit administratif ; je subirai l’examen de droit criminel après le retour de M. Bazin. Comme résultat, ce n’est pas merveilleux, mais c’est bien suffisant pour être reçu et c’est tout ce que je pouvais demander à la fin du premier semestre, d’ailleurs ce sont les notes que j’avais obtenues l’année dernière à cet examen. Après l’examen, je vais, avec Papa, Maman et Marie-Thérèse, chez Priet où nous choisissons pour Mimi Cornet, à l’occasion de son mariage, une grande fontaine à thé Louis XVI en métal fortement argent du prix de 100 francs. C’est aujourd’hui que nous arrêtons le programme de mes vacances de Pâques : j’irai, du vendredi 21 au vendredi 28 (vendredi saint) à Neuilly chez Tata Mimi ; j’en partirai ce jour-là pour arriver le lendemain 29 mars (samedi saint) à Ille ou à Vinça ; j’y resterai jusqu’après le mariage de ma cousine Marie Cornet de Bosch qui aura lieu probablement le 10 avril et pour lequel Mimi Cornet a eu l’amabilité de m’inviter à être garçon d’honneur[25]. Papa et moi, nous repartirons directement du Roussillon pour rentrer à Angers. Le soir à 8 heures, Papa et moi nous assistons à Saint-Serge à une conférence pour les hommes (il y en a au moins 300 à 400), par le Père Mouton.
Angers, vendredi 14 mars 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 3 heures, je vais avec Maman chez M. Desvaux, le spécialiste que j’avais consulté il y a environ un mois au sujet de mon rhume de cerveau qui a duré tout l’hiver et qui n’est pas encore entièrement terminé ; il constate que la muqueuse est moins irritée qu’il y a un mois. Ensuite, je vais me promener du côté des casernes en construction à la Brisepotière où il est probable que je logerai pendant mon service militaire si je puis le faire à Angers, puis je vais faire la visite des pauvres. À 6 heures, je vais, ainsi que tous les autres élèves de l’école d’agriculture, chez le P. Vétillart qui nous demande de remplir les fonctions de commissaires à l’audition que les chanteurs de Saint-Gervais donneront vendredi, à la cathédrale, au profit de l’école d’agriculture ; il nous explique ce que nous aurons à faire ; il est probable que je serai parti vendredi à l’heure de cette cérémonie ! Le soir, nous allons tous au sermon de la mission à Saint-Serge.
Angers, samedi 15 mars 1902
Le matin, il n’y a pas de premier cours, car le cours de droit international ne commence que lundi, j’en profite pour aller à la gare prendre du tuyau sur des billets circulaires. Ensuite, cours ordinaire. L’après-midi, à 5h ¼, leçon d’escrime. Le soir, à 8h ¼, Mgr Rumeau fait, à l’Université, une conférence sur la liberté d’enseignement qui est si compromise par les projets de loi déposés au Sénat et par l’abrogation de la loi Falloux qui a été votée, en principe, par la Chambre des députés. Il est évident, comme le dit fort bien Monseigneur, que le sort de cette liberté essentielle est subordonné au résultat des élections législatives.
Angers, dimanche 16 mars 1902
J’assiste à la grand’messe à Saint-Joseph avec Margot. L’après-midi, j’envoie à La Croix le compte-rendu de la conférence d’hier soir, puis je vais du côté de Saint-Laud où je vois passer la procession de la Vraie Croix ; puis je vais me promener avec l’oncle Paul, qui est rentré ce matin de Toulouse. Le soir, à Saint-Serge, j’assiste avec Papa à la conférence donnée pour les hommes seuls par le Père Mouton.
Semaine du 17 au 23 mars 1902
Angers, lundi 17 mars 1902
Ce matin, après le cours de M. Jac, Papa devait faire le premier cours de droit international, mais je ne sais quel imbécile ayant enlevé et à moitié brisé la porte de la salle de cours, le cours de Papa ne peut avoir lieu. L’après-midi, je vais à la gare faire ma demande d’un billet circulaire à itinéraire facultatif : je le prendrai vendredi au moment de mon départ. L’itinéraire est par Paris, Melun, Nevers, Clermont-Ferrand, Arvant, Neussargues, Béziers, Narbonne, Perpignan, Ille, et, pour le retour, Perpignan, Narbonne, Toulouse, Bordeaux, Niort, Montreuil-Bellay et Angers, soit 2124 kilomètres, il ne coûtera, en 2ème classe, que 124 ou 128 frs. Je vais ensuite faire, avec Maman, une visite à la baronne Le Guay que nous ne rencontrons pas, puis quelques emplettes. À 5h ¼, cours d’agriculture. Le soir, je vais, avec Papa et Margot, à Saint-Serge où nous entendons un sermon sur « Le jugement particulier » par un Rédemptoriste autre que le Père Mouton.
Angers, mardi 18 mars 1902
Le matin, cours habituels. L’après-midi, je vais me confesser au Père Mouton à Saint-Serge, j’attends 2 heures avant de le voir. À 4 heures, leçon d’allemand ; à 5h ½, cours d’agriculture ; le soir, nous allons, avec Papa, Margot et moi, au sermon à Saint-Serge. Tante Josepha et Nénette arrivent à 4h ½.
Angers, mercredi 19 mars 1902
Le matin, je vais à la messe de communion à Notre-Dame, puis au cours de droit international public, que fait Papa (c’est aujourd’hui que commence ce cours). L’après-midi, je vais, à 2 heures, au cours d’agriculture ; ensuite, je m’occupe de trouver quelqu’un qui veuille me remplacer vendredi comme commissaire à l’audition des chanteurs de Saint-Gervais, à la cathédrale ; Etienne Vachez y consent. Le soir, nous allons tous au sermon à Saint-Serge.
Angers, jeudi 20 mars 1902
Le matin, cours habituels, ce sont les derniers avant les vacances de Pâques ; l’après-midi, à 2 heures, leçon de mandoline ; ensuite, je vais faire diverses commissions. Le soir, à 8 heures, j’assiste, au cirque, à la conférence organisée par la Ligue de la Patrie française pour patronner la candidature de M. Joubert[26] dans la 1ère circonscription d’Angers, et celle de M. Cesbron à Baugé. Il y a environ 2500 personnes, rien que des hommes qui acclament frénétiquement les divers orateurs : François Coppée, Syveton, M. de Grandmaison[27], M. Cesbron, M. Joubert ; à mains levées, ils acclament les candidatures proposées. Il n’y a pas un seul cri hostile.

Neuilly, vendredi 21 mars 1902
Le matin, après la messe de communion pascale à l’Université, je pars pour Paris par le rapide de 10 heures 25, j’y arrive à 3h30 et je suis à 4h15 à Neuilly où m’attendait Tata Mimi. Je sors à 5 heures et je fais diverses commissions dans Paris jusqu’au moment où je rentre à Neuilly pour dîner. C’est aujourd’hui que j’ai fait la connaissance de ma nièce, Marie Madeleine ; elle est vraiment bien gentille, et ne crie jamais malgré ses 7 mois ; elle ressemble énormément à la photographie que nous avons de son père à cet âge.
Neuilly, samedi 22 mars 1902
Le matin, de 8h ½ à midi, je fais diverses courses : chez M. Chabert pour l’affaire de la conversion des titres du Nord[28] ; chez Piccot, que je ne rencontre pas. L’après-midi, je vais au Collège des Frères de Passy demander De La Touche, que je ne puis pas voir, puis je vais visiter la nouvelle gare du Quai d’Orsay, ensuite je reviens chez Piccot, qui est encore sorti, je me promène du côté du boulevard Sébastopol, je vais du côté de Saint-Sulpice et je rentre par le métropolitain que je prends au Louvre.
Neuilly, dimanche 23 mars 1902
Le matin, je vais à pied à la messe de 11 heures à Saint-Augustin, je rentre par le tramway des Ternes. L’après-midi, je vais au pensionnat des Frères de Passy où je vois De La Touche au parloir pendant plus d’une heure, ensuite, j’assiste au salut dans la chapelle espagnole de l’avenue de Friedland, puis j’allais chez Piccot lorsque, tout près de chez lui, je le rencontre ; il me raccompagne dans le métropolitain jusqu’à l’Étoile ; toujours aussi grotesque ! Le soir, je vais avec Xavier au Palais de glace des Champs-Élysées où je regarde pendant une petite demi-heure patineurs et patineuses, j’y laisse Xavier et je vais me promener sur les boulevards jusqu’à l’Opéra où je m’amuse à regarder un moment les dépêches que l’Écho de Paris affiche en lettres de feu au fur et à mesure qu’elles arrivent. Je rentre à Neuilly à minuit par le métropolitain.
Semaine du 24 au 30 mars 1902
Neuilly, lundi 24 mars 1902
Le matin, je ne vais pas à Paris, je me promène pendant plus de deux heures dans le bois de Boulogne, j’y entre et j’en sors par l’allée des Sablons, mais après être passé par Longchamps, par les lacs et par le pavillon d’Armenonville. L’après-midi, je vais voir Piccot, nous nous promenons ensemble ; je fais quelques commissions, et je rentre à Neuilly par le métropolitain ; j’y trouve Margot, qui est arrivée d’Angers à 3h30.
Neuilly, mardi 25 mars 1902
Le matin, je ne vais pas à Paris ; je vais, avec Margot, à la messe à l’église Saint-Pierre de Neuilly à cause de la fête de l’Annonciation. L’après-midi, j’assiste à la séance de la Chambre des députés ; c’est un spectacle auquel je n’avais pas encore assisté. On a peine à suivre les discours, tant les députés font de tapage en allant et venant de la buvette à leurs bancs. M. Denys Cochin adresse une question à M. Delcassé au sujet de la déclaration franco-russe qui a suivi l’accord anglo-japonais ; le ministre réponse que cette déclaration a pour but de garantir l’intégrité de la Chine. Il y a ensuite une assez vive discussion au sujet du projet de loi électorale, notamment sur le droit que la commission propose d’accorder aux préfets de refuser la déclaration de candidature des citoyens ayant encouru la dégradation civique ; comme ce texte vise les condamnés à la Haute-Cour, l’incident est très chaud, finalement, il est repoussé après une intervention de M. Camille Pelletan qui dit qu’il entrave aux principes républicains ; Pelletan, chose curieuse, se fait applaudir par l’extrême-gauche et par la droite ! Quant à l’interpellation de M. Chiché sur l’attitude que le gouvernement compte prendre devant le Sénat au sujet de la loi, votée par la Chambre, qui porte de 4 à 6 ans la durée du mandat législatif, elle est renvoyée à la suite, c’est-à-dire après les élections ; son renvoi soulève de vives protestations.
Neuilly, mercredi 26 mars 1902
Le matin, je vais me faire photographier, boulevard Rochechouart. L’après-midi, je vais à Versailles, suivant la recommandation de Maman, pour faire une visite à Mme Salmon ; j’y aurais été de bonne heure et j’aurais eu le temps, à mon retour, d’aller voir les Barescut, si je n’avais eu la distraction de laisser passer la station de Puteaux sans changer de train ! En sorte que je suis allé jusqu’aux Moulineaux, et de là, j’ai dû revenir à Puteaux pour aller à Versailles. Par suite, dans cette ville, je n’ai eu que le temps d’aller faire ma visite et de rentrer de suite ; Mme Salmon m’a même invité à dîner, ce que je n’ai pu accepter n’ayant pas prévenu à Neuilly.
Neuilly, jeudi 27 mars 1902
Le matin, je vais à Saint-Gervais où j’entends une partie de l’office du jeudi saint chanté par les célèbres chanteurs de Saint-Gervais. Je déjeune avec ma tante de Barescut, qui est en ce moment à Paris chez son fils le capitaine d’artillerie Maurice de Barescut, élève de l’École de guerre, avec ma cousine Jeanne de Barescut et avec mon cousin Maurice dont je fais la connaissance, car je n’avais encore jamais eu l’occasion de le voir ; je le trouve tout à fait à mon goût : très aimable et très simple à la fois ; Tata Mimi les avait invités à cause du passage à Paris de ma tante. L’après-midi, je visite les tombeaux de plusieurs églises : Neuilly, Sainte-Clotilde, Saint-Augustin, la Madeleine. Je vais aussi faire une visite à ma tante de Roig, boulevard de Courcelles, que je ne connaissais pas encore.
Neuilly, vendredi 28 mars 1902 (vendredi saint)
Le matin, je vais à la basilique de Montmartre, puis, en redescendant, je rencontre Piccot, avec qui je me promène un moment. L’après-midi, au moment où je sortais, je rencontre d’Anteroche[29] à l’entrée du Bois, puis je vais visiter la chapelle de la rue Jean-Goujon élevée en souvenir de l’incendie du Bazar de la Charité, je vais me faire couper les cheveux boulevard Malesherbes et je vais visiter le reposoir de Saint-Eustache. Je rentre à Neuilly de bonne heure et j’en repars à 7 heures pour prendre, à 8h20, le train à la gare de Lyon.
Ille, samedi 29 mars 1902
J’ai voyagé toute la journée en passant par Paris, Nevers, Moulins, Clermont, Arvant, Neussargues, Béziers, Narbonne, Perpignan et Ille ; je n’ai pas changé de wagon jusqu’à Béziers. La région que j’ai traversée entre Arvant et Bédarieux est des plus curieuses, la ligne passe à 1100 mètres d’altitude dans les montagnes du Cantal et de la Lozère ; dans l’Aveyron, on passe près des fameuses gorges du Tarn ; c’est un pays très peu habité, très triste et assez froid. J’arrive à Ille à 8 heures ; Papa m’attendait à la gare.
Ille, dimanche 30 mars 1902 (jour de Pâques)
Le matin, je me lève avant 5 heures pour assister à la procession qui a lieu à six heures. Le Regina en musique est très bien exécuté au moment où la statue du Ressuscité et celle de la Sainte Vierge se rencontrent et se saluent. Nous déjeunons chez M. le curé, avec le vicaire et le Père prédicateur. L’après-midi, après vêpres, nous faisons plusieurs visites. Le soir, nous allons chez les demoiselles Matthieu où nous voyons leur neveu, le capitaine Scillie et sa femme.
Semaine du 31 mars 1902
Vinça, lundi 31 mars 1902
Je quitte Ille, après la grand’messe, par le train de 10h ½ et j’arrive à Vinça à 10h ¾, Bonne Maman m’attendait à la gare, j’ai le plaisir de constater qu’elle est en très bonne santé. L’après-midi, nous assistons aux vêpres, puis nous faisons plusieurs visites et deux tours du jardin.
Avril 1902
Semaine du 1er au 6 avril 1902
Vinça, mardi 1er avril 1902
Le matin, je vais me promener à Bentefarines. Nous déjeunons à 10h ½ et nous partons, par le train de midi, pour Perpignan. Nous allons voir Mme de Guardia[30], et Mme de Llamby[31] que nous ne rencontrons pas ; ensuite, nous retrouvons à Saint-Jean Papa, qui est allé à Trouillas ce matin. Nous allons tous ensemble chez les Cornet que nous rencontrons. J’y fais la connaissance de mon lointain cousin le lieutenant Louis Companyo[32]. Je vais ensuite avec Bonne Maman, faire une visite à ma tante Bonafos, que nous rencontrons, puis chez Mme de Llobet[33] que nous rencontrons aussi ; et nous finissons notre après-midi chez la même tante Bonafos, en compagnie de Tante Lutrand. Nous rentrons tous à Vinça par le train de 8 heures.
Vinça, mercredi 2 avril 1902
Le matin, je vais me promener avec Papa au Cam dels Rocs ; puis je vais attendre à la gare Charouleau qui arrive par le train de 11 heures ; il nous essaie nous habits d’été. L’après-midi, Papa part en voiture pour Boule et Ille. J’écris à L’Autorité pour faire venir 100 exemplaires de la brochure Aux électeurs par Cassagnac[34]. Puis, Bonne Maman et moi nous allons nous promener à la Mirande et au grand jardin.
Vinça, jeudi 3 avril 1902
L’après-midi, je vais à Rodès où je vois Joseph Cornet.
Ille, vendredi 4 avril 1902
Je quitte Vinça par le train de midi, après être allé voir, le matin, la plantation de chênes-lièges de Bentefarines ; les pousses de chênes commencent à se voir. L’après-midi, à Ille, je vais avec Papa à la vigne du Bouc où Dominique Vallé greffe quelques plants de vignes. Le soir, nous allons chez les demoiselles Matthieu.
Ille, samedi 5 avril 1902
Le matin, je vais chez l’oncle Victor[35] avec M. le curé[36], nous fouillons dans les vieux papiers où M. le curé trouve quelques renseignements intéressants pour l’étude qu’il veut faire sur Ille et ses anciennes familles ; je vais ensuite faire une visite à Victor de Lacour qui part à midi, je vois en même temps son père M. Charles de Lacour[37]. L’après-midi, nous allons, Papa et moi, chez M. de Barescut pour l’inviter à venir déjeuner demain matin ; nous ne le rencontrons pas, mais nous laissons notre invitation écrite. Nous allons passer la soirée chez les demoiselles Matthieu.
Ille, dimanche 6 avril 1902
Le matin, après la grand’messe, nous avons à déjeuner M. le curé, M. de Barescut et Thérèse. Après vêpres, je vais me promener à la métairie et aux travaux de défense contre le Boulès ; nous allons passer la soirée chez les demoiselles Matthieu.
Semaine du 7 au 13 avril 1902
Vinça, lundi 7 avril 1902
Le matin, j’assiste avec Papa à la grand’messe qui est dite à 9 heures en l’honneur de la fête de l’Annonciation renvoyée à aujourd’hui, puis je pars pour Vinça par le train de 10h ½. L’après-midi, à Vinça, je vais me promener à la vigne dite Ruscane.
Vinça, mardi 8 avril 1902
Le matin, à 7h ½, j’assiste avec Bonne Maman au Canta qu’elle fait dire pour Bon Papa de Pontich. L’après-midi, je pars pour Ille en voiture à 21h ½. À Ille, je fais distribuer par plusieurs individus 50 exemplaires de la brochure de propagande électorale intitulée Aux électeurs, par Paul de Cassagnac ; au retour, nous nous arrêtons à Bouleternère ; j’en confie 20 exemplaires à Joseph Jacomy, le fils du fermier, qui les distribuera ; j’en ai fait distribuer 30 exemplaires à Vinça. Papa et moi, nous arrivons à Vinça à 6h ½.
Perpignan, mercredi 9 avril 1902
Papa, Bonne Maman et moi nous partons par le train de midi. Bonne Maman s’arrête à Bouleternère, mais Papa et moi nous allons jusqu’à Perpignan ; nous descendons au Grand Hôtel, il est envahi par la noce de Mlle Grandidier, aussi, à 8 heures du soir, de peur d’être trop dérangés par le bal qui aura lieu cette nuit, nous quittons l’hôtel et nous allons au Petit Paris. Nous trouvons au Grand Hôtel l’oncle Xavier qui y est arrivé hier. Dans l’après-midi, je vais voir, avec Papa, mes cousins de Lazerme et les Cornet ; Papa va voir Monseigneur de Carsalade.
Ille, jeudi 10 avril 1902
Le matin, nous nous levons assez tard ; nous recevons, à l’hôtel, la visite de l’oncle Joseph que nous n’avions pas vu hier. Malheureusement, il tombe une pluie battante ! Vers 10h ½, je vais chez les Cornet que je trouve au milieu des derniers préparatifs de la noce. À 11 heures, arrivent les parents et amis : M. Companyo[38], M. et Mme Delmas, M., Mme et Mlles de Bonnefoy[39], M. Azémart[40], le général Souhart[41], l’oncle et tante Lutrand[42], M. et Mme Charles de Llobet[43], M. et Mme Michel de Pous[44], mon cousin Henri de Blaÿ[45] et tous ses enfants, que je ne connaissais pas encore, etc, etc. On me présente à ma demoiselle d’honneur, Mlle Marie-Thérèse de Massia[46] ; l’autre garçon d’honneur est le sous-lieutenant Delmas avec Mlle de Bonnefoy. À la messe, allocution du curé de La Réal, je me tire assez bien de la quête. Après la messe et le défilé à la sacristie, on rentre à la maison, où a lieu un grand dîner de 40 personnes qui dure de 1 heure à 4 heures ; après le dîner, pendant lequel j’étais à côté de la mariée, on prend le café, les messieurs fument un cigare, puis on se retire parce que Louis Companyo et Mimi[47] partent à 5 heures pour Céret voir Mme Companyo mère qui n’a pu venir, étant malade. Nous repartons de Perpignan par le dernier train, l’oncle Xavier, Papa et moi, et nous arrivons à Ille à 8 heures.

Vinça, vendredi 11 avril 1902
Le matin, je vais me promener avec l’oncle Xavier dans la direction de Bouleternère ; nous voyons les nouveaux travaux de défense contre le Boulès, qui sont presque achevés ; nous apprenons la mort de Mme Jules Marty survenue subitement ce matin. Je pars pour Vinça par le train de 3h9.
Vinça, samedi 12 avril 1902
Le matin, je vais à 7 heures à l’église où je fais la sainte communion. Papa arrive d’Ille par le train de 11 heures. Nous partons, Papa et moi, par le train de 3h ½.
Angers, dimanche 13 avril 1902
À la gare de Perpignan à 5 heures, nous voyons l’oncle Xavier, qui nous y avait donné rendez-vous, et tous les Cornet qui viennent accompagner Louis Companyo et Mimi ; ils partent pour leur voyage de noce, après 2 jours passés à Céret auprès de Mme Companyo mère qui était souffrante. Au buffet de Narbonne, nous dînons ensemble ; ils descendent à Toulouse. Dimanche matin à 5 heures, nous arrivons à Bordeaux, nous allons vite à la cathédrale où nous entendons la messe de 7 heures et nous repartons pour Angers par le train de 8h50. Nous y arrivons à 4h ½. À la maison, nous voyons les changements faits dans la distribution des appartements par Maman : petit salon transporté dans la chambre du Champ de Mars (anciennement chambre de Maman) et chambre de Maman transportée dans l’ancien petit salon.
Semaine du 14 au 20 avril 1902
Angers, lundi 14 avril 1902
Le matin, je reprends mes cours ; à 8 heures, celui de M. Jac, à 9h ½, celui de Papa. L’après-midi, de 2h à 4h, je travaille du droit ; à 5 heures ¼, cours d’agriculture.
Angers, mardi 15 avril 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 5h ¼ cours d’agriculture.
Angers, mercredi 16 avril 1902
Le matin cours habituels, l’après-midi, le cours d’agriculture est supprimé. À 5 heures, conférence de droit civil.
Angers, jeudi 17 avril 1902
Le matin, cours habituels, les étudiants, comme hier et avant-hier, font beaucoup de tapage au cours de Papa, qui les menace de les signaler au doyen. L’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture. Le soir, à 8h, l’oncle Paul, tante Josepha, Nénette et mon oncle Albert de Lazerme, qui est en ce moment à Angers pour son service (il est contrôleur de l’armée) viennent prendre le thé à la maison.
Angers, vendredi 18 avril 1902
Le matin, cours habituels, le tapage continue au cours de Papa qui, pour comble du malheur, est obligé de faire cours tous les jours depuis qu’il a commencé le droit international ! L’après-midi, à 5 heures, conférence de droit administratif. Le soir, à 8 heures, nous allons prendre le thé chez l’oncle Paul ; l’oncle Albert devait y venir aussi, mais il n’y vient pas.
Angers, samedi 19 avril 1902
Après les cours, j’accompagne à la gare Maman qui part pour Biarritz où elle va faire une saison de bains salins chauds, et Papa qui l’accompagne jusqu’à Saumur. L’après-midi, je vais avec Marie-Thérèse me confesser à M. l’abbé Brossard. À 5h, leçon d’escrime. À 8 heures, conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 20 avril 1902
Le matin, je vais à la messe de 8 heures à Notre-Dame, où je communie ; je travaille le reste de la matinée ; l’après-midi, nous allons au salut à 4h ½ à l’Adoration, puis nous nous promenons avec tante Josepha et Nénette. Le soir à 8 heures, au patronage Saint-Serge, nous assistons à la représentation du Bossu, qui dure jusqu’à minuit.
Semaine du 21 au 27 avril 1902
Angers, lundi 21 avril 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, je travaille jusqu’à 6h 1/2., puis je vais au cours d’agriculture à 5h ¼. À 8 heures, conférence Saint-Louis. M. René Bazin nous fait plusieurs lectures, notamment un chapitre d’un ouvrage de Maurice Barrès appelé Leurs figures, ce chapitre est consacré à la peinture de la séance de la Chambre où Jules Delahaye dénonça le scandale du Panama en novembre 1892 ; la frousse intense de ces parlementaires, en mieux, de ces parlementaires véreux, est tracée de main de maître par l’ardent nationaliste et l’antiparlementaire convaincu qu’est Maurice Barrès.
Angers, mardi 22 avril 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi à 5h ¼, cours d’agriculture ; nous allons ensuite dîner et prendre le thé chez l’oncle Paul.
Angers, mercredi 23 avril 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 2 heures cours d’agriculture ; ensuite, je vais travailler à la bibliothèque ; à 5 heures, conférence de droit civil. Le soir, Papa reçoit une lettre de M. Joseph Batlle[48], d’Ille, qui le décide à partir demain afin d’être à Ille le 27 avril pour des élections législatives, où sa présence, dit M. Batlle, est nécessaire pour entraîner certains hésitants en faveur de la candidature conservatrice de M. Circan. Le soir, nous allons tous chez les Magué, à qui Papa fait ses adieux ; l’oncle Albert s’y trouve aussi. Vers 10 heures, je vais à la soirée offerte par M. Bodinier, sénateur, à l’occasion du mariage de sa fille, Mlle Geneviève Bodinier[49]. C’est une simple réception ; il doit y avoir environ 150 personnes. Je me retire vers 11 heures, la soirée ne devant pas durer longtemps ; buffet très assorti.
Angers, jeudi 24 avril 1902
Le matin, après les cours, Papa part pour Ille où il va faire de la propagande électorale en faveur du candidat des conservateur, M. Albert Circan[50], qui, de même que M. Joubert à Angers, se présente sous l’étiquette de « républicain libéral », afin de rallier sur son nom tous les antiministériels. Papa, qui ne s’est pas fait inscrire sur la liste électorale d’Angers, va en Roussillon, d’abord pour voter lui-même, ce qui est un devoir essentiel dans les circonstances que nous traversons, et aussi pour user de son influence en faveur de M. Circan, comme le lui demandait un des conservateurs influents d’Ille, M. Joseph Batlle, dont la lettre a décidé Papa à partir pour le 1er tour de scrutin. À 11 heures, Marie-Thérèse, Tante Josepha et moi nous allons à Saint-Joseph assister au mariage de Mlle Geneviève Bodinier avec M. Robert Huault-Dupuy[51], qui est béni par Monseigneur Rumeau. La cérémonie est splendide, et il y a tellement de monde que nous fraisons queue, Marie-Thérèse et moi, pendant plus d’une demi-heure avant de pouvoir pénétrer dans la sacristie pour présenter nos vœux aux jeunes époux. Comme ni Papa ni Maman ne sont à Angers, nous n’allons pas à la réception qui suit le mariage, à laquelle nous étions invités. L’après-midi, à 5h ¼ cours d’agriculture. Ensuite, nous allons dîner chez Tante Josepha, comme nous ferons tout le temps que Papa sera absent.
Angers, vendredi 25 avril 1902
Le matin, cours de M. Jac et cours de M. Bazin, qui remplace Papa ; à 11 heures moins dix, je vais prendre ma 1ère leçon d’équitation au manège du 6e génie. L’après-midi, je travaille, puis à 5 heures, conférence de droit romain ; ensuite, je vais faire une visite à l’oncle Albert à l’Hôtel du Cheval blanc, puis je vais dîner et passer la soirée chez Tante Josepha.
Angers, samedi 26 avril 1902
Le matin, en l’honneur de Notre-Dame du Bon conseil, nous allons, Marie-Thérèse et moi, à la messe de 7 heures à Notre-Dame ; ensuite, je vais à mes cours ; l’après-midi, je travaille jusqu’à 4 heures, puis nous allons au salut à la chapelle de la route de Paris où l’oncle Albert et Tante Josepha viennent nous rejoindre. À 5 heures, leçon d’escrime. À 6h ½, nous allons dîner chez M ; et Mme Perrin. Après dîner, je vais avec Joseph Perrin à la conférence Saint-Vincent-de-Paul, puis je reviens prendre Marie-Thérèse chez Mme Perrin, et nous rentrons.
Angers, dimanche 27 avril 1902
Le matin, je vais à la messe de 8 heures à Notre-Dame ; j’y fais mes dévotions à l’intention des élections législatives qui ont lieu aujourd’hui et dont le résultat sera si décisif pour l’avenir de la France ! À midi, nous recevons à déjeuner l’oncle Paul, Tante Josepha et Nénette ; l’après-midi, je travaille jusqu’à 4 heures à mon étude pour Saint-Louis, puis je vais au salut à l’Adoration ; je reviens travailler jusqu’à 6 heures, à 6 heures, je vais assister au dépouillement du scrutin à la Mairie et à la Préfecture. Nous dînons chez Tante Josepha. Après dîner, nous sortons tous, nous avons même avec nous Hervé-Bazin et Roger Follenfant, pour essayer de connaître le résultat des élections. Notre 1ère impression est mauvaise car, en ville, c’est le socialiste ministériel Maurice qui arrive en tête ; mais je vais ensuite aux bureaux du Maine-et-Loire où on centralise les résultats ; là j’apprends que Joubert[52], candidat libéral, nationaliste soutenu par tous les conservateurs, arrive en tête, du reste voici les chiffres :
Joubert : 5870 voix
Bichon radical ministériel 5775 voix
Abbé Bosseboeuf, républicain démocrate 5551 voix
Maurice, socialiste ministériel 5083 voix
Foucher, libéral 1127 voix
Joxé, député sortant radical, 762 voix
C’est un beau résultat ; si l’abbé Bosseboeuf fait son devoir et se désiste en faveur de Joubert, ce que fera certainement Foucher, Joubert sera élu au second tour, et ce sera un siège gagné ! Somme toute, les antiministériels ont 12548 voix contre 11620 voix ministérielles. À Baugé, ballotage, mais l’antiministériel Cesbron arrivait, aux derniers chiffres connus, avec 7800 voix contre 7060 à Cathelineau ministériel et 2600 environ à Berlet ; il est probable que les voix de ce dernier se partageront également entre les deux autres et le succès restera à Cesbron. Ainsi, dans ces deux circonscriptions, les candidats de la Patrie française soutenus par les conservateurs, arrivent en tête. Dans les autres circonscriptions de Maine-et-Loire, les candidats conservateurs ont des majorités écrasantes ! On ne sait pas encore grand-chose de Paris et de la province. Cependant, pour Paris, on sait que les seuls élus, jusqu’à présent connus, sont des nationalistes – Prache, Sprouk, Berger, etc. – et, dans les autres circonscriptions, les nationalistes arrivent en tête des ballotages ! Dans la Sarthe, le ministériel d’Estournelles est battu ; le ministre Caillaux est en ballotage. À Nantes, le candidat antiministériel est élu dans une circonscription et, dans l’autre, il y a un ballotage. À Bordeaux, 3 ballotages. Somme toute, les nouvelles de ce soir sont excellentes. Puisse le Ciel nous en envoyer d’autres aussi bonnes demain ! Je rentre à 11 heures, j’écris ces lignes et je me couche.
Semaine du 28 au 30 avril 1902
Angers, lundi 28 avril 1902
Dès que je suis hors du lit, j’envoie acheter des journaux, je constate des succès très réels pour les antiministériels, surtout à Paris où presque tous les élus sont des nationalistes et où ils tiennent la tête dans les ballotages ; dans l’Ouest, beaucoup de victoires, par exemple dans le Calvados, dans la Seine-Inférieure, dans la Loire-Inférieure, la Vendée, la Vienne, idem pour le département du Nord, pour ceux des Vosges, de la Meuse et bien d’autres ; malheureusement, nous avons éprouvé quelques échecs très sensibles : Piou à Saint-Gaudens ; de Cassagnac dans le Gers ; le marquis de Solages à Carmaux où le socialiste Jaurès est élu ; Drumont à Alger ; la défaite de Drumont à Alger est certainement due aux manœuvres gouvernementales car le conseil municipal de cette ville qui était composé d’amis du député Drumont, avait été dissous 3 ou 4 jours avant le scrutin et, à sa place, on a mis une commission municipale dévouée au ministère, qui a dû s’en donner à cœur joie de tripatouiller les urnes et de faire de l’arithmétique électorale ! Espérons que l’élection d’Alger sera invalidée, lors de la vérification des pouvoirs, si nos amis sont en majorité à la nouvelle Chambre ; à Perpignan, Bartissol[53], républicain modéré et libéral, est élu contre des radicaux et des dreyfusards dans l’ancienne circonscription du radical Rolland ; c’est un échec de plus pour le ministère. Malheureusement, à Prades, Escanyé[54] est réélu !
Je vais au cours de 9h ½ de Monsieur Bazin car il n’y a pas de cours de 8 heures. Après le cours, je vais prendre ma leçon d’équitation au quartier du génie. L’après-midi, je lis des nouvelles éditions de journaux, j’y vois, avec regret, que d’Estournelles, dont on avait annoncé l’échec, est élu, ainsi que Caillaux qui, avait-on dit, était en ballotage. Mais, dans l’ensemble, les antiministériels ont eu les succès de la journée. Je travaille toute l’après-midi à mon étude sur « Cecil Rhodes et l’Afrique du Sud », que je lis, le soir, après avoir dîné chez Tante Josepha, à la Conférence Saint-Louis ; il a un certain succès.
Angers, mardi 29 avril 1902
Le matin, cours habituels. L’après-midi, à 4 heures, leçon d’allemand ; Mlle Grieshaker me fait lire une lettre de Piccot dans laquelle ce malheureux a l’audace de lui demander, non pas une pièce de 5 francs, comme dans une lettre qu’il lui écrivait la veille, mais sa main ! à cette lecture, je suis pris d’un accès d’hilarité bien compréhensible ; je n’ai pas besoin d’ajouter que Mlle Grieshaker, qui lui avait peut-être envoyé les 100 sous, si la seconde lettre n’était pas arrivée, ne lui a rien envoyé du tout et s’est bien gardé de lui répondre. À 5 heures ¼, cours d’agriculture. À 7 heures, nous allons dîner chez Tante Josepha ; l’oncle Albert, qui part demain, vient y passer la soirée et nous fait joliment rire ! Les journaux publient de nombreuses statistiques sur les résultats des élections ; chaque feuille s’efforce de prouver que les élections se sont prononcées en faveur de sa politique. La statistique la plus sérieuse émane du Temps qui, malgré ses opinions ministérielles, veut bien reconnaître que les nationalistes et les modérés reviennent à la Chambre plus nombreux. Voici la statistique du Temps ; il y avait 589 députés à élire ; 411 députés ont été élus ; ce sont :
- Indépendants : 4 socialistes antiministériels
- Ministériels : 196
- 18 socialistes ministériels
- 150 radicaux ou radicaux socialistes
- 28 républicains ministériels
- Antiministériels : 211
- 114 progressistes antiministériels
- 26 ralliés
- 33 nationalistes
- 38 conservateurs
En ne comptant pas les 4 socialistes antiministériels dans la majorité antiministérielle, nous avons donc :
Antiministériels (114+26+33+38) : 211
Ministériels (18+150+28) : 196
Indépendants : 4
C’est donc un avantage sérieux pour les antiministériels et, pour peu que la proportion se maintienne dans le scrutin de ballotage du 11 mai et dans les deux élections de la Réunion, la France sera enfin délivrée de ce ministère de la trahison nationale qui, constitué uniquement en vue de l’acquittement du traître Dreyfus, a inventé cette infâme parodie de la justice qu’on appelle la Haute-Cour, a obligé par sa loi d’association les meilleurs Français à s’exiler, a privé l’armée de ses meilleurs chefs et a creusé dans nos finances un déficit de près de 400 millions. Il était temps !
Angers, mercredi 30 avril 1902
Papa arrive à 8 heures de Biarritz où il est passé à son retour du Roussillon, et fait son cours à 9h ½. À 11 heures, leçon d’équitation. L’après-midi, à 2 heures, cours d’agriculture ; à 3 heures ½ je vais faire une visite de digestion à Mme Perrin que je ne rencontre pas ; à 5h ¼, conférence de droit civil. Le soir, nous dînons tous chez les Magué. Les nouvelles que l’on reçoit de tous côtés du scrutin de dimanche dernier prouvent que la pression gouvernementale a été éhontée ; ainsi, dans une circonscription du Lot-et-Garonne où le ministre Leygue[55] avait un concurrent antiministériel, le sous-préfet reçoit dans la journée de dimanche la dépêche suivante de Waldeck-Rousseau : « Quel que soit le résultat, Leygue doit être proclamé » ! Dans l’Aveyron, on a enlevé 100 bulletins d’une urne et on les a remplacés par autant de bulletins du candidat ministériel ; à Marennes, le candidat antiministériel, Ernest Renault, n’a pas été élu parce que la veille au soir du jour de l’élection, on a fait afficher partout son désistement, ce qui était faux ! Et il y a bien d’autres exemples. Si, en dépit de toutes ces fraudes, la majorité est aux antiministériels, j’espère bien que les prétendus députés proclamés élus à la suite de manœuvres de ce genre seront invalidés.
Mai 1902
Semaine du 1er au 4 mai 1902
Angers, jeudi 1er mai 1902
Le matin, cours habituels. À 11 heures, leçon de mandoline. L’après-midi, vers 4 heures, je vais avec Papa et Marie-Thérèse faire une visite de digestion à Mme Bodinier. Ensuite, cours d’agriculture. Le soir, Papa va dîner chez Mme Jac ; Marie-Thérèse et moi, nous y étions invités aussi, mais au dernier moment, nous nous sommes excusés à cause des maladies de deux enfants de Mme Jac, dont l’un a la rougeole et l’autre la varicelle. Nous allons dîner chez les Magué et, après dîner, nous allons tous à l’ouverture du Mois de Marie à la cathédrale ; le maître-autel est presque entièrement tendu de gaze bleue et blanche ; un moment, le feu prend à cette gaze, un énorme jet de flamme jaillit ; mais on se précipite et on réussit à arracher les parties enflammées avant qu’elles aient pu communiquer le feu aux autres ; les dégâts sont insignifiants et la cérémonie n’a même pas été interrompue. Les journaux continuent à signaler, contre les candidatures antiministérielles, les faits de pression et de fraude les plus honteux ; c’est ainsi que, dans des localités de la Haute-Saône, l’une a été, plusieurs fois, enlevée du bureau de vote et le dépouillement a été fait à huis-clos. On cite aussi une commune où on n’a porté que 7 voix au candidat antiministériel et où 28 électeurs ont affirmé devant notaire avoir voté pour ce candidat ; ailleurs, on a fait voter, pour le candidat ministériel, des militaires, des condamnés ou même des inconnus à qui l’on avait délivré de fausses cartes électorales. Enfin, dans plusieurs circonscriptions, la préfecture a déclaré élus des candidats ministériels qui étaient en minorité ! On espère que les commissions de recensement vont corriger plusieurs résultats proclamés par les préfectures et reconnus faux depuis. C’est honteux ! Et il faut bien que le ministère Waldeck-Millerand, qu’un de ses membres a pu traiter de « ministère de l’étranger », se sente perdu pour se livrer à de pareilles manœuvres !
Angers, vendredi 2 mai 1902
Le matin, je vais à Notre-Dame, à la messe de 7 heures où je fais la sainte communion en l’honneur du premier vendredi du mois ; ensuite, cours habituels ; à 11 heures, leçon d’équitation ; l’après-midi, visite des pauvres de Saint-Vincent-de-Paul ; le soir, nous allons au Mois de Marie à Saint-Joseph.
Angers, samedi 3 mai 1902
Le matin, cours habituels ; à midi, nous avons à déjeuner M. et Mlle Louise Laugier, de passage à Angers ; l’après-midi, à 4 heures, je vais me faire soigner les dents chez le dentiste M. Sicart ; à 5 heures, leçon d’escrime ; à 8 heures, Conférence Saint-Vincent-de-Paul. M. Foucher, le républicain libéral qui avait obtenu 1127 voix et dont on escomptait le désistement en faveur de M. Joubert, fait afficher le maintien de sa candidature ; c’est un bien mauvais son de cloche pour le 11 mai, surtout en présence du désistement du socialiste Maurice en faveur de Bichon, qui paraît certain !
Angers, dimanche 4 mai 1902
Le matin, je vais à la grand’messe à Saint-Joseph avec Papa. À midi, nous recevons les Magué à déjeuner ; l’après-midi, je vais avec Papa au salut à l’Adoration ; le soir, à cause d’un petit rhume, je ne vais pas au Mois de Maris.
Semaine du 5 au 11 mai 1902
Angers, lundi 5 mai 1902
Le matin, cours habituels ; après le cours, je lis, sur tous les murs, une affiche de l’abbé Bosseboeuf annonçant qu’il est candidat le 11 mai ! C’est vouloir à tout prix faire élire le candidat ministériel Bichon, en faveur de qui Maurice s’est désisté ! Ce malheureux abbé Bosseboeuf, dont la candidature était déjà fort inopportune le 27 avril, est vraiment bien coupable en la maintenant au ballotage, alors que l’autre candidat antiministériel, Joubert, a eu plus de voix que loi. Pour expliquer cette attitude, dont le véritable mobile est son ambition démesurée, cet abbé politicien invente que les partisans de Joubert faisaient courir le bruit qu’ils avaient acheté son désistement 50, 80 ou même 100.000 francs, et il dit qu’il se présente uniquement pour réduire cette accusation à néant !
M. Joubert lui répond le soir même, par une affiche très calme et très digne, qu’il n’a jamais cherché à acheter personne. Ce bruit, s’il a réellement couru, doit émaner des Bossebouviens qui voulaient trouver un prétexte à cette candidature (is fecit cui prodest) ; quoi qu’il en soit, c’est doublement malheureux : d’abord à cause de l’élection de Bichon qui est assurée maintenant, et ensuite à cause du mauvais effet produit par l’ambition de ce prêtre qui ne veut pas céder à l’intérêt si pressant de la religion et de la Patrie. L’après-midi, à 5 heures ¼ cours d’agriculture ; avant le cours, je vais me faire arranger les dents par M. Sicart. Le soir, à 8 heures, Conférence Saint-Louis ; Cotelle lit un travail sur « Le swating-system ».
Angers, mardi 6 mai 1902
Le matin, cours habituels ; l’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture. Le soir, Papa et moi nous allons à la représentation de L’Aiglon de Rostand, par la troupe, de passage à Angers, du Théâtre Sarah-Bernhardt. Mlle Grumbach[56], qui remplace Sarah Bernhardt, joue très bien, et avec beaucoup de feu, le beau rôle du duc de Reichstadt, mais elle a le malheur de ne pas posséder du tout la tête du fils de Napoléon ; l’histoire nous le représente comme un grand jeune homme blond, et aux traits creusés et amincis, au lieu que Mlle Grumbach a la figure pleine et le nez en l’air. Metternich est, peut-être, un peu compassé : Flambeau et Marie-Louis sont très naturels. Nous rentrons à minuit 30.
Angers, mercredi 7 mai 1902
Étant assez enrhumé et, à cause du froid qui est très vif pour la saison, je ne me lève que vers 11 heures et je ne sors pas de toute la journée. M. Pinguet vient me donner ma leçon de mandoline.
Angers, vendredi 9 mai 1902
Comme mon rhume avait encore augmenté dans la nuit de mercredi à jeudi et que je toussais beaucoup jeudi matin, je n’ai pas quitté le lit de toute la journée d’hier malgré la fête de l’Ascension. Ce matin, comme j’ai passé une bonne nuit, je me suis levé à 11h ½ ; mais je n’ai pas quitté la maison. J’ai dû refuser une invitation à dîner, ce soir, chez Mme Hervé-Bazin qui réunit les amis de Roger de Bréon ; celui-ci, qui est malade dans sa famille depuis plus de deux mois, et qui, cependant, continue son droit comme il peut, est venu aujourd’hui à Angers pour prendre son inscription.
Angers, samedi 10 mai 1902
Je me lève à la même heure qu’hier et je passe l’après-midi au petit salon ; vers le soir, le Dr Sourice vient, il m’ausculte et reconnaît que ma toux ne vient pas d’un refroidissement, elle tient à ce que je subis l’influence d’une épidémie de grippe qui sévit en ce moment à Angers ; c’est donc une grippe très bénigne, mais suffisante pour nécessiter des précautions, surtout par le temps si rigoureux de ces jours-ci, c’est une véritable température d’hiver ; de tous côtés, on se plaint des gelées ; je dois m’attendre à rester deux ou trois jours dans la maison. C’est très ennuyeux à cause des cours que je manque (il est vrai, qu’à la place, je travaille avec les notes que Papa me prêtre, ou avec mes ouvrages). Les journaux racontent, ce matin, l’effroyable cataclysme de la Martinique ; la Montagne Pelée, ancien volcan qui domine la ville de Saint-Pierre et qui n’était plus en activité depuis 1851, a repris tout à coup de l’activité et, dans la matinée d’avant-hier, une pluie de feu, de cendres et de scories s’est abattue sur Saint-Pierre et, en quelques minutes, la ville a été ensevelie sous les décombres ou détruite par le feu ; on croit que plus de 30.000 personnes ont péri ; c’est la répétition de la catastrophe qui détruisit Pompéï et Herculanum en 79 ap. J.C. Comme les communications télégraphiques ont été en partie détruites, c’est le Suchet, navire de guerre qui était en rade de Saint-Pierre au moment de la catastrophe, et un navire anglais, qui ont câblogrammé ces nouvelles ; tous les autres navires qui étaient en rade ont péri et le Suchet n’a pu recueillir qu’une trentaine de survivants ! Il est probable qu’il y a une corrélation entre cette éruption subite et le tremblement de terre qu’on a ressenti, il y a une huitaine de jours, dans le Midi de la France et en Espagne.
Angers, dimanche 11 mai 1902
Le matin, je ne me lève qu’à 11 heures ½ ; je passe toute mon après-midi au petit salon. Le soir, Papa va s’informer du résultat des élections complémentaires qui ont eu lieu aujourd’hui. Il apprend l’élection, à Angers, du docteur Bichon[57], radical et ministériel par 10895 voix contre 7562 à l’abbé Bosseboeuf, 5093 à M. Joubert et 439 à M. Foucher. Ce résultat était prévu depuis le jour où, contre toute convenance, contre tous les précédents et malgré les blâmes sévères de beaucoup de journaux catholiques, même d’organises démocrates-chrétiens, l’abbé Bosseboeuf qui avait eu au premier tour de scrutin moins de voix que l’autre candidat antiministériel M. Joubert, avait maintenu sa candidature ; la responsabilité de ce résultat retombe aussi, en partie, sur M. Foucher qui avait agi comme l’abbé Bosseboeuf. Ce qu’il y a de plus étonnant c’est que l’abbé Bosseboeuf ait encore gagné 2000 voix depuis quinze jours ; ce sont, sans doute, des voix socialistes venues des électeurs de Maurice ; elles ne lui font pas honneur !
Semaine du 12 au 18 mai 1902
Angers, lundi 12 mai 1902
Je ne me lève, encore aujourd’hui, qu’à 11h 1/2 ; mais comme je tousse beaucoup moins et que le temps s’est amélioré, je vais faire une toute petite promenade dans l’après-midi. Les résultats des élections complémentaires dans l’ensemble de la France paraissent favorables au ministère ! Il y a, sans doute, bien des sièges gagnés par nos amis, comme à Baugé où M. Fabien Cesbron est élu, à Castelnaudary où le marquis de Laurens-Castelet, à Lombez où le marquis de Pins, à Nérac où M. Léopold Fabre sont élus, et bien d’autres sièges conquis sur les ministériels ; mais, malheureusement, nous en perdons plusieurs et, comme pour conserver la petite majorité conquise le 24 avril, il aurait fallu avoir au moins la moitié des ballotages, le résultat est mauvais, car nous en avons à peine un tiers. Notre petite majorité est perdue et même, je crois (sauf à changer d’opinion lorsque j’aurai vu les résultats dans toutes les circonscriptions et des statistiques bien nettes !) je crois, dis-je, que le ministère a une petite majorité ! Ainsi, cet immense effort de tous les honnêtes gens unis sur le terrain de la liberté et du patriotisme, cette magnifique campagne de conférences si bien conduite par les admirables lutteurs de la Patrie française et de l’Action libérale, ces souscriptions qui ont eu tant de succès, tout cela n’aura abouti qu’à amoindrir de quelques voix la majorité de Waldeck-Rousseau et de ses tristes acolytes ! Je veux croire que le résultat sera plus encourageant et que les honnêtes gens auront, au moins, appris à se connaître et à lutter ensemble et que cette union se poursuivra pour arriver, un jour, à la victoire.
Mais, qu’il est triste de constater l’aveuglement du suffrage universel ! Trois ans de gouvernement antinational, trois ans d’attentats continuels contre la liberté, n’ont pas assez remué le pays pour lui faire vomir, dans un accès de dégoût, les infâmes politiciens qui l’oppriment ! Je sais bien qu’il faut tenir compte de toutes les causes qui vicient le suffrage universel : la pression gouvernementale, les fraudes (qui nous ont fait perdre au moins 30 sièges), le défaut de représentation des minorités ; mais, même ces circonstances écartées, le suffrage universel est une institution essentiellement dangereuse. Il n’est pas admissible que tout, même les libertés les plus essentielles, les principes les plus sacrés, dépende de la loi du nombre, c’est-à-dire de la masse ignorante, pleine de préjugés, et n’agissant que sous l’empire de la passion. Non ! Le suffrage universel, tel qu’il existe en France, n’est pas fait pour l’état actuel de notre société ; il suppose un niveau d’instruction très élevé, que nous n’atteindrons pas de longtemps. Cette institution est très dangereuse dans tous les pays ; mais elle l’est particulièrement dans une république comme la France, où il n’existe pas de pouvoir pondérateur. En Allemagne, en Espagne, pays monarchiques, tout ne dépend pas du suffrage universel ; le souverain est là pour l’arrêter ou pour le modérer ; en France, au contraire, où tout dépend de lui, il nous conduira à notre perte si nous ne trouvons un moyen de l’enrayer.
Angers, mardi 13 mai 1902
Je me lève encore fort tard – vers 11 heures ; mais comme je vais de mieux en mieux, je sors un peu plus longuement dans l’après-midi. À 4 heures, Mlle Greishaker vient me donner ma leçon d’allemand.
Des statistiques assez exactes sont données aujourd’hui sur le résultat du scrutin de ballotage. Ce qui ressort de ces statistiques, c’est que partout où les candidats ministériels ont été élus, et c’est hélas ! dans plus de deux tiers des circonscriptions, ils ne l’ont été qu’à de très faibles majorités où, comme à Angers, grâce à la division des libéraux. En additionnant les résultats du 27 avril avec ceux d’avant-hier, on trouve que les antiministériels sont environ 260, dans la nouvelle Chambre, et les ministériels environ 305 ; il y a, de plus, une vingtaine de douteux, parmi lesquels les socialistes guesdistes ; enfin, quelques résultats ne sont pas connus, par exemple celui de la Martinique où l’élection n’a pu avoir lieu à cause de la catastrophe de jeudi. Ainsi, la majorité ministérielle est de 45 voix environ ; c’est moins que dans l’ancienne chambre où elle était presque toujours de 75 à 80 voix. Nous avons donc obtenu un résultat ; c’est déjà fort beau quand on a à lutter contre un gouvernement sans scrupules et tout-puissant. Ce qu’il y a de plus triste là-dedans, c’est que les ministériels élus frauduleusement, comme le ministre Millerand qui, pour obtenir sa petite majorité de 300 voix, a grisé les porteurs de bulletins de son adversaire !, ne seront pas invalidés et que, peut-être même, certains de nos amis n’ayant obtenu qu’une faible majorité sont exposés à l’être. Je crains fort que le ministère Waldeck, tout fier de cette majorité, pourtant bien faible et obtenue Dieu sait comment !, ne se cramponne au pouvoir et ne fasse voter les propositions de loi contre la liberté de l’enseignement ; il est bien triste aussi de penser que cette canaille de général André va rester à la tête de l’armée. Ce succès relatif des ministériels est une bien grosse déception pour les patriotes qui avaient tant espéré avoir la majorité à la nouvelle chambre ! Et pourtant, malgré l’absurdité du suffrage universel, n’avons-nous pas lieu de nous réjouir de ce fait que la majorité des électeurs s’est prononcée contre le ministère ? Oui, le 27 avril, où on votait partout, le chiffre de voix données aux antiministériels a dépassé, pour toute la France (colonies comprises) de 403.000 le chiffre des voix ministérielles ! Donc, si le ministère reste au pouvoir, il brave le pays ! Mais, je ne suis pas assez naïf pour croire que cette considération pèsera dans la balance ministérielle : il est probable que le poids des 60.000 francs du traitement de « Leurs Excellences » aura plus d’influence sur elle.
Angers, mercredi 14 mai 1902
Je vais, ce matin, au second cours en voiture ; l’après-midi, je ressorts. Le soir, nous recevons à dîner Tante Josepha et Nénette ; l’oncle Paul est parti en manœuvres avec son régiment, de mardi à vendredi.
Un fait qui pourra donner une idée des mœurs des électeurs ministériels est la mort du député Lorthiois, élu dimanche à Lille comme antiministériel et mort le soir même des suites d’une agression dont il avait été victime, il y a quelques jours, à la sortie d’une réunion électorale, de la part des partisans de son adversaire. Dans un bourg des Côtes-du-Nord, un homme a été à moitié assommé, sous les yeux du nouveau député ministériel et maire de cette localité, par les partisans et même par le cocher du maire-député, sans que celui-ci ait rien fait pour l’empêcher, ce dernier fait s’est produit le 27 avril. Le 11 mai, à Paris, le candidat nationaliste Thiébaud ayant voulu entrer dans le bureau de vote d’une section de sa circonscription pendant le dépouillement du scrutin, a été assailli et grièvement blessé par ses adversaires qui occupaient seuls la salle. Les journaux citent bien d’autres faits de ce genre qui prouvent à quels moyens ont recours les ministériels.
Angers, jeudi 15 mai 1902
Le matin, je vais au second cours, puis à ma leçon de mandoline ; l’après-midi, je ne ressors pas, je travaille à la maison ; j’ai, comme hier, la visite de Jacques des Loges. Tante Josepha et Nénette viennent encore dîner ce soir. Les journaux citent encore des faits inouïs de fraude, organisés par le gouvernement, en faveur de ses candidats ; je prends le plus monstrueux, il s’est passé à Montauban. Deux candidats, M. Prax-Paris, conservateur, député sortant, et M. Capéran, ministériel, étaient en présence le 11 mai dans cette ville. Voyant la victoire de M. Prax-Paris certaine, on a fait distribuer à tous les électeurs dans la nuit du 10 au 11 mai, par les facteurs de l’administration des postes, et dans des enveloppes insuffisamment affranchies, sans que cela ait donné lieu à aucune réclamation, des bulletins de M. Prax-Paris, sur lesquels on avait écrit au crayon, et en caractères minuscules, presque invisibles, le nom de M. Capéran. Beaucoup d’électeurs, croyant votre pour M. Prax-Paris, mirent de ces bulletins dans l’urne et, au dépouillement du scrutin, on les annula comme portant deux noms. Et, malgré cette fraude monstrueuse, la commission de recensement n’a proclamé M. Capéran élu qu’à une voix de majorité (comme la république) ! Si cette élection n’est pas invalidée, c’est qu’il n’y a plus pour un liard d’honnêteté chez les partisans de ce régime ! Et, d’abord, de quel droit des employés d’une administration ont-ils été mobilisés, de nuit, pour distribuer des enveloppes insuffisamment affranchies ? Que répondra à cela le baron Millerand, ministre du Commerce ? Il est certain que, sans la fraude qui a été pratiquée sur une si vaste échelle, les antiministériels avaient la majorité à la Chambre ; on nous a volé, au bas mot, 30 à 40 sièges. C’est une majorité d’une quarantaine de voix, acquise de cette façon, que chantent les journaux radicaux en célébrant la grande victoire que vient de remporter la république ! Par exemple, ils se gardent bien de dire qu’une majorité de 403.000 électeurs s’est prononcée contre le ministère.
Angers, vendredi 16 mai 1902
Le matin, cours habituels. L’après-midi, à 5 heures, conférence de droit administratif.
Angers, samedi 17 mai 1902
Le matin, cours habituels. L’après-midi, nous regardons le concours hippique, qui a lieu sous nos fenêtres ; Jacques Hervé-Bazin vient profiter de nos fenêtres pour le voir. Malheureusement, le temps est très mauvais ; il pleut presque tout le temps, et les tribunes sont presque désertes.
Angers, dimanche 18 mai 1902
Le matin, je vais à la messe de communion de 8 heures à Notre-Dame, et à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, nous recevons quelques personnes qui viennent profiter de nos fenêtres pour voir le concours hippique : Mme Gavouyère ; M. et Mme Maurice Gavouyère ; René et Mlle de La Villebiot ; M. et Mlles Blanc. Le temps est moins mauvais qu’hier mais, de temps en temps, le concours est mouillé.
Semaine du 19 au 25 mai 1902
Angers, lundi 19 mai 1902
Pas de cours ce matin à cause du congé de la Pentecôte. Comme il fait réellement froid et que le temps est menaçant, je ne vais pas au concours hippique ; je risquerais d’y aggraver mon rhume qui ne veut pas finir avec ce mauvais temps. Marie-Thérèse y va avec Tante Josepha et Nénette. Je vais, avec Papa, à vêpres à Saint-Joseph, et, en rentrant, j’assiste à la dernière journée du concours de la fenêtre de la chambre bleue.
Angers, mardi 20 mai 1902
Mon rhume s’étant aggravé pendant la nuit, je ne me lève qu’à 11h ½, le docteur Sourice vient me voir, m’ausculte, reconnaît encore que je n’ai rien ni à la poitrine ni dans les bronches. Il dit que ma toux est une toux coqueluchoïde, et il me donne des remèdes en conséquence. Ce qu’il y a de plus ennuyeux dans mon cas, c’est que je ne vais pas pouvoir sortir d’assez longtemps, surtout avec le temps froid qui continue et qui n’a pas l’air de vouloir finir.
Angers, mercredi 21 mai 1902
Je me lève à 11 heures et, l’après-midi, je travaille mon droit. À 4h ½, Maman arrive de Biarritz après une saison de bains salins de plus d’un mois ; au retour, elle s’est arrêtée un jour à Poitiers pour voir le P. Engrand, le Sacré-Cœur et Mme de Rouault.
Angers, jeudi 22 mai 1902
Le Dr Sourice dit, aujourd’hui, que j’ai la coqueluche jusqu’au 15 juin environ. À 11 heures, M. Pinguet vient me donner ma leçon de mandoline. On me traite par l’homéopathie et par des fumigations de formol dont on va faire brûler des pastilles, matin et soir, dans ma chambre ; je vais être obligé de respirer cela une partie de la matinée et toute la nuit.
Angers, vendredi 23 mai 1902
Je continue mon existence monotone comme hier. Ma coqueluche est stationnaire, j’espère qu’elle a atteint son maximum et qu’elle commencera, bientôt, à décliner.
Angers, samedi 24 mai 1902
Même programme de journée qu’hier.
Angers, dimanche 25 mai 1902
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Semaine du 26 au 31 mai 1902
Angers, lundi 26 mai 1902
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Angers, mardi 27 mai 1902
Pour faire passer le temps, je lis, dans les moments où je ne travaille pas, des articles du Correspondant. Je lis aujourd’hui une très intéressante étude du vicomte de Meaux, ancien ministre, membre de l’Assemblée nationale, sur l’œuvre de cette assemblée. L’auteur montre comment Thiers, qui avait été choisi d’un commun accord, à Bordeaux, pour conclure la paix et réorganiser la France, à condition qu’il ne s’occuperait pas, pour le moment, de la forme du gouvernement, trahit sa majorité et viola le pacte de Bordeaux en favorisant constamment les républicains et même les radicaux et en tendant toujours à faire de la république la forme définitive du gouvernement jusqu’au jour, beaucoup trop tardif à mon avis, du 24 mai. M. de Meaux explique cette attitude par des engagements que Thiers avait pris, pendant la Commune, avec des personnalités révolutionnaires de plusieurs grandes villes, du Midi surtout, qui promettaient d’empêcher la Commune de s’étendre en province à la condition que Thiers favoriserait l’établissement de la république. Dans l’impossibilité d’empêcher par la force un soulèvement général de l’élément révolutionnaire, Thiers aurait accepté cette transaction. Cette explication donne la clé de bien des énigmes.
Angers, mercredi 28 mai 1902
Même programme de journée qu’hier. Mais je commence à espérer que cela ne durera plus bien longtemps ; car j’ai beaucoup moins de quintes depuis hier.
Angers, jeudi 29 mai 1902
Même programme qu’hier.
Angers, vendredi 30 mai 1902
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Angers, samedi 31 mai 1902
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Juin 1902
Semaine du 1er juin 1902
Angers, dimanche 1er juin 1902
La pluie, qui n’a pas cessé de tomber durant toute la journée d’hier, continue ce matin et on est obligé de renvoyer à l’après-midi la procession du Sacre qui devait avoir lieu ce matin. Elle se fait après les vêpres et jouit d’un temps relativement beau ; mais elle se ressent beaucoup, paraît-il, de ce contre-temps ; on me dit qu’elle est bien loin de valoir la procession des années précédentes ; Papa y assiste, avec l’Université, en robe de cérémonie ; Marie-Thérèse, avec l’œuvre des catéchistes, dont elle porte, un moment, la bannière. Quant à moi, bien entendu, je reste à la maison où je fais passer le temps en lisant un livre de Mgr Favier, évêque de Pékin, sur cette ville. Il contient des renseignements très intéressants et relativement précis sur les origines de l’empire chinois ; ils sont tirés des ouvrages des historiens chinois, très nombreux, paraît-il, environ 5 siècles avant notre ère. Le soir, une bien triste nouvelle nous arrive de Paris : M. Bourgeois, candidat de la concentration radicale, radicale-socialiste et socialiste, a été élu président de la Chambre dans la 1ère séance de cette après-midi par 303 voix contre 267 voix données à M. Deschanel, président de l’ancienne Chambre et candidat des modérés, des nationalistes et de la droite. Cette élection qui est une indication des tendances de la nouvelle Chambre est accueillie par les cris de « À bas la calotte » des députés socialistes ! Les deux vice-présidents sont aussi choisis parmi les radicaux.
Semaine du 2 au 8 juin 1902
Angers, lundi 2 juin 1902
Programme de journée comme avant-hier. Maman va, l’après-midi, aux courses qui ont lieu à l’hippodrome d’Eventard, avec l’oncle Paul et Tante Josepha. On annonce que la paix est signée dans le sud-africain. Cette nouvelle serait de nature à exciter une joie universelle si elle consacrait l’indépendance des Boërs ; malheureusement, d’après la manière dont l’annoncent les journaux anglais, il semble certain que cette poignée d’hommes héroïques qui a tenu en échec pendant 2 ans et demi les armées anglaises, a fait le sacrifice de l’indépendance.
Angers, mardi 3 juin 1902
Pour moi, même programme de journée qu’hier. Marie-Thérèse va, avec Tante Josepha, aux environs de la Possonnière où le régiment du génie lance un pont de bateaux sur la Loire ; la garnison d’Angers franchira ensuite le fleuve sur ce pont. C’est la même intéressante manœuvre que celle dont j’ai été témoin le 5 juin de l’année dernière à Denée. La nouvelle de la conclusion de la paix est confirmée. Les Boërs reconnaissent la suprématie britannique, mais ils rentrent dans leurs biens, reçoivent une indemnité de 75.000.000 frs. pour la reconstitution du cheptel de leurs fermes, obtiennent l’amnistie pour les Afrikanders du Cap et du Natal qui se sont soulevés en leur faveur et, de plus, l’Angleterre s’engage à leur accorder la plus large autonomie et à enseigner, dans les écoles, la langue hollandaise. Si l’Angleterre, qui, il n’y a pas encore bien longtemps, réclamant une soumission sans conditions, consent à de pareilles concessions, c’est qu’elle a compris qu’elle ne pourrait pas arriver à réduire la résistance des deux républiques ! Je décroche du mur de ma chambre la carte de l’Afrique du Sud que j’avais dressée au début de la guerre, en octobre 1899, et qui y était restée accrochée depuis lors ; j’avoue que ce n’est pas sans une pénible impression. J’avais espéré, en effet, que la vaillance des Boërs triompherait de l’or britannique ; hélas, c’est l’or qui triomphe ; c’est toujours le principe de Bismarck « la force prime le droit ». Dieu veuille que le droit ait un jour sa revanche ! Il l’aura, sans doute, et peut-être plus tôt que ne le pense l’Angleterre ; car l’antagonisme des deux nationalités, anglais et hollandaise, aussi prolifiques l’une que l’autre, ne peut manquer d’amener des conflits sanglants en Afrique du Sud lorsque l’élément hollandais se sera reconstitué et, alors, qui sait si, pour avoir voulu s’annexer le Transvaal et l’Orange, l’Angleterre ne perdra pas toutes ses colonies sud-africaines ?
Angers, mercredi 4 juin 1902
Même vie que les jours précédents ; le Dr Sourice, qui vient me voir le matin, refuse de me laisser sortir tant que je tousserai et comme j’ai encore 8 ou 9 quintes de toux par jour, il est à craindre que j’en aie pour plusieurs semaines.
Angers, jeudi 5 juin 1902
Même programme qu’hier, avant-hier et les jours précédents.
Angers, vendredi 6 juin 1902
Je reçois une lettre d’Hervé-Bazin qui, ne pouvant venir me voir par crainte de la contagion, me demande de mes nouvelles. L’après-midi, Monsieur Jac vient me voir et m’offre très aimablement, pour me faire rattraper, dans la mesure du possible, le temps perdu, de me faire faire une révision du programme de droit civil quand je serai rétabli. Un garçon de Normandin vient me couper les cheveux, ce qui n’avait pas eu lieu depuis un mois et demi !
Angers, samedi 7 juin 1902
Monsieur Sourice vient me voir et refuse de me dire quand je pourrai sortir. L’après-midi, nous apprenons la constitution du nouveau ministère qui va remplacer le ministère Waldeck-Rousseau. Il ne vaut pas mieux que l’ancien, étant choisi, presqu’entièrement, dans le parti radical. Le président du Conseil, ministre de l’Intérieur et des Cultes est M. Combes, ex-séminariste et protestant ; ministre de la Guerre, l’infect général André ; aux Finances, le panamiste Rouvier ; à la Justice, M. Vallé[58], rapporteur au Sénat de la loi sur les associations ; aux Affaires étrangères, Delcassé, l’homme de Fachoda qui a, décidément, la vie dure puisqu’il a été dans 4 ministères successifs, etc. Ce ministère est un défi jeté aux catholiques car il réunit dans son sein Combes, président de la commission sénatoriale pour la loi sur les associations, Vallé, rapporteur de cette même commission, et Trouillot, rapporteur de la commission de la Chambre sur la même loi, qui a, je crois, le portefeuille des Travaux publics. Les catholiques, qui avaient cru à l’amélioration possible de la république, perdent, je pense, toute illusion ! Le nouveau ministère a, dans son programme, l’application rigoureuse de la loi sur les associations et la suppression de la liberté d’enseignement. Il est assuré du concours de la majorité républicaine dont la première manifestation, à la nouvelle Chambre, a été le cri de « À bas la calotte », qui a accueilli l’élection de Bourgeois au fauteuil présidentiel ! Il est donc prouvé qu’en république, le programme essentiel de gouvernement est la guerre aux catholiques ! Avec ce programme, un gouvernement est sûr de rallier la majorité républicaine et d’associer des hommes qui sont très divisés sur d’autres points ! C’est ainsi que, dans le ministère actuel, on trouve M. Rouvier, aux Finances, très hostile à l’impôt progressif sur le revenu (qui est un des points principaux du programme radical et radical-socialiste) et Camille Pelletan, ministre de la Marine (pourquoi ? probablement parce qu’il a l’habitude de se lever à midi), partisan résolu de la progressivité de l’impôt. Combes, désireux de s’assurer le concours de Rouvier dont la compétence financière est nécessaire pour remettre en état nos finances fortement compromises par le précédent ministère, a biffé de son programme cette réforme et les radicaux n’ont pas protesté, tant il est vrai que, pour eux, la guerre à la religion tient lieu de programme économique, financier, militaire, etc.
Angers, dimanche 8 juin 1902
Le temps est incertain et les processions du Petit Sacre s’en ressentent ; elles se font, mais sont moins brillantes que si le temps avait été beau ; le matin, je vois passer celle de Saint-Serge, de la fenêtre du salon.
Semaine du 9 au 15 juin 1902
Angers, lundi 9 juin 1902
Ma coqueluche va mieux ; aujourd’hui, je n’ai que 4 quintes, au lieu du 18 ou 19 que j’en avais au début et des 8 ou 10 que j’avais encore ces jours-ci.
Angers, mardi 10 juin 1902
Nouvelle amélioration, aujourd’hui, je n’ai que deux quintes, je commence à entrevoir la fin de ma séquestration.
Angers, mercredi 11 juin 1902
Le Dr Sourice, qui vient ce matin, me permet d’aller, en voiture, à la messe vendredi, fête de Saint Antoine. Papa rentre à 4h ½ d’Angoulême, où il était allé présider un concours, organisé par l’Université d’Angers, entre les collèges catholiques de l’Ouest.
Angers, jeudi 12 juin 1902
Il fait un temps affreux, un vent furieux accompagné de grains, on se croirait en mars ; espérons qu’il fera meilleur demain.
Angers, vendredi 13 juin 1902
Le temps est aussi mauvais, plus mauvais même qu’hier, le vent, la pluie, la grêle font rage ; le matin à 9 heures, je profite d’une éclaircie pour aller, en voiture, à la cathédrale où j’entends la messe du Chapitre ; nous en revenons avec Tante Josepha et Nénette qui étaient venues nous y rejoindre. Le Dr Sourice ayant bien voulu lever la consigne pour Nénette qui a eu déjà la coqueluche, et en considérant que ma maladie touche à sa fin, Tante Josepha et Nénette viennent déjeuner avec nous. À l’occasion de ma fête, Tante Josepha m’a offert une très jolie aquarelle représentant un cavalier pied à terre et un cheval au repos, à leurs pieds, deux chiens de chasse ; Marie-Thérèse m’a donné une boîte à poudre ; Papa et Maman m’ont donné chacun 10 frs. ; Bonne Maman, 20 frs. ; je n’ai donc pas à me plaindre de ma fête, cette année.
Angers, samedi 14 juin 1902
Le matin, je reçois une lettre de Xavier et une autre de l’abbé Sarrète, ainsi qu’une carte postale de Jacques des Loges, tout cela pour ma fête. Nous déjeunons à 11 heures et, dès midi et demi, nous nous précipitons, en voiture, au fameux cirque Barnum et Bailey qui, après avoir fait courir tout Paris où il était installé, dans les anciens bâtiments de l’Exposition au Champ de Mars, fait maintenant courir toute la province où il va de ville en ville, passant deux jours ici, un jour là, ailleurs 3 jours suivant l’importance de la localité. À Perpignan, il y a un mois, il a passé un jour ; ici, il va passer deux jours. Il voyage la nuit ; ainsi, dimanche soir, après sa 4ème représentation, il partira pour Nantes, s’y installera dans la matinée de lundi et y jouera dans l’après-midi, puis le soir, pendant 3 jours. Son matériel réuni forme 4 trains qui roulent discrètement sur les voies ferrées et les wagons sont conditionnés de telle sorte que le personnel qui n’est pas employé au roulement dort pendant les trajets. Voilà une installation bien américaine. Ici, ils sont installés place La Rochefoucauld. Nous sommes uax places à 5 francs ; nous traversons d’abord une immense tente de 50 mètres de long environ qui forme, sur le pourtour ménagerie avec des animaux de toutes sortes, et, au milieu, sur une estrade, on voit des monstres humains ; il y a là une toute petite femme de la taille d’un bébé de 2 ans, mais très bien proportionnée ; un homme-caniche, sa figure est couverte entièrement de poils ; l’homme-téléscope qui s’allonge, à volonté, de 0m45 ; la femme qui avale des épées entières, des scies, etc. (nous assistons à son exercice) etc. etc. ; nous entrons ensuite dans une seconde tente, plus grande encore (elle a, au moins 100 mètres de long, sur 30 mètres de large, et est aussi haute que la plupart des églises) il y a place, là-dedans, pour environ 12.000 personnes, et toutes les places sont bien vite occupées, tant la publicité a été considérable, en ville et dans tout le département (il y a beaucoup de spectateurs venus de la campagne). Le spectacle, qui a lieu simultanément sur 3 pistes, ressemble, en plus grand, à ce que l’on voit dans tous les grands cirques ; il est terminé avant 4 heures.
Angers, dimanche 15 juin 1902
Je vais à la messe de 11 heures à Notre-Dame. L’après-midi, nous retournons à Barnum pour voir, dans une 3ème tente plus petite, des monstres humains qui nous n’avons pas vus hier. Nous voyons là un homme étrange : son corps est à peu près comme celui de tout le monde, mais sa tête est toute petite, par derrière surmontée d’une touffe de cheveux ; il a été recueilli par M. Barnum, il y a 50 ans, à Calcutta, il a donc au moins 70 ans, quoiqu’il n’en porte que 20 ; il n’a jamais dit un mot, mais il émet des sons gutturaux, et il comprend quand on lui parle anglais, il adore la musique, c’est, sans contredit, une des plus grandes curiosités du monde ; on l’appelle Zip ou encore « Qu’est-ce que c’est que ça » à cause de cette question qu’on ne manque jamais de poser quand on le voit. Dans la même tente, nous voyons deux petits hommes de Bornéo de la taille d’un enfant de 8 ans ; ils ont été capturés, en 1848, par le capitaine Hammond ; l’un a environ 70 ans ; l’autre, 80 ans, ce dernier est aveugle, les savantes ne peuvent dire à quelle race humaine ils appartiennent. Nous voyons aussi deux jeunes Chinois âgés d’environ 20 ans, qui se tiennent par une membrane, à la hauteur du thorax, à la manière des fameux frères siamois, ils marchent très facilement, font beaucoup de mouvements et paraissent très heureux. Toujours dans la même tente, nous avons vu un Français, d’une taille plutôt petite, mais très bien membré, d’une force herculéenne ; il pèse 125 livres et soulève le double de ce poids, je l’ai vu briser avec les mains un fer à cheval, s’entourer la poitrine d’une chaîne de fer qu’il fait voler en éclat par le seul effort de ses poumons. Dans la même tente, j’ai vu une charmeuse des serpents ; un homme qui avale des aiguilles et udu fil séparément, puis un liquide, et une minute après, les aiguilles sortent par son nez, toutes enfilées et toutes séparées, sur le fil, par une même distance, je n’ai pas vu opérer cet homme, mais Tante Joseph a assisté, hier, à son exercice. Nous rentrons vers 4 heures après avoir passé environ une heure dans cette tente où nous avons vu des choses bien plus intéressantes qu’hier. Partout, il y a une foule énorme ; toutes les tentes, aujourd’hui encore, étaient combles, si bien que la cuisinière, qui y est allée vers 2h ½, n’a pas pu y rentrer. Comme la tente principale contient 12.000 personnes, et qu’il y a des places à 8 frs., à 5 frs., à 2 fr. 40 et à 1 fr. 50, on trouve, en prenant comme moyenne 3 frs. par place, 36.000 frs. comme produit de chaque représentation, soit 144.000 frs. pour les 4 représentations données à Angers ; avec les attractions secondaires, comme la tente que nous avons vue ce soir où on payait 0 fr. 40, ils emporteront d’Angers plus de 150.000 frs. ! Il est vrai qu’ils ont plus de 1000 personnes, dans tout l’établissement, au moins 200 chevaux, 20 éléphants, etc. etc. En un mot, c’est une exhibition des plus curieuses. Mais, d’après moi, la plus grande curiosité, c’est qu’ils puissent s’installer en une matinée ! Enfin, je ne regrette pas les deux imprudences que j’ai commises en y allant, et j’espère que la guérison de ma coqueluche n’en sera pas retardée.
Semaine du 16 au 22 juin 1902
Angers, lundi 16 juin 1902
Je ne sors pas aujourd’hui et je travaille la plus grande partie de la journée ; les journaux annoncent que le cirque Barnum a emporté plus de 200.000 frs. de son séjour à Angers ; c’est joli pour 2 jours !
Angers, mardi 17 juin 1902
Je travaille comme hier.
Angers, mercredi 18 juin 1902
Ce matin, visite du docteur qui me trouve bien mieux et m’autorise à aller aux cours ; il ne juge pas utile un séjour de quelques jours au bord de la mer comme il en avait parlé dans sa dernière visite, à cause du temps humide et frais qui ne finira, décidément, jamais.
Angers, jeudi 19 juin 1902
Je vais au second cours. Papa va passer l’après-midi au Mans pour faire sortir Philomène. Nous avons à déjeuner l’oncle Paul, Tante Josepha et Nénette. Dans l’après-midi, Madame Perrin, qui a entendu dire que je devais aller m’installer pour quelques jours à la maison Saint-René au Pouliquen où son fils Maurice, Michel Hervé-Bazin et Roger de Bréon sont tous trois en convalescence en ce moment, arrive toute effrayée et vient dire à Maman, sur un ton presque cavalier, en son nom et au nom de Madame Hervé-Bazin, qu’elles enlèveront leurs fils de la maison Saint-René pendant mon séjour si je vais m’y installer, par crainte de la contagion. Maman lui répond que, dans ces conditions, sa délicatesse lui interdit de me mettre à la maison Saint-René que, d’ailleurs, le danger de la contagion n’existe plus puisque ma coqueluche est presque guérie et que le docteur me laisse communiquer, depuis plusieurs jours déjà avec ma petite cousine mais qu’elle peut se rassurer car je n’irai pas à la maison Saint-René si le médecin juge un nécessaire un changement d’air. Madame Perrin comprenant, sans doute, le manque de tact dont elle a fait preuve, cherche à s’excuser en disant qu’elle n’avait pas l’intention de m’empêcher d’aller à la maison Saint-René, mais, qu’au contraire, son fils et Michel Hervé-Bazin pourraient très facilement s’installer ailleurs pour quelques jours ; Maman lui répond qu’offrir cela, c’est nous empêcher de m’envoyer à la maison Saint-René ; qu’elle comprend ses craintes à la rigueur, mais que, placée dans sa situation, elle aurait fait partir son fils sans laisser comprendre la raison du départ. Je pense que Madame Perrin doit être assez mortifiée de la leçon de politesse qu’elle est venue se faire donner, car, avant de partir, elle dit à Maman que si elle lui a fait de la peine, c’est bien involontairement et qu’elle la prie de l’oublier. Naturellement, Maman assure bien qu’elle n’est nullement fâchée, que cet incident n’en vaut pas la peine. Mais, ce qu’on peut dire, c’est que Madame P. a joliment mis les pieds dans le plat.
Angers, vendredi 20 juin 1902
Je vais au second cours.
Angers, samedi 21 juin 1902
Le matin, à l’occasion du huitième anniversaire de ma 1ère communion, je vais à la messe de huit heures à Notre-Dame, je me confesse et je fais la sainte communion ; je ne vais pas à l’Université parce que j’attends la visite du docteur ; il constate que je vais de mieux en mieux et me permet de sortir davantage, j’en profite tout de suite et, après déjeuner, je fais une assez longue promenade. Je lis les débats devant le Sénat de la proposition de M. Rolland tendant à abaisser à 2 ans la durée du service militaire avec suppression de toutes les dispenses pour essayer de compenser le déficit occasionné par l’abaissement dans la durée du service. Ce projet sera très certainement voté, mais le Sénat va faire là une œuvre politique et antimilitaire car une foule de généraux se sont prononcés contre ce projet ; le ministre de la Guerre, qui en est partisan, n’a même pas daigné donner l’avis du Conseil supérieur de la Guerre, qui est tout entier hostile. Je préfèrerais l’adoption de la proposition de M. de Tréveneuc qui consiste à abaisser à un an la durée normale du service, mais à la condition de trouver tous les ans 40.000 rengagés pour 5 ans, on aurait ainsi une solide armée de métier qui encadrerait bien les recrues d’un an ; mais cette proposition peut être sûre d’être rejetée pour deux raisons : parce qu’elle émane d’un membre de la Droite et parce que la République redoute une armée de métier (qui serait pourtant bien préférable, pour la défense nationale, à notre cohue armée), elle a peur d’être f… à la porte par elle. Ce qui ressort de ce débat, c’est qu’une fois de plus l’intérêt national va être sacrifié par nos parlementaires à la passion et à la surenchère électorale. Quant au ministère, pendant que cette grave question se discute au Sénat, il décide en conseil des ministres cette choses monstrueuse : « que désormais aucune nomination de fonctionnaire n’aura lieu sans que l’on ait consulté le dossier de son attitude politique, et cela dans tous les départements ministériels ; les préfets sont chargés d’établir ce dossier ; ils ont la surveillance de tous les fonctionnaires ». Il est impossible d’afficher plus de cynisme et un plus grand mépris des principes ; c’est bien la peine de faire de « la déclaration des droits de l’homme » l’Évangile des temps modernes pour violer aussi cyniquement ses déclarations les plus solennelles ! Jamais, jusqu’ici, un gouvernement n’avait osé se vanter tout haut des injustices qu’il commettait derrière le voile ; il était réservé à la 3ème République d’inaugurer ces mœurs nouvelles ; mais nous en verrons bien d’autres.
Angers, dimanche 22 juin 1902
Aujourd’hui, premier jour de l’été d’après le calendrier, le temps change du tout au tout ; il fait très chaud et le soleil est éclatant. Cela contraste avec le temps humide et froid qui sévissait depuis la fin d’avril, presque sans interruption, au point que l’on se demandait s’il y aurait un été cette année. Je vais à la messe et au salut.
Semaine du 23 au 29 juin 1902
Angers, lundi 23 juin 1902
Le temps chaud et sec continue ; je travaille toute la journée et je ne sors qu’à 6 heures de l’après-midi et après le dîner.
Angers, mardi 24 juin 1902
Je sors désormais à 6 heures et après dîner car je ne tousse plus ; le matin et l’après-midi, je travaille. Si je ne vais pas aux cours, c’est que Papa estime que j’emploierai mieux mon temps à la maison qu’à l’Université où, après une absence de 7 semaines, je ne saurais plus où on est ni ce qu’on voit.
Angers, mercredi 25 juin 1902
Je ne tousse plus, mais, par contre, j’ai attrapé un rhume de cerveau ; le Dr Sourice m’avait prévenu que cela m’arriverait probablement après la coqueluche qui vous laisse très sensible. Les journaux remarquent que la maladie du roi d’Angleterre Edouard VIII, qui arrive à la veille de son couronnement, qui renvoie celui-ci à une date indéterminée, et qui met en danger la vie du roi, doit être un châtiment de la Providence. Dieu ne veut pas permettre cette apothéose de la grandeur britannique au lendemain de la criante injustice et de la guerre si cruelle que l’Angleterre a infligée aux républiques boërs.
Angers, jeudi 26 juin 1902
L’opération de l’appendicite que l’on a pratiquée sur le roi Edouard a réussi, mais le roi n’est pas sauvé, et dire que le couronnement était pour aujourd’hui ! Quel coup de la Providence et comme les pauvres Boërs sont vengés ! Mon rhume de cerveau est assez fort ; le Dr Sourice me prévient qu’il pourra me faire tousser, mais que ce ne sera plus de la coqueluche. Dans l’après-midi, je vais avec Marie-Thérèse chez le Dr Desvaux, moi pour mon rhume, elle pour se faire soigner les oreilles.
Angers, vendredi 27 juin 1902
Je travaille ferme matin et soir malgré la chaleur qui est torride.
Angers, samedi 28 juin 1902
Le matin, à 8 heures, je vais chez Monsieur Jac qui veut bien me faire repasser mon cours de code civil pour remplacer les cours que j’ai manqués. L’après-midi, je travaille et je ne puis pas sortir le soir à cause de la pluie.
Angers, dimanche 29 juin 1902
Je sors plusieurs fois dans la journée ; mais, dans l’intervalle, je travaille. Le soir, en l’honneur de l’oncle Paul dont c’est aujourd’hui la fête, nous allons dîner chez lui et, après dîner, nous allons nous promener à la musique au Mail. Nous avons fait cadeau à l’oncle Paul d’une petite plaque de bronze représentant je ne sais quel sujet et encadré de peluche et nous l’avons fait expédier par Jean, de Saint-Barthélemy, sans autre indication ; il est arrivé hier soir et l’oncle Paul n’a pas encore deviné qui le lui a offert, il croit que c’est Tante Josepha ; le tour a été bien joué.
Semaine du 30 juin 1902
Angers, lundi 30 juin 1902
Je travaille la plus grande partie de la journée ; dans l’après-midi, je vais avec Maman faire une visite à Mme Bonnet qui m’avait invité, il y a quinze jours, à un dîner que je n’avais pas pu accepter à cause de ma coqueluche. Le soir, je me promène avec l’oncle Paul et Nénette.
Juillet 1902
Semaine du 1er au 6 juillet 1902
Angers, mardi 1er juillet 1902
Le matin à 8 heures, je vais chez M. Jac et je revois avec lui quelques questions de droit civil. L’après-midi, je travaille ferme ; l’examen approche, j’apprends aujourd’hui que je le passerai les 25 et 26 juillet ; mon bureau sera assez bon. Le soir, je ne sors pas à cause d’un bain que j’ai pris dans l’après-midi.
Angers, mercredi 2 juillet 1902
Je commence aujourd’hui ma saison douches, je l’aurais commencée bien plus tôt sans la coqueluche.
Angers, jeudi 3 juillet 1902
L’après-midi, je vais me confesser à l’abbé Brossard, à Saint-Jacques.
Angers, vendredi 4 juillet 1902
Le matin, je vais à la messe de communion de 7 heures à Notre-Dame, puis à 8h ½, je suis au manège du génie où je prends une leçon d’équitation après deux mois d’interruption. L’après-midi, j’assiste à l’Université à une conférence de droit romain ; quand je rentre à la maison, j’apprends que nous avons eu la visite d’Henry des Cordes, qui ne nous a pas trouvé. Le soir, nous nous mettons à sa recherche ; au Grand Hôtel, on nous dit qu’il repart dans la nuit, je lui laisse ma carte sans le voir.
Angers, samedi 5 juillet 1902
Le soir, je vais à un cours supplémentaire de Papa sur le contentieux administratif. Le soir, après la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, nous faisons un tour à la musique.
Angers, dimanche 6 juillet 1902
Le matin, je vais à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, malgré une chaleur de 34 degrés, je vais avec Papa à la chapelle des Dominicains où a lieu, à 5h ½, une belle cérémonie pour célébrer le 25e anniversaire du rétablissement de l’ordre des Dominicains à Angers. Mgr Rumeau préside la cérémonie et prononce un très beau discours où il stigmatise comme il convient la législation actuelle qui laisse la liberté pour tout sauf pour mettre en commun ses prières et ses mortifications. C’est, de sa part, un grand acte de courage, au lendemain du décret Combes qui vient de fermer brutalement 130 écoles congréganistes ouvertes depuis la loi de 1901 sur les associations et où les gendarmes n’ont même pas respecté la propriété de tiers qui avaient loué leur maison aux congréganistes pour y instruire les enfants du peuple. Au reste, le ministère actuel comme le précédent et comme presque tous ceux qui se sont succédé depuis 25 ans, est l’esclave de la franc-maçonnerie. Je n’en veux d’autre preuve que l’attitude du nouveau garde des Sceaux, Monsieur Vallé : avant la constitution du ministère et alors qu’il ne songeait pas à décrocher un portefeuille, Monsieur Vallé, avocat, disait à qui voulait l’entendre qu’à la place du ministre de la Justice, il ne laisserait pas 24 heures à son poste Monsieur Bulot, procureur général à Paris et franc-maçon militant, dont la partialité dans l’affaire Humbert a été révoltante. Devenu ministre de la Justice, M. Vallé s’est bien gardé de toucher à Monsieur Bulot, et comme il était sommé par la presse et par des députés indépendants de mettre à exécution ses menaces d’antan, il a répondu, en singeant un mot célèbre, ce qui sied à un ministre républicain comme un pardessus sur le dos d’un singe, que le ministre ne devait pas se souvenir des injures de l’avocat (!), et Monsieur Bulot continue toujours à protéger la suite des Humbert à son poste de procureur général ! La vérité, c’est que Monsieur Bulot, en bon franc-maçon, n’a pas voulu faire la lumière sur une affaire où de très hautes personnalités républicaines sont compromises, c’est que la franc-maçonnerie a protégé son enfant, c’est enfin, qu’en devenant ministre, Monsieur Vallé a abdiqué toute indépendance entre les mains de la puissante et ténébreuse association à laquelle il doit obéir, comme tout ministre de la R. F., « perinde ac cadaver » !
Semaine du 7 au 13 juillet 1902
Angers, lundi 7 juillet 1902
À 8h ½, leçon d’équitation au manège du génie. Dans la journée, je travaille à peu près tout le temps. Le soir à 5h ½, je fais différentes emplettes avec Maman en vue des vacances, puis je vais prendre une douche. Le soir, nous allons nous promener avec les Magué aux allées Jeanne d’Arc et au Mail.
Angers, mardi 8 juillet 1902
Le matin, je vais chez M. Jac qui me fait revoir quelques questions de droit civil ; le soir, à 5 heures, conférence de droit criminel par M. René Bazin. Le soir, après dîner, nous allons à la musique au Mail.
Angers, mercredi 9 juillet 1902
Le matin à 8h ½, leçon d’équitation au génie, j’y vais et j’en viens à bicyclette, ce qui me fait gagner beaucoup de temps. L’après-midi, j’assiste à un cours supplémentaire de Papa sur le droit administratif. Le soir, nous allons tous – les Magué et nous – nous promener au Mail.
Angers, jeudi 10 juillet 1902
Le matin, je vais au cours de Papa, puis je reste à une conférence de révision que fait M. Bazin. Le soir à 7 heures, nous avons les Magué à dîner en l’honneur de la fête de Papa, qui a été avancée de 5 jours parce que l’oncle Paul part samedi pour aller faire des manœuvres de pontage sur le Rhône près de Vienne. Ensuite, nous allons à la musique au Mail.
Angers, vendredi 11 juillet 1902
Le matin, leçon d’équitation au génie ; je vais, avec le maréchal des logis qui me donne des leçons, et qui est aussi à cheval, sur la piste du polygone, puis nous passons par la Baumette et nous rentrons par la région de la gare Saint-Laud c’est très amusant. Le soir à 5h ½, cours de révision de Papa. Après dîner nous allons nous promener au Mail.
Angers, samedi 12 juillet 1902
Le matin, je vais chez M. Jac pour la répétition de droit civil. L’après-midi, je jette quelques invitations à venir assister, lundi, à la revue. Le soir, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 13 juillet 1902
Je vais à la messe de communion de 7 heures à Notre-Dame ; l’après-midi, je vais au salut chez les Dominicains ; le reste du temps, je travaille. Le soir, après dîner, nous assistons à la retraite aux flambeaux des musiques des 3 régiments.
Semaine du 14 au 20 juillet 1902
Angers, lundi 14 juillet 1902
Le matin à 9 heures a lieu, sous nos fenêtres au Champ de Mars, la revue de la garnison par le général de division ; nous avons invité quelques personnes : M. et Mme Jac et leur petit Pierre ; M. Delahaye et son petit garçon ; M. et Mme et Jacques des Loges ; Mlle Sabine de Kergaradek[59] ; Mlle Grolleau ; Mlle Chennechot ; Jacques Hervé-Bazin à venir y assister de notre balcon. Il fait une chaleur terrible (près de 37° à l’ombre !) et plusieurs soldats sont indisposés. L’après-midi, je travaille jusqu’à 5 heures, puis je vais assister à un cours de Papa. Le soir, nous allons un moment voir les illuminations du Mail ; elles sont assez médiocres, mais beaucoup trop belles pour le souvenir que rappelle cette journée du 14 juillet.
Angers, mardi 15 juillet 1902
Le matin, je vais prendre une répétition chez M. Jac, ensuite je travaille à la maison ; l’après-midi, je travaille tout le temps à la maison. Nous avons Tante Josepha à dîner à l’occasion de la Saint Henri. Après dîner, nous allons à la musique au Mail, nous nous y asseyons avec les Des Loges, les Hervé-Bazin, Mlle de Kergaradek et les demoiselles de La Masselière[60] ; nous en partons vers 9 heures ¼.
Angers, mercredi 16 juillet 1902
Le matin à 8 heures, dernier cours de Papa (cours de droit international) ; j’y assiste et je ne vais prendre ma leçon d’équitation qu’à 10h ½. Je travaille toute l’après-midi. Après dîner, nous allons nous promener jusqu’à la Maître-Ecole.
Angers, jeudi 17 juillet 1902
Travail matin et soir tout le temps, le soir, musique au Mail.
Angers, vendredi 18 juillet 1902
Le matin à 8h ¼, leçon d’équitation ; le maréchal des logis Marin et moi allons dans les prairies de la Baumette où nous galopons à cœur joie ! Je travaille le reste de la journée et même avant la leçon, car, depuis quelques jours, je me suis mis à me lever à 5 heures afin de travailler le matin de bonne heure. Nous allons entendre deux ou 3 morceaux de concert qui a lieu sur la place du Ralliement, puis nous rentrons et Papa me dicte, jusqu’à plus de 10 heures, du droit international.
Angers, samedi 19 juillet 1902
Le matin à 8 heures, je vais prendre ma répétition chez M. Jac ; je travaille à la maison le reste de la matinée et toute l’après-midi. Le soir à 8 heures, Conférence Saint-Vincent-de-Paul, c’est la dernière de l’année.
Angers, dimanche 20 juillet 1902
Temps affreux, il pleut presque toute la journée ; je vais à la messe de 8 heures à Notre-Dame, j’avais travaillé deux heures avant et je passe le reste de la journée sur ma table de travail, sauf à 6 heures pour aller au salut chez les Dominicains.
Semaine du 21 au 27 juillet 1902
Angers, lundi 21 juillet 1902
Je travaille du matin au soir, et même jusqu’à près de 11 heures du soir, presque sans interruption.
Angers, mardi 22 juillet 1902
Je me mets devant ma table de travail à 6 heures précises du matin et, jusqu’à midi, je ne me dérange que 25 minutes (le temps de prendre mon petit déjeuner et de laisser faire la chambre). L’après-midi, de 2 heures à 7 heures, je ne me dérange aussi qu’une demi-heure ; après dîner, nous faisons Papa et moi une étude-promenade, c’est-à-dire une promenade pendant laquelle Papa me fait subir un véritable examen de droit international, comme il avait fait hier entre 6 et 7 heures. Après cette promenade, il me dicte du droit international jusqu’à près de onze heures ! J’avoue qu’à la fin, mes yeux se fermaient de force ; heureusement qu’il n’y en a plus que pour deux jours !
Dans l’après-midi, Papa – pas moi – assiste à la séance extraordinaire du Conseil général qui a été provoquée par la demande de plus des 2/3 des membres de l’Assemblée départementale ; il y a entendu plusieurs discours très éloquents de MM. de La Guillonière, de Blois, de Castries, contre les mesures d’expulsion des religieuses enseignantes qui ont eu pour effet de jeter, dans ce seul département, 1539 religieuses hors de leurs couvents ! Le préfet feint une grande indignation contre ce qu’il appelle la violation de la loi de 1871, demande la question préalable qui n’est pas votée et déclare que la délibération sera annulée, puis il se retire. Le vœu en faveur de la réintégration des religieuses dans leurs écoles et le crédit de 10.000 frs. pour leur venir en aide sont votés par la presque unanimité des 28 membres présents (heureux département !) aux applaudissements du public. Pendant la séance, une manifestation en faveur des sœurs a eu lieu devant la Préfecture. Puisse tout cela produire un heureux résultat ! Je crains bien qu’il n’en soit rien. Mais on a raison de protester contre les mesures de jacobinisme et les procédés terroristes des forcenés qui nous gouvernent. J’oubliais de dire que, pendant la séance, le comte de Maillé, président du Conseil général, a donné lecture d’une lettre de Mgr l’évêque félicitant le Conseil général de sa noble initiative (il pourrait lui en cuire !).
Angers, mercredi 23 juillet 1902
Je travaille depuis le matin à 7 heures jusqu’au soir à 11h ½ ! Comme seule interruption, je vais faire la visite des pauvres de Saint-Vincent-de-Paul à 1h ½ ; le soir après dîner, je fais avec Papa une promenade sur la route de Paris ; Papa me pose tout le temps des questions sur le droit administratif.
Caen, jeudi 24 juillet 1902
Parti par le train de 10h25, je suis à 11h50 au Mans où je déjeune ; j’en repars 25 minutes plus tard, et j’arrive à Caen à 4 heures 50 ; depuis Le Mans, je fais route avec l’abbé Bellanger, surveillant de Sainte-Croix, qui amène à Caen deux élèves pour des examens, Bené et un que je ne reconnais pas. J’arrive à Caen dans un assez lamentable costume, car, un peu avant Sées, ayant mis un instant la tête à la portière, mon chapeau en a profité pour faire connaissance avec le sol de l’Orne, sans demander la permission ; je le déclare au chef de train à la station suivante, mais je crains de ne plus le revoir. Je retrouve maman à Caen à l’Hôtel d’Angleterre ; elle y est arrivée hier soir.
Caen, vendredi 25 juillet 1902
Ce matin, j’assiste à la messe de communion de 8 heures à Saint-Pierre ; j’y communie à l’intention de mon examen de ce soir. Ensuite, je prends un sapin et je vais porter des cartes à tous les professeurs qui doivent m’interroger ; au retour, je revois quelques questions de droit civil et de droit romain. Je passe l’examen à 3h ¼ ; je suis interrogé, pour le droit civil, d’abord par M. Degoat, puis par M. Villey ; je devais être interrogé par MM. Guillouard et Lenet des Hayes, mais le bureau a été modifié ; je ne m’en plains pas, car un ami de M. Villey m’avait recommandé à lui. M. Degoat m’interroge sur une partie de la vente ; je n’avais pas eu le temps de repasser la vente, je réponds tout de même bien et j’ai une blanche ; pour M. Villey, j’ai une blanche-rouge, sur une question sur les hypothèques. Enfin, M. Debray (qui était bien indiqué pour mon bureau celui-là) m’interroge sur le droit romain, je m’embrouille sur la novation, et je n’ai qu’une rouge-noire. Mais enfin, je suis reçu, c’est le principal ! Je m’empresse d’envoyer des dépêches.
Caen, samedi 26 juillet 1902
Le matin à 7 heures, j’assiste à la messe de communion à Saint-Pierre ; j’y communie en actions de grâce du premier succès et pour en demander un second au Bon Dieu. Ensuite, de 8h ½ à midi, je revois un très grand nombre de questions de droit international ; après déjeuner, de 1h ½ à 2h ½, je repasse plusieurs questions de droit administratif. Aujourd’hui, je dois avoir M. Le Fur, M. Worms et M. Degoat ; ce sont bien eux qui sont au bureau. M. Worms m’interroge d’abord, en droit international, sur la fin d’une longue question qui avait déjà fait l’objet de l’examen de mes 3 camarades de bureau, au sujet des diverses nationalités réunies en Autriche-Hongrie (il faut dire que M. Worms m’avait déjà fait rectifier les inexactitudes de mes camarades au fur et à mesure qu’elles se produisaient) ; ensuite, il me demande quels seraient pour la France les inconvénients qui résulteraient de l’établissement des Russes à Constantinople, je lui réponds que cela serait fatal à notre protectorat religieux en Orient ; cette réponse lui plaît, et il m’interroge alors sur ce protectorat ; comme dernière question, il me demande ce que sont les chargés d’affaires. M. Le Fur, qui lui succède, m’interroge en droit administratif, sur les conseils généraux, sur leurs différentes catégories de délibérations, sur les avis qu’ils peuvent ou ne peuvent pas émettre (comparaison sur ce point avec les pouvoirs des conseils municipaux), sur les inscriptions d’office et, au sujet de la commission départementale, sur les motifs qui ont déterminé le législateur de 1871 à décider que cette commission n’aurait pas de président élu ; je réponds bien à la plupart de ces questions et je n’hésite que sur quelques points de détail. Enfin, M. Degoat m’interroge, en droit criminel, sur le cas où le mineur qui a commis un crime est justiciable de la cour d’assises et sur ceux où il est justiciable du tribunal correctionnel, je lui cite la plupart des cas des deux catégories, mais je ne sais pas lui établir la théorie générale sur la question. À la proclamation, je suis reçu avec une blanche, une blanche-rouge et une rouge-noire (comme hier), j’attribue la première de ces notes au droit international ; la seconde, au droit administratif et la troisième au droit criminel (cette dernière est sévère). Je suis très content d’avoir de bonnes notes pour les cours de Papa, cela va lui faire grand plaisir. Somme toute, surtout après avoir manqué les cours pendant deux mois, je n’ai qu’à me féliciter du résultat de mon examen. Deux blanches-rouges, c’est très beau. Les deux notes faibles de droit romain et de droit criminel sont la rançon de la coqueluche qui ne m’avait pas permis de revoir mon programme aussi complètement que je l’aurais voulu. Je télégraphie à Bonne Maman, à Papa, à Tante Mimi, et à l’internat de l’Université d’Angers. Le soir, je regarde passer la retraite aux flambeaux du régiment d’infanterie (36ème).
Caen, dimanche 27 juillet 1902
Nous partons par le train de 7h45 de la Compagnie de Caen à la mer pour la Délivrande où nous entendons la messe et communions en actions de grâce ; nous commandons, comme pour l’examen de l’an dernier, une plaque en reconnaissance. À 11 heures, nous allons à Saint-Aubin, jolie station de bains de mer, très coquette et bâtie de très nombreuses villas et chalets ; elle dédommage de l’aspect monotone présenté par l’immense plaine plate et nue qui sépare Caen de la mer. Nous y déjeunons et nous en repartons à 2h56 et nous arrivons à Caen à 4 heures.
Semaine du 28 au 31 juillet 1902
Le Havre, lundi 28 juillet 1902
Nous avons quitté Caen à 2h ½ par le vapeur (j’ai oublié son nom) ; il suit l’Orne pendant une heure et demi, puis débouche dans la Manche à Ouistreham et pique droit sur Le Havre où il arrive à 5h ½ environ ; au passage, nous apercevons Dives, Cabourg, Deauville, Trouville et toutes les jolies stations de cette charmante partie de la côte normande ; mer assez belle, pas la moindre indisposition. Roques, qui a passé son examen il y a quelques jours et qui a été reçu, fait le voyage avec nous ; il s’embarque ce soir sur le Columbia à destination de Southampton, il va passer 2 mois en Angleterre. Le Havre, que nous commençons à visiter dans la soirée, est une ville aux rues droites, larges, animées mais sans aucune originalité, les maisons sont laides. Une promenade agréable, que nous faisons après le dîner, consiste à suivre les quais jusqu’à l’entrée du port à l’endroit où sont les deux lanternes ; l’air de mer y est très sain, presque trop froid, et on aperçoit les lumières de Trouville, Deauville, qui brillent dans le lointain de l’autre côté de l’estuaire.
Angers, mercredi 30 juillet 1902
Pas de journal hier parce que j’étais en chemin de fer. Hier matin, nous prenons une voiture qui nous mène à Sainte-Adresse ; au passage, nous voyons la villa de feu le Président Félix Faure. Nous nous arrêtons à la chapelle Notre-Dame des Flots qui domine la rade, nous voyons en passant le pain de sucre blanc élevé à la mémoire de Lefebvre-Desnoettes ; nous voyons, ou plutôt nous soupçonnons, car étant au ras du sol, ils sont à peine visibles, les deux forts dont les énormes canons tiennent toute la rade sous leur feu ; nous voyons aussi les deux phares, puis nous redescendons sur Le Havre par une route qui passe au milieu d’un véritable dédale de jardins et de parcs d’aspect charmant. Nous nous faisons porter devant les hangars de la Compagnie générale transatlantique où nous visitons le transatlantique « La Lorraine », qui est avec le « Savoie » le dernier que la compagnie ait fait construire. Nous admirons les colossales dimensions de ce superbe navire, le luxe de ses appartements (salon de musique, de conversation, bibliothèque, fumoir, vaste salle à manger, etc.) ; il y a sur ce navire des appartements de famille comprenant 3 chambres, un salon, une salle de bain, le tout meublé avec le plus grand luxe, éclairé à l’électricité, avec téléphone etc. comme dans tout le navire d’ailleurs. Les premières sont encore très convenables, les secondes ne se distinguent des premières que par leur position à l’arrière du navire, ce qui fait qu’elles regardent davantage la trépidation des hélices. Enfin, tout cela me donne une furieuse envie de partir pour New York. Le service est assuré par 85 garçons (le personnel complet comprend plus de 300 hommes) ; personnel et passagers de toutes classes compris, la Lorraine donne asile à plus de 2000 personnes ! Toutes les précautions sont prises contre les dangers de naufrage car il y a une ceinture de sauvetage au-dessus de chaque couchette. De plus, des pompes à incendie, spécialement appropriées, sont disséminées à chaque coin du navire. En un mot, c’est merveilleux.
Après déjeuner, nous nous préparions à passer l’après-midi au Havre et à ne partir pour Trouville que par le bateau qu’on nous avait dit être à 4h45, lorsque nous apprenons que ce bateau ne part qu’à 5h15 ; comme nous devons prendre à Trouville le train de 6h26 et que la traversée demande à elle seule trois quarts d’heure, sans compter le temps nécessaire pour opérer le transbordement du débarcadère à la gare de Trouville, nous sommes obligés d’opérer en toute hâte nos préparatifs de départ afin de prendre le bateau de 11h45 ; nous y parvenons, mais comme nous sortons de table, nous craignons beaucoup pour nos pauvres estomacs ! Contre toute attente, ils se comportent merveilleusement bien, alors que tout autour de nous, nous ne voyons que visages décomposés et nous n’entendons que sanglots et hoquets suivis d’autres bruits qui, s’ils ne sont pas agréables à écrire, le sont encore moins à ouïr !!! Nous passons l’après-midi sur la plage de Trouville et nous partons à 6h26 pour Caen où nous dînons ; à la gare, nous nous rencontrons De Bréon qui a passé aujourd’hui la seconde partie de son examen et qui s’est fait refuser aux deux parties ; pauvre garçon, ce n’est pas de sa faute, car il a été malade depuis le commencement de mars jusqu’à présent ; je lui promets de lui prêter mes cahiers de notes qui, grâce à Dieu, me sont devenus inutiles. Repartis de Caen à 10h22 du soir, nous sommes arrivés à Angers ce matin à 4h2 après changement à Mézidon et au Mans. Nous nous couchons jusqu’à 9 heures. Ensuite, je reçois les félicitations de tout le monde et j’embrasse Philomène qui est en vacances depuis le 25 et que je n’avais pas vue depuis le jour de l’an. L’après-midi, je vais me faire couper les cheveux, puis je vais, à bécane, faire une visite à Henri Bonnet et à Pierre Hardouin-Duparc qui est descendu chez lui ; je ne les rencontre pas ; j’en profite pour aller me promener à Trélazé, je reviens par Saint-Barthélemy.
Caen, jeudi 31 juillet 1902
J’apprends ce matin, par Le Maine-et-Loire, qu’un chien danois enragé a parcouru hier soir entre 8h ½ et 9 heures une foule de rues de la ville, pénétrant dans plusieurs maisons et mordant une dizaine de personnes ; il a mordu notamment Mme Denécheau, la mère d’un de mes anciens professeurs de mathématiques. Nous avons failli nous trouver sur son passage, car, au moment où il commettait tous ces méfaits, je parcourais avec Papa une partie de son itinéraire, mais, heureusement, avec une dizaine de minutes d’avance sur lui ; c’est égal, nous l’avons échappé belle ! L’après-midi, je vais avec Papa acheter une paire de guêtres Leghens qui me serviront en Roussillon pour le cheval ; puis je fais plusieurs visites, presque toutes par carte. Le soir, musique au Mail.
Août 1902
Semaine du 1er au 3 août 1902
Angers, vendredi 1er août 1902
Le matin, j’assiste à la messe de 7 heures à Notre-Dame où je fais la sainte communion en l’honneur de la fête du premier vendredi du mois, puis je vais prendre une leçon d’équitation au manège du génie. L’après-midi, je vais faire deux visites par carte, puis je vais voir Monsieur Denécheau qui me donne des nouvelles de sa mère ; elle a reçu deux morsures, l’une à la cuisse et à l’autre au bras, et elle a été dirigée immédiatement sur l’Institut Pasteur ; on espère la guérir.
Angers, samedi 2 août 1902
Le matin, après la messe de 8 heures à Notre-Dame où je communie en l’honneur de la fête de la Portioncule, je fais une promenade à bécane, je vais à Soulaire et je rentre par Briollay et Ecouflant, je franchis la Mayenne sur un pont à péage, la Sarthe, sur une barque (car il n’y a pas de pont), enfin le Loir sur un pont. L’après-midi, nous allons au salut à la chapelle de l’Esnière, puis nous allons faire une visite à Mlle Chennechot. Le soir, musique au Mail.
Angers, dimanche 3 juillet 1902
Le matin, je vais à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, après le salut de 2 heures à la chapelle de l’Espérance, nous allons tous (excepté Papa) avec les Magué, par bateau, faire une visite aux De Soos dans l’habitation qu’ils ont louée pour l’été à Ecouflant sur les bords de la Sarthe ; c’est gentil surtout à cause du petit bois qui est fond du vaste jardin. Nous rentrons, toujours par bateau, à 7 heures. Le soir, nous allons à la musique au Mail.
Semaine du 4 au 10 août 1902
Angers, lundi 4 août 1902
À 8 heures ½, leçon d’équitation, je vais au polygone du génie et aux prés de la Baumette où je galope à mon aise. L’après-midi à 6 heures, nous allons tous au salut chez les Dominicains.
Angers, mardi 5 août 1902
Le matin, je vais, à 9 heures, à la ferme de la Sermonnerie où m’attend M. Lavallée le professeur d’agriculture ; il me fait voir les blés superbes, des betteraves, des trèfles qu’il a obtenus grâce à l’emploi d’engrais appropriés ou d’assolements rationnels. L’après-midi, j’ai la visite d’Henri Bonnet qui me raconte comment il a été arrêté, le 25 juillet, au cours de la manifestation qui a lieu ce soir-là devant la Mairie en faveur des religieuses expulsées ; comme il était assailli par une bande d’énergumènes de barrières, probablement payés par la Préfecture, et qui répondaient non seulement par des cris hostiles mais par des coups de poing, à ses cris en faveur des persécutées, il a levé sa canne pour faire fuir ces échappés du bagne ; mal lui en prit ! Aperçu par un agent de police (qui était myope sans doute au moment où il recevait des coups de poing… !), il fut arrêté et mené au poste ; relâché vers une heure du matin grâce aux instances de Normand d’Authon, il n’a pas encore été poursuivi et espère ne pas l’être. Le lendemain, 26 juillet, il n’était pas à la conférence de protestation contre la persécution religieuse, faite au Cirque-théâtre par M. Marc Sangnier-Lachaux[61], et à la suite de laquelle des collisions se sont produites entre partisans des sœurs et « églantinards »[62], et deux agents de police ont été grièvement blessés ; Papa y était, et nous la raconte. Le soir, nous allons à la musique au Mail.
Angers, mercredi 6 août 1902
Le matin à 8h ½, leçon d’équitation, au manège aujourd’hui ; je fais du sous-étrier, même du galop sans étrier pendant la moitié de la leçon. L’après-midi, je vais avec Maman à la chapelle de Notre-Dame du Bon Conseil, route de paris ; nous voyons la Supérieure ; elle nous dit qu’elle a demandé l’autorisation pour son couvent ; aussi est-elle tranquille pour le moment et n’est-elle pas comprise dans la liste des 2500 écoles ou asiles que Combes le défroqué ferme de force depuis quinze jours. Elle nous dit que, si sa demande en autorisation n’est pas agréée, et qu’on veuille l’obliger à fermer, elle se laissera jeter dehors par force, comme le font les religieuses de plus de 400 maisons à Paris et dans une foule de départements, surtout dans les Vosges, en Savoie, dans le Finistère, le Morbihan et les Côtes-du-Nord. Dans certaines communes du Finistère, la population entière, hommes et femmes, est debout, veillant autour des écoles, sonnant le tocsin et le clairon à la première alerte, et mettant depuis quinze jours le gouvernement dans l’impossibilité de mettre à exécution ses odieux décret et de chasser les religieuses ; c’est un bien bel exemple que la Bretagne donne au reste de la France ! Et il prouve que les petits-fils des vaillants Chouans n’ont pas dégénéré. Du reste, le même fait s’est produit dans les Vosges. De plus, dans une foule de départements du Nord comme du Midi, de l’Est comme de l’Ouest, les populations ont vaillamment défendu leurs bonnes sœurs, s’opposant souvent au passage des commissaires de police et des gendarmes, poussant des acclamations en l’honneur des pauvres expulsées. Dans beaucoup de localités, les propriétaires des écoles s’y sont enfermés et les agents du gouvernement, honteux de l’infâme besogne qu’on leur faisait faire, ont dû les en arracher de force après avoir crocheté les portes ou les fenêtres ; dans beaucoup d’endroits aussi, les propriétaires d’écoles ont fait sauter les scellés apposés sur leur immeuble par le commissaire de police, contrairement au Code de procédure civile. En un mot, un véritable réveil de l’opinion se manifeste, suscité enfin par les infâmes mesures d’un gouvernement de scélérats qui ne connaît plus ni la loi, ni le principe de la séparation des pouvoirs, et ne craint pas de faire jeter dans la rue en pleine nuit de malheureuses orphelines âgées de 3 ou 5 ans !!!
Angers, jeudi 7 août 1902
Le matin, pas de leçon d’équitation et rien à faire, j’en profite pour me lever à près de neuf heures. L’après-midi, je fais quelques commissions ; le soir, nous allons tous – les Magué et nous – à la musique au Mail.
Tours, vendredi 8 août 1902
Le matin, dernière leçon d’équitation, nous allons au polygone, puis aux près de la Baumette, je vais ensuite à Saint-Jacques voir l’abbé Brossard et me confesser. L’après-midi, à 5 heures, Papa et moi nous partons pour Tours où nous devons passer la nuit, nous y arrivons à 7 heures et nous nous promenons un peu après dîner.
Brive (Corrèze), samedi 9 août 190
Le matin à Tours, nous allons entendre une partie de la messe à la chapelle de la Sainte-Face, nous en partons à 8h21 pour Brive-la-Gaillarde. À Châteauroux où nous changeons de train et où nous devons attendre 3 heures, nous en profitons pour aller déjeuner en ville et pour jeter un coup-d’œil sur celle-ci, qui n’a pas le moindre intérêt. De Châteauroux à Brive (2h25 à 6h34), nous faisons route avec un charmant petit garçon que sa mère a embarqué pour Toulouse et sur lequel elle nous a priés de veiller. Le soir, à Brive, nous nous promenons un peu ; cette petite ville est entourée de boulevards bâtis de villas entourées de jardins et fort riants d’aspect, l’intérieur de la ville n’a pas grand intérêt.
Brive, dimanche 10 août 1902
Le matin, à 7h1/2, nous partons à pied pour les grottes de Saint-Antoine-de-Padoue, but de notre voyage à Brive ; nous y arrivons en une vingtaine de minutes, nous y entendons la messe de 8 heures et y faisons la sainte commun ; malheureusement Papa se trouve indisposé ; en rentrant à l’hôtel, il se fait servir du thé ; cette indisposition ne sera rien du tout mais elle nous obligera à retarder notre départ jusqu’à demain soir au lieu que nous devions partir ce soir pour Lourdes et Cauterets, Papa ne se sent pas assez fort pour passer la nuit prochaine en chemin de fer. L’après-midi, nous explorons un peu la ville, puis nous revenons aux grottes et nous faisons une visite au Père gardien.
Semaine du 12 au 17 août 1902
Cauterets, mardi 12 août 1902
Hier matin, nous retournons aux grottes, mais je manque la messe de 7 heures et je vais l’entendre à l’église paroissiale de Brive. Ensuite, nous allons en voiture aux grottes de Lamouroux à 6 kilomètres. L’après-midi, après une petite promenade, nous revenons une dernière fois aux grottes et nous partons par le train de 7 heures pour Toulouse où nous arrivons à 10h ¾, nous y dînons et en repartons à minuit 22 pour Lourdes ; nous y sommes à 5 heures ; nous allons au Rosaire, à la grotte, à l’Hôtel de la Chapelle où nous nous assurons que des chambres nous sont réservées pour le pèlerinage national, puis nous prenons le train de 8 heures pour Cauterets où nous arrivons à 10 heures. Nous descendons à l’Hôtel de l’Univers, on nous donne une chambre à 2 lits en attendant mieux. L’après-midi, après avoir attendu 2 heures, nous finissons par voir le Dr Duhourcaut[63] qui nous ordonne un traitement ; le mien, qui vise à la fois la gorge et la muqueuse du nez, comprend des boissons, des gargarisations, des aspirations nasales, des pulvérisations et des douches écossaises. De suite, après la visite chez le Docteur, nous allons à la Raillère et au Mauhourat où nous commençons notre traitement.
Cauterets, mercredi 13 août 1902
Le matin, à la Raillère au Mauhourat, boisson, gargarisation et aspiration nasale ; à César, pulvérisation ; l’après-midi, nous écoutons l’orchestre du Casino à la place des Œufs jusqu’à 3 heures, puis nous rentrons et vers 5 heures, nous allons à la Raillère et au Mauhourat faire notre traitement qui est le même que celui fait hier soir et ce matin dans ces établissements.
Cauterets, jeudi 14 août 1902
Ce matin et ce soir, même traitements et, par suite, mêmes occupations dans la journée qu’hier ; la seule différence, c’est que, le matin, je prends une douche écossaise au César à la place de la pulvérisation. L’après-midi, je vais me confesser.
Cauterets, vendredi 15 août 1902
Le matin, messe de 7 heures, nous y communions en l’honneur de la fête de l’Assomption, puis nous allons faire le traitement et nous revenons à la grand’messe ; l’après-midi, nous allons à vêpres à 3 heures et nous faisons le traitement ensuite.
Cauterets, samedi 16 août 190
Matinée comme à l’ordinaire ; l’après-midi, nous posons près de deux heures avant de pouvoir être reçus par le Docteur ; il ne modifie que très peu mon traitement pour la boisson, les aspirations, les gargarismes et les aspirations nasales, mais il m’ordonne une douche tous les jours.
Cauterets, dimanche 17 août 1902
Nous assistons à la grand’messe et aux vêpres, nous nous promenons un peu dans l’intervalle et nous continuons notre traitement ; le soir après dîner, nous écoutons le concert donné à l’occasion de la fête de charité d’aujourd’hui, par la musique du 53e de ligne venue de Tarbes ; illuminations au parc des Œufs.
Semaine du 18 au 15 août 1902
Cauterets, lundi 18 août 1902
Après notre traitement, nous partons à 9h ¼ pour le lac de Gaube ; nous déjeunons à l’hôtellerie du Pont d’Espagne, arrivons au lac à 1 heure, en repartons vers 2h ¼ et sommes à 4h ½ à la Raillère pour le traitement du soir.
Cauterets, mardi 19 août 1902
L’après-midi, nous allons faire une visite à M. le curé de Cauterets que nous ne rencontrons pas et à M. et Mme de Mollans[64] ; nous ne sommes reçus que par Monsieur car Madame, qui vient d’être très malade, repose ; à la Raillère, nous voyons aussi M. et Mme de Gardilane qui, de Capvern où ils font une saison, sont venus à Cauterets se rendre compte de l’état de leur fille.
Résumé du pèlerinage de Lourdes du mardi 20 août au lundi 25 août 1902 [écrit le 26 août]
Je suis rentré hier soir à Cauterets après avoir passé cinq jours à Lourdes pour assister au pèlerinage national ; mes occupations de brancardier m’ont tellement absorbé que je n’ai pas trouvé une minute pour faire mon journal tous ces jours-ci. Arrivé à Lourdes mercredi soir, j’y ai trouvé Tata Mimi arrivée dans la journée et descendue au même hôtel que nous (Hôtel de la Chapelle) ; le lendemain matin, Maman et Marie-Thérèse sont arrivées d’Angers après un arrêt à Brive. Jeudi matin, je me suis occupé d’obtenir mes bretelles de brancardier, cela m’a été facile, car j’ai été recommandé par le marquis de Latour et par M. Moreau des Briostières, d’Angers. La journée de jeudi a été surtout une journée de préparation ; je rencontre De Damas et son père[65] qui sont aussi brancardiers, De Lavaur[66]. Damas aîné et De Lavaur sont attachés à la même équipe que moi (la 2ème, de service à l’Hôpital des 7 Douleurs) ; nous avons pour chef d’équipe le marquis de Latour, pour sous-chef le comte de Cahuzac[67] ; De Lavaur et moi nous sommes de la 5ème escouade (chef M. Mellet, ancien étudiant de l’Université d’Angers). Vendredi 22, je suis à l’Hôpital à 3 heures du matin et j’y passe presque toute la journée, car notre escouade est de service dans l’intérieur de l’Hôpital ; je suis libre, vendredi, samedi et dimanche, pendant la procession du Saint-Sacrement. À l’Hôpital, arrive De Prunelé, un de mes anciens camarades de Sainte-Croix, ainsi que deux de ses frères. Je rencontre aussi plusieurs personnes de connaissance pendant le pèlerinage : M. l’abbé Latour qui nous présente sa nièce et pupille, Des Monstiers-Mérinville[68], Hardouin-Duparc[69], de Cordoue[70], Mmes Noëll[71] et Jeoffre[72], Mlle Grieshaker, etc. Plusieurs des malades que j’avais transporté ont été guéris ; je remarque particulièrement une jeune fille que j’avais transportée, aidée de 3 autres brancardiers, sur un brancard à la salle du Sacré-Cœur ; au moindre mouvement que nous faisions, elle criait et pleurait, car elle avait un cancer dans le ventre, qui la faisait horriblement souffrir, et de plus, elle était boiteuse ; aussi, ne pouvait-elle pas faire le plus petit mouvement sans d’horribles souffrances ; ses souffrances étaient même si fortes que, remise sur son lit, elle continuait encore à pleurer et à crier. Étant remonté dimanche soir dans la salle du Sacré-Cœur, j’ai été tout surpris de voir cette jeune fille marcher, toute souriante, et parler comme tout le monde ; elle me dit qu’elle a été guérie dans la piscine et, maintenant, elle se porte admirablement. Vraiment ceux qui déblatèrent contre le miracle, Zola en tête, feraient bien de venir voir de près les malades du pèlerinage national ! Le pèlerinage est reparti lundi, ce jour-là, malgré une pluie battante qui n’a cessé qu’a midi, j’étais à l’Hôpital dès 4 heures du matin afin de faire partir pour la gare tous les malades hospitalisés. Je remets mes bretelles vers 2 heures ; je fais mes préparatifs de départ, je dis « Au revoir » à Tata Mimi qui repart à 5 heures pour Neuilly, à Maman et à Marie-Thérèse qui partent mardi matin pour Vinça, et, par le train de 5h ½, je remonte à Cauterets ; j’y suis avant 8 heures du soir.
Semaine du 26 au 31 août 1902
Cauterets, mardi 26 août 1902
Le matin, je fais mon traitement comme d’habitude, malgré la pluie (qui dure toute la journée) ; Papa, un peu courbaturé, est obligé de l’écourter, il ne peut aller à la Raillère. L’après-midi, nous allons chez le Dr Duhourcaut qui nous trace notre traitement pour la fin de notre séjour.
Cauterets, mercredi 27 août 1902
Papa va mieux et vient ce matin à la Raillère. Une carte de Mme Hervé-Bazin nous annonce les fiançailles de sa fille, Mlle Gabrielle, avec Normand d’Authon, c’est décidément l’ère des mariages à Angers puisque pendant notre séjour à Lourdes, Maman a reçu une lettre de Mme de La Villebiot lui annonçant aussi le prochain mariage de sa fille, Mlle Jeanne, avec M. de Guibert[73], neveu de la Supérieure de l’Externat de Bellefontaine. Dans l’après-midi, nous assistons à un sermon de charité donné par la P. Maumus[74] ; le célèbre dominicain y laisse trop percer ses tendances de démocrate-chrétien.
Cauterets, jeudi 28 août 1902
Il fait un peu moins mauvais que les autres jours et nous pouvons rester un moment au parc dans les heures laissées libres par le traitement. Le soir, nous assistons à une séance de cinématographe au Café Persan.
Cauterets, vendredi 29 août 1902
Très mauvais temps ; il pleut la plus grande partie de la journée ; nous profitons d’une éclaircie dans l’après-midi pour aller nous promener du côté de la ferme de la Reine Hortense.
Cauterets, samedi 30 août 190
Temps pire encore qu’hier ; la pluie ne cesse presque pas. Cependant, avant le traitement du soir, nous allons nous promener sur la route en aval de Cauterets.
Cauterets, dimanche 31 août 1902
Le matin, nous allons à la grand’messe à 10 heures après le traitement ; l’après-midi, comme le temps est passable, nous pouvons rester au parc écouter la musique ; puis nous allons à vêpres et nous faisons notre traitement du soir. Après dîner, nous nous promenons un peu au parc, puis nous allons au salon de l’hôtel où une dame d’Alger, Mme Meiffren, dont nous avons fait la connaissance à table d’hôte, nous a invités à venir écouter une jeune fille, aussi d’Alger, qui viendra jouer le piano ; il y a aussi au salon plusieurs autres familles de l’hôtel, entr’autres la famille Saint-Père qui a habité le Pérou pendant longtemps ; elle se compose d’un jeune homme dont je fais la connaissance, d’une jeune fille, et de la mère (une Martiniquaise)[75] ; après l’audition de plusieurs morceaux de piano, on danse pendant plus d’une heure ; c’est charmant ; il paraît qu’on recommencera demain soir.
Septembre 1902
Semaine du 1er au 7 septembre 1902
Cauterets, lundi 1er septembre 1902
Dans l’après-midi, nous allons chez le Dr Duhourcau pour prendre congé de lui, mais il y a tellement de monde chez lui que nous n’avons pas la patience d’attendre. Le soir après dîner, on recommence à danser comme hier soir.
Saint-Sauveur, mardi 2 septembre 1902
Nous avons clôturé notre saison de Cauterets ce matin ; nous sommes allés voir le docteur dans la matinée et nous avons quitté Cauterets par le train de 3h15 ; nous sommes arrivés à l’Hôtel de France à Saint-Sauveur où nous devons passer la nuit. En nous promenant le soir, après avoir admiré le pont Napoléon, nous rencontrons Mme, Mlle et Daniel Lamothe d’Angers, qui sont ici depuis 5 semaines, nous causons un moment.
Vinça, jeudi 4 septembre 1902
Hier matin à 8h ¼, départ de Saint-Sauveur en victoria pour Gavarnie par un temps superbe, pas un nuage au ciel. Nous arrivons à 10h40 à Gavarnie où nous déjeunons. Après déjeuner, nous partons à pied pour le cirque, chemin faisant nous rencontrons M. et Mme de Mollans qui, profitant du beau temps, sont partis le matin de Cauterets ; nous faisons ensemble l’excursion, nous allons ensemble jusqu’au pont de neige où nous prenons de la glace qui sert un moment après à glacer le Champagne qu’ils ont apporté et dont ils nous offrent aimablement deux verres. Le coup-d’œil de ces cimes étincelantes de neige et se découpant sur l’azur ardent du ciel est féérique. Nous repartons de Gavarnie à 4 heures et nous sommes à 6h ¼ à Pierrefitte où nous nous séparons, M. et Mme de Mollans remontant à Cauterets et nous partant pour Lourdes où nous sommes à 8h ¼ ; nous couchons à l’Hôtel de Toulouse. Ce matin, nous nous confessons et nous communions, puis nous partons par le train de 7h50 pour Vinça où nous sommes ce soir à 8h 1/4. ; à la gare de Lourdes, nous nous apercevons qu’il me manque une malle que nous avions laissée hier soir en consigne, nous faisons les réclamations nécessaires, mais quand j’arrive seul à Vinça (j’ai laissé Papa à Perpignan où il s’arrête un jour pour aller demain à Trouillas), Maman est littéralement désolée de voir que cette malle me manque, elle est persuadée que je ne la retrouverai pas et se fait comme on dit vulgairement un sang de vinaigre, pour cette affaire qui n’en vaut pas la peine. À la gare de Vinça, m’attendaient Bonne Maman, Maman, Marie-Thérèse et Philomène, Tante Josepha, Nénette, Tante Delestrac, Paul, Antoine, Geneviève et Yvonne Delestrac[76]. Mes cousins Delestrac sont venus à Vinça pour quelques jours. Je suis d’autant plus heureux de leur présence que je ne les connaissais pour ainsi dire pas encore, car je n’avais pas vu Paul depuis douze ans et Tante Delestrac et Geneviève depuis neuf ans ; quant à Yvonne et à Antoine, je ne les avais jamais vus. Ils me plaisent tout de suite par leur distinction et leur amabilité.
Vinça, vendredi 5 septembre 1902
Le matin, je me promène un peu avec Paul et Antoine ; l’après-midi, je vais à Ille avec Paul et Antoine en voiture car nous n’avons pas nos bicyclettes, celle de l’oncle Paul, dont Paul se servira pendant son séjour ici étant en réparation à Ille, c’est même pour cette réparation que nous allons à Ille.
Vinça, samedi 6 septembre 1902
L’après-midi, je vais avec Paul à Ille en chemin de fer et nous rentrons avec nos bicyclettes ; au retour (nous passons par le chemin de la Foun dal Boulès), une pédale de sa machine tombe et je suis obligé, après plusieurs essais de réparation, de le laisser revenir tout doucement et de partir en avant pour qu’on ne s’inquiète pas ; il arrive à Vinça 20 minutes après moi juste assez tôt pour empêcher le départ de la voiture qu’on allait envoyer pour le ramener.
Vinça, dimanche 7 septembre 1902
Le matin, nous allons à la grand’messe ; l’après-midi, au moment où nous nous dispositions à faire des visites, nous voyons arriver après vêpres Tante Bonafos et Tante Lutrand qui restent jusqu’au départ du train de 7 heures.
Semaine du 8 au 14 septembre 1902
Vinça, lundi 8 septembre 1902
Le matin, je vais avec Paul à Prades en chemin de fer en amenant nos bicyclettes ; nous les faisons réparer ; Paul fait remettre la pédale qui manquait à celle dont il se sert et moi, je fais changer la chambre à air de ma roue de derrière qui était usée ; nous rentrons à Vinça en 25 minutes avec nos bicyclettes remises à neuf. À 11h ½ de l’après-midi, nous partons tous pour Millas, dans deux voitures, pour aller voir nos cousins Ferriol, nous les voyons tous et, au retour, nous nous arrêtons chez nos cousins de Barescut ; nous rentrons à Vinça à 7 heures.
Vinça, mardi 9 septembre 1902
Le matin à 7 heures, nous partons tous pour Doma Nova, les grandes personnes en voiture, Antoine et Nénette avec les domestiques et Geneviève, Paul, Marie-Thérèse, Philomène et moi à pied par le chemin de Rigarda ; malgré la pluie et le brouillard intense, nous y arrivons vers 8h ½, nous nous confessons à l’abbé Borrella, puis Paul et Moi nous lui servons la messe où nous communions tous ; ensuite, nous absorbons un repas froid, puis avant de redescendre, nous allons chanter (?) des cantiques à la chapelle ; nous trouvons deux voitures au pied de la colline, elles nous portent à Bouleternère où c’est aujourd’hui la foire, j’y vois un cheval qui ferait bien mieux mon affaire que l’abominable rosse que m’a envoyée hier Garrigue ; cet homme-là s’est moqué de moi en m’envoyant un cheval tout au plus bon pour les courses de taureaux ; mais, suivant nos conventions, je vais le lui renvoyer. À Boule, nous nous entendons aussi avec un menuisier pour refaire le portail de l’écurie qui tombe en morceaux ; puis nous partons pour Ille où nous lunchons, et nous visitons l’église, nous en repartons à 5 heures ¼ et sommes à Vinça à 6 heures ¼.
Vinça, mercredi 10 septembre 1902
Ce matin, Jacques qui va dans le bas Roussillon pour les vendanges, ramène sa rosse à Garrigue, il lui apporte en même temps une lettre de moi. Dans la matinée, je vais avec Paul tirer quelques oiseaux au jardin. Par le train de 11 heures, arrivent l’oncle et Tante Lutrand avec leur nièce Mlle Delafosse et leur neveu le jeune Henri Fourcade ; ils déjeunent à la maison. Dans l’après-midi, nous invitons Amédée et Mimi Jocaveil, ainsi que leur cousine Mlle Mathieu à venir danser et, tous réunis, nous improvisons une matinée dansante dans la grande salle, l’oncle Lutrand tient le piano ; ils repartent par le train de 6h ¾.
Vinça, jeudi 11 septembre 1902
À 7h ½ du matin, je pars avec Paul pour Ille en voiture ; je m’arrête à Boule où Joseph Jacomy me dit que notre fermier Xatard, propriétaire du cheval que j’ai vu mardi, refuse de louer sa bête, il veut la vendre. À Ille, nous prenons le train de 9h10, dit train des poules, qui nous amène à Perpignan à 10h50. À Perpignan, chez l’oncle Lutrand où nous allons déjeuner, je trouve une dépêche de Papa me disant qu’on a reçu à Vinça une lettre fort mécontente de Garrigue, et me recommandant de ne pas chercher un cheval chez lui. Avant le déjeuner, nous allons, avec le lieutenant Fourcade et son frère Henri Fourcade[77], chez plusieurs maquignons, aucun n’a de cheval qui me convienne ; après le déjeuner, suite de nos investigations et mêmes échecs ; tous les chevaux que je vois sont à vendre et non à louer, on ne consentirait à les louer qu’à des prix exorbitants ; force m’est de renoncer à trouver un cheval à Perpignan, je tâcherai de repêcher celui de Boule. Dans l’après-midi, je vais faire une visite à ma tante Cornet, je suis reçu par elle, par Mimi Companyo et par Joseph ; je vais ensuite me faire arranger les dents, je me promène avec Paul aux Platanes, je fais quelques emplettes et nous repartons par le train de 7 heures, nous sommes à Vinça à 8h ¼ ; nous trouvons Maman au lit avec la migraine.
Vinça, vendredi 12 septembre 1902
Le matin, je vais avec Paul à Boule pour tâcher de repêcher le cheval de Xatard ; il me suffit pour cela de le voir et de faire mes propositions, il les accepte de suite ; je lui prends son cheval pour les vacances au prix de 100 francs, plus, bien entendu, la nourriture et l’entretien ; j’avoue que je suis bien heureux de ce résultat car je commençais à me demander si je pourrais trouver un cheval à louer cette année. Paul et moi nous partons par le train de 11h ¾ pour Saint-Féliu-d’Avail. De là, nous partons à bicyclette pour Trouillas où nous arrivons à 1h 1/2. ; je fais la connaissance de notre nouveau métayer Auguste Faliu, qui me montre les emplettes que Papa vient de faire pour la cave, comportes, pompe, fouloir, emplettes rendues nécessaires par le départ des Torrent qui étaient propriétaires de toute une partie du matériel ; ensuite, nous allons aux vignes, nous mangeons un raisin à la fontaine de la Fon Rouge, puis nous partons pour Ponteilla où nous faisons une visite à Mme de Llamby qui nous reçoit, avec Louis et Isabelle, dans sa maison de campagne et qui nous invite à revenir l’y voir ; de Ponteilla nous allons à Corbère où la fermière, Baby Poull, nous offre un succulent goûter ; enfin, nous allons à Millas où nous attendons plus d’une heure avant de prendre le train pour Vinça. Dans le train, nous sommes tout étonnés de voir Tante Delestrac, Tante Josepha, Geneviève et Marie-Thérèse qui sont allées, par le train de 3h ½, faire quelques visites à Perpignan et qui rentrent à Vinça ; à Ille, monte dans le train Papa qui, reparti de Vinça ce matin, y est rappelé par une dépêche de Maman ; nous y arrivons à 8h ¼.
Vinça, samedi 13 septembre 1902
Nous partons tous à 9 heures du matin, dans deux voitures différentes pour Velmanya où nous arrivons à 11 heures. Nous y déjeunons, et après déjeuner, nous allons à la métairie du maire de Velmanya, M. Bachès, qui nous fait voir les cachettes où mon bisaïeul de Pontich[78], qui avait émigré en Espagne pendant la Révolution, revenait de très loin en très loin se rencontrer avec quelque membre de sa famille ; quelle triste époque ! Pourvu que les Jacobins qui nous gouvernent ne nous y ramènent pas d’ici peu ! Nous repartons de Velmanya à 4h ½ et nous arrivons à Vinça juste à temps pour que Papa puisse prendre le train de 6h ¾ pour Ille. À Vinça, est arrivé le cheval que j’ai loué hier à Xatard.
Vinça, dimanche 14 septembre 1902
Le matin, nous allons à la grand’messe, après laquelle je vais, avec Paul, canarder quelques oiseaux au jardin. L’après-midi, avant vêpres, et après vêpres, nous recevons et faisons quelques visites, puis, de 5 heures à 6 heures, je vais avec Paul au grand jardin pour tirer encore des oiseaux.
Semaine du 15 au 21 septembre 1902
Vinça, lundi 15 septembre 1902
Le matin, je fais ma première promenade à cheval, Jean me suit sur Reinette et Paul à bicyclette (au bout de 3 kilomètres, il est obligé de s’en retourner parce que la pédale de sa bicyclette cède de nouveau) ; je vais à Ille, puis, au retour, je m’arrête à Boule et je rentre à Vinça à 11 heures ; je ne suis pas mécontent de mon cheval, Bijou, bien qu’il craigne un peu les mouches et qu’il n’allonge pas assez au pas. Dans l’après-midi, nous allons tous au grand jardin où moi d’abord, puis Paul, nous photographions le groupe ainsi formé par toute la famille. À 6h ¾, hélas ! nous allons à la gare accompagner les Delestrac qui partent pour la Burbanche[79]. C’est avec un serrement de cœur que nous leur disons « Au revoir », car la période passée avec eux a été, pour moi du moins, la plus agréable de l’année ; finies maintenant les promenades à bicyclette avec Paul ! Finies les longues poses au jardin à guetter des oiseaux ! Finies les sauteries du soir dans la grande salle ! Mais il fallait bien en arriver là, car il n’y a pas de joie sans fin ici-bas !
Ille, mardi 16 septembre 1902
Le matin, je vais à cheval à Marquixanes, Jean m’accompagne sur Reinette. L’après-midi, nous recevons la visite de Tante Isabelle, de Mimi Companyo et de Joseph Cornet, puis je vais avec Amiel à Bentefarines voir la plantation de chênes-lièges faite l’année dernière ; il y a bien des manquants, mais on les remplacera facilement au moyen des pépinières faites avec le surplus des glands ; ensuite, je fais avec Maman une longue visite à Mme Dalverny[80], puis je pars à bicyclette pour Ille pendant que Maman et Philomène font le même trajet en chemin de fer. Marie-Thérèse reste encore quelques jours à Vinça pour prendre les bains de Nossa.
Ille, mercredi 17 septembre 1902
Le matin, je vais à bicyclette jusque près de Neffiach ; l’après-midi, après avoir révélé les photographies prises avant-hier, je vais à bicyclette à Boule où je vois Bonne Maman, l’oncle Paul et Tante Josepha venus pour affaires, puis à Corbère où Papa et Philomène sont venus à pied.
Ille, jeudi 18 septembre 1902
Le matin par le train de 6h ¾, je pars avec Jean pour Vinça où nous montons à cheval, nous allons à Finestret et recevons par la route de Prades, nous rentrons à Ille par le train de midi ; j’y trouve Monsieur Charouleau qui, après déjeuner, me fait choisir mes costumes d’hiver. Après son départ, je fais un peu de photographie ; puis nous allons tous nous promener à Saint-Martin. Le soir, nous allons chez les Dlles Mathieu.
Ille, vendredi 19 septembre 1902
Le matin, je me lève fort tard, puis je fais de la photo. À midi ¼, nous partons tous, sauf Philomène, pour Perpignan. Nous faisons quelques commissions, puis nous allons voir les Vassal que nous ne rencontrons pas, les Cornet qui nous reçoivent ; ensuite, je vais me faire couper les cheveux. Je suis très étonné d’apprendre par Papa que Maman est chez l’oncle Joseph de Lazerme ; elle passait rue de l’Ange quand l’oncle Joseph, qui l’a vue, a voulu absolument la faire monter chez lui ; je vais l’y rejoindre, je vois aussi Carlos[81] ; mais Tante Hélène, Marthe, Thérèse et Jacques sont dans l’Indre chez M. du Limbert[82] ; en sortant de chez l’oncle Joseph, nous allons voir tante Lutrand. Nous rentrons par le train de 7h3, en compagnie de M. l’abbé Sarrète[83] et de M. l’abbé Badrignans qui, la retraite ecclésiastique finie, vont à Vinça.
Ille, samedi 20 septembre 1902
Bonne Maman, Tante Josepha, l’oncle Paul, Nénette et Marie-Thérèse viennent déjeuner ici ; après le déjeuner, Poupon et son fils viennent pour renouveler le bail des propriétés de Bouleternère qui leur sont affermées. C’est Joseph Jacomy fils qui succède à son père et qui devient notre fermier ; mais nous sommes obligés de consentir une diminution de fermage par suite de la mévente des denrées. Bonne Maman et sa suite repartent à 5h ¼ pour Vinça. Nous allons nous confesser.
Ille, dimanche 21 septembre 1902
Nous allons à la messe à 7 heures à l’Hôpital où nous communions. Nous revenons à la grand’messe qui est très solennelle aujourd’hui parce qu’on fête le camail de M. le curé Bonet qui vient d’être nommé chanoine. L’après-midi, avant vêpres, nous allons faire une visite au marquis et à la marquise de Dax[84] et à la famille Roca[85] ; après vêpres, nous allons voir Mme Terrats d’Aguillon[86] que nous ne rencontrons pas, puis, pendant que Papa et Maman font d’autres visites, Philomène et moi nous allons nous promener du côté de la Têt. Après dîner, nous allons chez les demoiselles Mathieu d’où nous voyons les danses de la place ; nous profitons même de la musique pour danser un peu ; il y a aussi la famille Batlle, la famille Roca et Mlle Marie-Louise de Lacour.
Semaine du 22 au 28 septembre 1902
Ille, lundi 22 septembre 1902
Le matin je vais, par le train de 7 heures, à Vinça où je monte à cheval ; je rentre à Ille par le train de midi, Marie-Thérèse m’accompagne pour venir dire « Au revoir » à Papa qui part par le train de 3h ½ pour Rome où il va avec le train de pèlerinage de Toulouse ; il rejoindra ce train à Cette ; c’est le pèlerinage de la France du travail organisé par M. Harmel[87]. Nous allons tous l’accompagner à la gare, puis nous nous promenons un peu. Marie-Thérèse repart pour Vinça par le train de 8h du soir.
Ille, mardi 23 septembre 1902
Le matin, nous assistons à une grand’messe en l’honneur de Saint Ferréol ; l’après-midi à une heure, je pars à bicyclette pour Trouillas par Millas ; j’y suis à 2h ½ ; j’y reste jusqu’à 3h50 pour surveiller un peu la vendange qui s’achève et je suis de retour à Ille à 5h20.
Ille, mercredi 24 septembre 1902
Je vais à Vinça par le train de 6h 3/4 ; je vais à cheval à Prades, je déjeune à Vinça et je rentre à Ille par le train de 3h ½.
Ille, jeudi 25 septembre 1902
Il pleut toute la journée ; impossible de sortir ; vers 5 heures, je vais mesurer l’eau tombée au pluviomètre de la maisonnette du chemin de fer ; je recueille 20 millimètres ; cette plus est fâcheuse pour les vignes qu’elle expose à la pourriture.
Ille, vendredi 26 septembre 1902
Marie-Thérèse arrive par le train de midi et vient passer l’après-midi ici ; dans l’après-midi, nous allons tous nous promener dans la direction de la métairie du Sals de Caball et le chemin des deux ruisseaux, nous revenons par la grand’route. Ensuite, je fais installer dans l’écurie de la grande maison, que l’on a aménagée hier, la provision de foin que l’on apporte de Vinça.
Ille, samedi 27 septembre 1902
Le matin par le train de 7 heures, je vais à Vinça, je rentre à cheval et j’amène le cheval à l’écurie de la grande maison où il est très bien installé et où il restera pendant tout notre séjour à Ille.
Ille, dimanche 28 septembre 1902
Le matin, Philomène et moi nous assistons à la messe de 8 heures ½ parce que nous devons prendre le 10h ½ pour Vinça où a lieu aujourd’hui le tirage de la loterie des Dames de la Charité auquel Bonne Maman, qui est présidente des Dames de la Charité, tient à ce que nous assistions. Au retour de la messe, je trouve Jean légèrement blessé au genou par le cheval qu’il n’a pas su tenir en allant le faire boire et qui lui a donné un petit coup de pied ; nous le faisons panser, j’espère que ce ne sera pas grand’chose, mais il ne s’occupera plus du cheval ; nous chargeons de ce soin un maréchal-ferrant, ancien maréchal des logis, qui en a l’habitude. À Vinça, l’après-midi, tirage de la loterie sur la place du Vieux cimetière ; je n’ai guère de chance car je ne gagne qu’une vulgaire tasse que je remets en loterie et qui est gagnée ensuite par Paul Delestrac ! Nous rentrons à Ille par le train de 7 heures du soir.
Semaine du 29 au 31 septembre 1902
Ille, lundi 29 septembre 1902
Ce matin, le genou de Jean étant plus enflé qu’hier, nous profitons de la voiture qui est venue accompagner Tante Josepha au train de 9h10 pour envoyer Jean à Vinça où Bonne Maman le soignera au moyen d’estoufades, je le précède à bicyclette pour prévenir Bonne Maman de son arrivée, je rentre à 11h ½ à bicyclette et j’apprends que Philomène va partir après-demain avec Tante Josepha pour Angers d’où elle rentrera au Mans parce que les dames du Sacré-Cœur du Mans veulent absolument qu’elle soit exacte cette année pour sa rentrée ; dans l’après-midi, je l’accompagne faire quelques visites d’adieu.
Vinça, mardi 30 septembre 1902
Nous partons tous, l’après-midi, pour Vinça parce que notre cuisinière nous quitte et que celle qui doit la remplacer ne peut commencer son service que jeudi soir. À la gare, Tata Mimi Estève et Madeleine[88] descendent du train où nous montons ; elles viennent pour le mois d’octobre à Ille. Le soir à Vinça, Bonne Maman reçoit à dîner Mme Jean-Baptiste Noëll[89], son frère le commandant Noëll[90], ses deux fils[91], sa belle-sœur Mme Marty[92] et son neveu M. Bouchède[93] ; après le dîner, on joue à divers petits jeux jusque vers 10h ½.
Octobre 1902
Semaine du 1er au 5 octobre 1902
Vinça, mercredi 1er octobre 1902
Le matin, je vais me promener au Cam dal Roc, je pars pour Perpignan par le train de midi ; là, je fais quelques recherches aux Archives départementales et à la Bibliothèque de la ville, puis je vais me promener aux Platanes, je rencontre Rodolphe Bonet[94] ; je rentre à Vinça à 8h ¼.
Vinça, jeudi 2 octobre 1902
Le matin, je tue quelques oiseaux au jardin. Je vais à Ille par le train de midi pour empêcher Papa, qui doit rentrer ce soir de Rome, de s’arrêter à Ille et pour l’amener à Vinça ; je vois l’oncle Xavier, arrivé hier, Tata Mimi et Madeleine, puis je vais me promener à cheval à Bélesta ; le curé, M. Badrignans, me reçoit chez lui et me fait goûter, je rentre à Ille à 4 heures, et je vais me confesser ; à 7 heures, je reçois une dépêche de Papa, envoyée de Cette, disant qu’il n’arrivera que demain ; aussi je rentre seul à Vinça.
Ille, vendredi 3 octobre 1902
Le matin, j’assiste à la messe de communion en l’honneur du premier vendredi du mois, puis je pars à bicyclette pour Ille commander notre déjeuner, car nous serons tous à Ille avant midi. Ensuite, je vais à la métairie de l’oncle Xavier où je vois Tata Mimi et, Madeleine et moi nous partons, tous deux à bicyclette, au-devant de Maman et de Marie-Thérèse qui arrivent en voiture et que nous rencontrons à Rodès ; nous rentrons à Ille où Papa arrive de Rome, malheureusement il est à la maison avant nous car nous arrivons à Ille après l’arrivée de son train. Il nous raconte en détail son voyage, l’audience pontificale, sa courte conversation avec Léon XIII qui, en le quittant, lui a donné une tape amicale sur la joue, etc. L’après-midi, je vais à cheval à Boule, et, au retour, je trouve à la maison Tante Cornet, Mimi, Joseph et Louis Companyo, qui sont venus nous voir de Rodès où ils sont en ce moment. Ensuite nous nous promenons avec Tata Mimi, l’oncle Xavier et Madeleine ; le soir, nous allons à l’église et chez les demoiselles Mathieu à qui papa raconte son voyage.
Ille, samedi 4 octobre 1902
Le matin à 10 heures, je vais prendre Madeleine à la métairie et nous faisons ensemble une promenade à bécane jusque tout près de Millas. L’après-midi, je vais à cheval au Bouc où on vendange, puis Marie-Thérèse et moi allons nous promener du côté de la Garrigue avec Tata Mimi et Madeleine ; le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire, puis chez les demoiselles Mathieu.
Ille, dimanche 5 octobre 1902
Le matin, nous allons communier en l’honneur de la fête du Rosaire, puis nous retournons à la grand’messe ; l’après-midi, je vais, avec Papa et Maman, faire une visite à Mme Terrats d’Aguillon, puis à vêpres ; après vêpres, nous nous promenons avec Tata Mimi et Madeleine, sur la route de Perpignan. Après dîner, M. le curé et le vicaire viennent prendre le thé.
Semaine du 6 au 12 octobre 1902
Vinça, lundi 6 octobre 1902
Le matin, je vais me promener à Neffiach avec Madeleine à bicyclette ; l’après-midi, je vais à cheval à Millas. À 8 heures, nous partons pour Vinça.
Ille, mardi 7 octobre 1902
Le matin à 7 heures ½, nous faisons la sainte communion pour célébrer le septième anniversaire de la mort de Bon Papa, puis nous assistons au service funèbre qui est chanté à cette occasion. Ensuite, je vais tirer quelques oiseaux au jardin, puis nous allons au cimetière, puis devant le caveau de la famille où sont déposés les restes de Bon Papa. Nous rentrons à Ille par le train de 3h30 ; à 4 heures, je vais à bicyclette à Bouleternère faire une commission dont m’a chargé Tata Mimi Civelli auprès de son fermier de Boule Antoine Bô ; après dîner, nous allons à la cérémonie du Rosaire.
Ille, mercredi 8 octobre 1902
Le matin, je vais à Vinça à bécane avec Madeleine ; l’après-midi, je vais à cheval à la vigne de la Foun dal Boulès où on vendange. Nous avons à dîner l’oncle Xavier, Tata Mimi et Madeleine.
Ille, jeudi 9 octobre 1902
L’après-midi, je vais à cheval à Montalba. Le soir, après la cérémonie du Rosaire, nous allons à la gare attendre Papa qui est allé à Perpignan avec l’oncle Xavier, Tata Mimi et Madeleine.
Ille, vendredi 10 octobre 1902
Le matin, j’amène à Vinça le cheval Bijou qui sera attelé demain à l’omnibus avec Reinette. L’après-midi, Marie-Thérèse, Maman et moi, nous allons à Casenove espérant y rencontrer Tata Mimi et Madeleine, mais nous ne les y rencontrons pas ; le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire.
Ille, samedi 11 octobre 1902
Nous déjeunons à 10h ¼ avec Bonne Maman qui est arrivée dans l’omnibus attelé de Bijou et de Reinette. Nous partons à midi ¼ pour Ponteilla où nous arrivons à 2h ½ après un arrêt d’une vingtaine de minutes à Corbère. À Ponteilla, nous allons chez Mme de Llamby[95] qui nous attendait avec sa sœur, Mlle d’Oms[96], ses deux filles, Louise et Isabelle, et son mari (pour un jour, il n’est pas pochard)[97] ; après un goûter et une longue visite, nous repartons pour Trouillas où l’omnibus est allé nous attendre, accompagnés par tous les Llamby, sauf Monsieur ; à Trouillas, nous allons à la maison voir le fermier Faliu, puis nous disons « Au revoir » aux Llamby et nous repartons à 5h ¼ ; nous sommes à Ille à 7h ½ ; après dîner, Maurice, qui est arrivé par le train de 3 heures de Verdun, vient nous faire une visite.
Ille, dimanche 12 octobre 1902
Le matin, nous allons à la grand’messe ; le soir, après vêpres, je vais me promener à la Foun dal Boulès espérant y rencontrer Maurice, mais je ne l’y trouve pas. À 7 heures moins le quart, nous allons dîner chez l’oncle Xavier.
Semaine du 13 au 19 octobre 1902
Ille, lundi 13 octobre 1902
Le matin, je vais à Vinça par le train de 10h ½ pour reprendre le cheval et le ramener à Ille ; je rentre à Ille à cheval et j’y suis à midi. Après déjeuner, je pars dans la voiture d’Augustin, avec l’oncle Xavier et Maurice pour l’usine électrique de M. Bartissol, que Monsieur d’Arx[98] nous fait visiter dans tous ses détails. De retour à Ille, je vais, avec Maurice et son domestique Gabriel, pêcher sous le pont de la Têt, mais je ne prends rien. Le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire après laquelle je me confesse à M. le curé.
Ille, mardi 14 octobre 1902
Le matin, nous allons tous à la messe de 6h ¼ à laquelle nous faisons la sainte communion en l’honneur du vingtième anniversaire de ma naissance, du treizième de ma guérison en 1889. Ensuite, je vais à la recherche de Maurice qui m’a donné rendez-vous dans le lit de la rivière où il pêche ; mais, malgré toutes mes recherches, je ne puis le retrouver ; j’attends alors, dans la propriété de l’oncle Xavier à Casenoves, ce dernier qui doit y arriver avec M. Domenach pour tracer les limites de la propriété. En attendant, je réfléchis à l’anniversaire d’aujourd’hui ; je me dis que je ne suis plus un enfant, qu’un tiers de ma vie est déjà écoulé, et je fais toutes sortes de réflexions sérieuses. Après avoir assisté aux recherches de M. Domenach, je rentre déjeuner à la maison, puis nous accompagnons à la gare Maman et Marie-Thérèse qui vont à Perpignan. L’après-midi, je vais à cheval à Corbère, Maurice me suit à bécane ; ensuite, avec Madeleine et Maurice, je vais pêcher à la rivière. Le soir, nous allons attendre Maman à la gare après la cérémonie du Rosaire.
Ille, mercredi 15 octobre 1902
Je pars pour Perpignan par le train de 6h du matin pour assister aux obsèques de Mme Lutrand, mère de l’oncle Louis Lutrand[99], qui ont lieu à 8h ½ à l’église Saint-Joseph ; l’inhumation a lieu au vieux cimetière. Après l’enterrement, je vais chez les Lazerme demander un renseignement à Carlos ; je vois en même temps Tante Hélène, Marthe, Thérèse et Jacques. Ensuite, après quelques commissions, je vais déjeuner chez M. et Mme Dalverny[100] qui m’avaient invité, et je rentre à Ille par le train de 2h9. À 4 heures, à Ille, nous assistons tous, Tata Mimi et Madeleine aussi, au panégyrique de Sainte Thérèse prononcé, dans l’église du Carmel, par le supérieur du Couvent des Capucins de Perpignan. Le soir, nous allons chez les demoiselles Mathieu.
Ille, jeudi 16 octobre 1902
Le matin, je vais me promener à bicyclette avec l’oncle Xavier et Gabriel ; l’après-midi, je vais à Corbère à bicyclette avec Madeleine et Maurice, puis, de retour à Ille, Maurice nous quitte et je continue à me promener jusqu’auprès de Rodès, avec Madeleine et l’oncle Xavier. Ensuite, je viens à Vinça à cheval ; Maman y arrive par le train de 8h ¼ avec Marie-Thérèse.
Ille, vendredi 17 octobre 1902
Le matin, je vais tirer quelques oiseaux au grand jardin. Puis j’essaie les habits d’hiver que Charouleau a apportés pour l’essayage. L’après-midi, je vais à cheval à Ille où j’assiste au transfert par ‘oncle Xavier du grand tableau de Saint Martin, de la grande maison à leur métairie ; il le fait mettre dans la salle à manger. Avant de repartir pour Vinça, Maurice et moi nous nous amusons à nous lancer à tour de rôle au grand galop dans une prairie qui dépend de la métairie de l’oncle Xavier ; je rentre à Vinça à 5h ½ ; le soir nous allons à la cérémonie du Rosaire.
Ille, samedi 18 octobre 1902
Le matin à 10h ¾, nous allons à la gare attendre l’oncle Xavier, Tata Mimi et Maurice qui viennent déjeuner ; Madeleine n’a pas pu venir à cause d’un léger refroidissement. Après déjeuner on se promène un peu ; ils repartent à 3h30 ; Papa, qui était arrivé hier soir, repart à 7 heures. Le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire.
Ille, dimanche 19 octobre 1902
Le matin, avant la grand’messe, Viguier vient nous dire qu’un négociant offre 18 francs l’hecto de vin de Vinça, Maman accepte ce prix ; je crois donc qu’on peut considérer la vente comme faite ; après vêpres, je vais tirer quelques oiseaux au jardin.
Semaine du 20 au 26 octobre 1902
Ille, lundi 20 octobre 1902
Nous partons tous, sauf Bonne Maman, de Vinça à 8 heures et demi dans l’omnibus et nous arrivons à Ille pour assister à la grand’messe de la fête de l’Adoration perpétuelle qui est aujourd’hui. Bonne Maman, qui a été retenue ce matin à Vinça par l’enterrement de Mlle de Massia[101], la sœur du docteur de Massia, arrive par le train de midi. L’après-midi après les vêpres, nous nous promenons avec les Estève ; Maman, Bonne Maman et Marie-Thérèse repartent vers 6 heures du soir ; moi je reste jusqu’au départ de Maurice qui a lieu vendredi.
Ille, mardi 21 octobre 1902
Maurice et moi nous prenons le train de 6h45 pour Bouleternère ; à Boule, nous prenons à pied le chemin de Serrabone ; nous arrivons au Monastir vers 9h ½ ; nous visitons l’église et le cloître si curieux avec ses colonnes romanes admirablement conservées, puis, après un déjeuner tiré du havresac que nous portions à tour de rôle, et pris au bord de la fontaine du Monastir, nous repartons à midi ½ et nous grimpons au col de Las Arques à plus de 1000 mètres d’altitude ; nous y sommes à 1h ½, nous admirons le superbe panorama qui se déroule à nos yeux : à l’est toute la plaine du Roussillon parsemée de villages, et pour fond de tableau la mer ; au nord, la vallée de la Têt et les Corbières ; à l’ouest, le Canigou, légèrement couvert de nuages, le Carlitte et toutes les montagnes ; au sud enfin, une partie de la vallée du Tech et les Albères. Nous redescendons ensuite dans la direction de Glorianes après avoir contourné la vallée de Domanova et de Canahètes, nous passons par Rigarda et nous sommes à 4h ½ à Vinça, où nous goûtons bien. Nous rentrons à Ille par le train de 7 heures. Après le dîner, nous allons à la cérémonie du Rosaire et chez les demoiselles Mathieu. La superbe excursion que je viens de faire, favorisée par un temps superbe, trop chaud même, ne m’a pas fatigué du tout.
Ille, mercredi 22 octobre 1902
Je me lève très tard ce matin ; à midi, nous allons accompagner à la gare l’oncle Xavier qui repart pour Paris et Verdun. L’après-midi, je vais avec Papa me promener à la métairie, puis aux Escatllar ; le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire et chez les demoiselles Mathieu.
Ille, jeudi 23 octobre 1902
Le matin, je vais avec Maurice me promener dans la garrigue ; Marie-Thérèse arrive à midi de Vinça passer l’après-midi. Vers 3 heures, je vais avec papa à la métairie Barescut. Marie-Thérèse repart à 8 heures du soir. Par le même train, arrivent de Perpignan Tata Mimi, Madelon et Maurice ; je fais mes adieux à Maurice, qui part pour Montauban, Paris et Verdun, demain par le train de 6 heures du matin.
Vinça, vendredi 24 octobre 1902
Le matin, nous recevons la visite de M. Marie[102], de Prades, qui est venu à Ille pour s’occuper de la fondation d’un groupe de l’Action libérale populaire ; ensuite, je vais me promener avec Papa à l’olivette du Pont de la Fouste. L’après-midi, je pars à bécane pour Vinça ; en passant devant la métairie, je vais dire « Au revoir » à Tata Mimi et à Madelon. Le soir à Vinça, nous allons à la cérémonie du Rosaire ; Papa et Jean arrivent par le train de 8 heures. Papa nous annonce qu’à Corbère, où il est allé dans l’après-midi, il a vendu le vin au prix de 20 francs l’hecto, c’est le meilleur prix que nous ayons atteint cette année, car les vins de Boule et d’Ille n’ont été vendus qu’à 17fr. 60 l’hecto, celui de Vinça à 18 francs et la partie vendue de Trouillas à 16 francs. Si tout cela pouvait être la fin de la terrible crise viticole que notre pays traverse depuis deux ans !

Vinça, samedi 25 octobre 1902
Le matin, je vais à cheval à Prades sur une selle que m’a prêtée Henri Sabaté. L’après-midi, je vais tirer quelques oiseaux au jardin ; le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire.
Vinça, dimanche 26 octobre 1902
Nous allons aux cérémonies du matin et du soir. Après vêpres, je vais me promener au grand jardin avec Amédée Jocaveil. Papa repart pour Ille à 2 heures en voiture.
Semaine du 27 au 31 octobre 1902
Vinça, lundi 27 octobre 1902
Je pars à 8h ¾ à cheval pour Ille ; là, après déjeuner, je vais avec Papa me promener à Casenove ; à 4 heures, je repars pour Vinça ; le soir, nous allons à la cérémonie du Rosaire, après laquelle le vicaire, M. Borrella, vient passer la soirée avec nous.
Vinça, mardi 28 octobre 1902
Tata Mimi et Madelon, qui partent demain d’Ille pour Paris et Verdun, viennent passer avec nous une partie de l’après-midi ; nous allons les raccompagner à la gare où nous leur faisons nos adieux, pour le train de 6h ½. Papa arrive de Perpignan par le dernier train. Le matin, Amédée Jocaveil me photographie à cheval dans le grand jardin.
Ille, mercredi 29 octobre 1902
L’après-midi, nous allons tous en omnibus à Marquixanes, où nous allons voir le curé, M. Vidal, ancien vicaire de Vinça, et à Prades où nous allons voir les Marie que nous rencontrons et les De Saint-Jean que nous ne rencontrons pas.
Ille, jeudi 30 octobre 1902
À onze heures, je pars avec Papa pour Ille en omnibus ; Papa continue sur Trouillas, et moi je vais, à bicyclette, à Ballesta[103] où je vois Mlle Badrignans, mais où je ne rencontre pas son frère, M. le curé ; de là, je redescends sur Millas en passant devant le château de Caladroy, où nous sommes tous allés l’année dernière, puis je rentre à Ille où je m’arrête un moment, et à Boule où je fais signer à Joseph Jacomy les nouveaux baux ; je suis à Vinça à 5h ½. En passant près de la métairie Barescut, j’ai rencontré M. de Barescut qui m’a annoncé que Maurice vient de passer brillamment ses examens de sortie à l’École de guerre : il a obtenu le numéro 4 et la note très bien, aussi il a la garnison d’Alger qu’il convoitait[104]. Papa rentre de Trouillas vers 7 heures ¼.
Vinça, vendredi 31 octobre 1902
Le matin je fais emballer la bicyclette dans son cadre par Jean. L’après-midi, Amédée Jocaveil vient me remettre la photo prise mardi ; elle est assez réussie, puis je vais faire 3 ou 4 tours de jardin ; ensuite je vais me confesser chez M. le curé ; à 7 heures, nous allons à la cérémonie du Rosaire.
Novembre 1902
Semaine du 1er au 2 novembre 1902
Vinça, samedi 1er novembre 1902
À l’occasion de la fête de la Toussaint, le matin nous allons tous faire la sainte communion ; ensuite, nous allons à tous les offices ; nous nous promenons un peu après la grand’messe.
Vinça, dimanche 2 novembre 1902
Après la grand’messe, nous allons nous promener sur la route de Perpignan, et après vêpres, sur celle de Joch ; Bonne Maman, qui est très enrhumée, garde le lit toute la journée. Dans l’après-midi, nous avons la visite de Mme Dalverny qui est venue passer deux jours à Vinça, et de Mme Jocaveil.
Semaine du 3 au 9 novembre 1902
Vinça, lundi 3 novembre 1902
C’est aujourd’hui la fête des morts retardée d’un jour à cause du dimanche ; nous allons à la messe de communion de 7 heures et au service funèbre à 10 heures. Bonne maman garde encore le lit et reçoit la visite des demoiselles Parès ; je vais à Boule dans l’après-midi pour rendre le cheval à son propriétaire.
Angers, mercredi 5 novembre 1902
Pas de journal hier parce que j’étais en chemin de fer. Après avoir passé la matinée à faire des visites à Vinça, Papa et moi nous sommes partis par le train de 3h ½ pour Angers, laissant Maman en meilleure santé et levée ; Maman et Marie-Thérèse nous accompagnent jusqu’à Perpignan où elles ont les commissions à faire, elles repartiront le soir même pour Vinça où elles passeront encore une dizaine de jours avant leur départ pour Angers. De Boule à Perpignan, nous faisons route avec Joseph Cornet. À la gare de Perpignan, nous rencontrons l’oncle Joseph de Lazerme, sa tante Mme de Rovira[105], Tante Hélène et Marthe qui descendent de l’express dans lequel nous montons, nous causons un moment. Nous dînons au buffet de Narbonne ; nous arrivons à Bordeaux ce matin à 5h ½, nous allons à la cathédrale Saint-André où nous entendons la messe, nous repartons de Bordeaux à 8h45 et nous sommes à Angers à 4h ½, l’oncle Paul et Tante Josepha nous attendaient à la gare ; nous dînons chez eux. Voilà donc finies ces vacances longues de 3 mois et demi, pendant lesquelles je puis me vanter d’avoir pris le grand air et d’avoir fait beaucoup d’exercice. Le grand bonheur de ces vacances a été de pouvoir me retrouver en famille au milieu de mes cousins Delestrac et de mes cousins Estève, chose que j’aime par-dessus tout. J’espère bien que ce sera la même chose l’année prochaine. Maintenant, c’est le moment de travailler car chaque chose en son temps !
Angers, jeudi 6 novembre 1902
Je suis les premiers cours, ce sont ceux de M. Buston (droit commercial) et de M. Courtois (procédure civile). Après les cours, je vais avec Hervé-Bazin voir Normand d’Authon à l’Hôtel d’Anjou, et le féliciter de son prochain mariage avec Mlle Gabrielle Hervé-Bazin. Nous allons déjeuner chez Tante Josepha ; et l’après-midi, je fais plusieurs commissions en ville. Après dîner, je vais avec Papa à une cérémonie de la cathédrale.
Angers, vendredi 7 novembre 1902
Cours de droit civil (M. Jac) et de droit international privé (M. Albert). L’après-midi, je vais avec Papa chez le Dr Sourice, puis je vais faire mes visites à mes nouveaux professeurs ; je rencontre MM. Buston et Jac, je ne rencontre pas MM. Courtois et Albert ; je vois aussi M. Gavouyère. Le soir, nous allons, avec papa et Tante Josepha à la cérémonie de l’Adoration à Notre-Dame.
Angers, samedi 8 novembre 1902
Cours de droit commercial et de procédure civile. L’après-midi, je vais acheter mes livres de droit, puis je vais me confesser à M. l’abbé Brossard, ensuite, je vais voir le P. Vétillart pour m’entendre avec lui au sujet des cours d’agriculture que je pourrai suivre cette année ; nous décidons que je suivrai 3 cours par semaine jusque vers le 1 janvier et 2 à partir du 1 janvier ; ce sont (pour le moment du moins) le complément du cours d’agriculture générale vu l’an dernier, le complément du cours d’agriculture spéciale vu aussi l’année dernière ; quant au 3ème cours que je suivrai jusqu’au premier de l’an, c’est une série de 10 cours sur les machines agricoles. Le soir, nous allons à la conférence Saint-Vincent-de-Paul, j’y reprends mes fonctions de secrétaire.
Angers, dimanche 9 novembre 1902
Le matin, je vais faire la sainte communion à la messe de 8 heures à Notre-Dame, je retourne à la grand’messe à Saint-Joseph, après quoi, à 11h ½, nous allons déjeuner chez Tante Josepha. À 1h ½, nous allons, avec l’oncle Paul et Tante Josepha, au concert populaire au cirque-théâtre ; on y exécute une foule de morceaux dont les plus remarquables sont : l’ouverture du Roi Lear, la bacchanale de Tannhäuser et Per Gynt, fort bien exécutés ; on entend aussi une très forte violoniste, Mlle Samuels. Nous allons au salut chez les Dominicains.
Semaine du 10 au 16 novembre 1902
Angers, lundi 10 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert ; l’après-midi, je vais faire la visite des pauvres à 4h ½ et je vais à la salle d’armes à 5h ½.
Angers, mardi 11 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. L’après-midi, visite avec Papa à Mme Hervé-Bazin qui nous a tous invités à sa soirée de mercredi 19 novembre.
Angers, mercredi 12 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. Papa part pour Le Mans par le rapide de 10h25, pour faire sortir Philomène ; je passe une grande partie de l’après-midi chez Jacques Hervé-Bazin avec Bonnet pour l’aider à démonter a bicyclette.
Angers, jeudi 13 novembre 1902
Le matin, cours de MM. Buston et Courtois. L’après-midi, je reçois avec Papa la visite de M. Courtois, puis, à 5h ¼, je vais au cours d’agriculture spéciale de M. Lavallée, on commence l’étude du blé. Auparavant, je vais me faire couper les cheveux chez Normandin.
Angers, vendredi 14 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture sur les machines agricoles.
Angers, samedi 15 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. L’après-midi, je reçois avec Papa quelques étudiants qui viennent le voir. À 5 heures, je vais voir M. René Bazin, puis je vais à la salle d’armes où je livre plusieurs assauts. Après dîner, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 16 novembre 1902
Je vais à la grand’messe à Saint-Joseph ; l’après-midi, je vais à la foire avec Tante Josepha et Nénette ; nous assistons d’abord à une séance de cinématographe et ensuite nous allons voir jouer la Passion de Notre Seigneur, c’est une série de tableaux vivants bien naturels. À 5 heures, je vais avec Tante Josepha au salut chez les Dominicains. Après dîner, nous allons prendre le thé chez les Magué.
Semaine du 17 au 23 novembre 1902
Angers, lundi 17 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi, je vais faire la visite des pauvres de Saint-Vincent-de-Paul ; à 4h ½, je vais voir M. Maurice Gavouyère que je ne rencontre pas ; à 5h, je vais à la salle d’armes. Après dîner, je vais avec Tante Josepha à la séance de rentrée de l’Université catholique ; 6 évêques y assistent, Mgr Catteau, de Luçon, préside ; plusieurs rapports, plusieurs discours empreints de tristesse à cause du projet de loi contre la liberté de l’enseignement supérieur etc. On se retire vers 10 heures.
Angers, mardi 18 novembre 1902
Le matin à 7h ½, je vais avec Papa à la messe du Saint-Esprit célébrée par l’évêque du Mans dans la chapelle de l’Internat. Ensuite, je cause avec Maman et Marie-Thérèse arrivées cette nuit à minuit, et que je n’avais vues qu’un petit moment à 1h du matin au moment de leur arrivée (elles étaient venues me voir dans mon lit). À 11 heures, nous avons la visite de l’abbé Llobet, ancien vicaire de Vinça, qui a passé la nuit chez Tante Josepha, il s’est arrêté un jour à Angers pour une affaire et il va à Vannes où il vient d’être agréé comme précepteur chez M. de Breda, capitaine adjudant-major. L’après-midi, j’assiste à la séance de rentrée de l’école d’agriculture présidée par le duc de Plaisance, président du conseil d’administration de l’école ; on y entend un discours de M. Courton, membre de la Société des Agriculteurs de France ; puis je fais quelques courses avec Maman et Marie-Thérèse, malgré le froid très vif (il n’a pas dégelé de toute la journée).
Angers, mercredi 19 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi, à 5 heures, je vais à la salle d’armes. Le soir à 9h ½, nous allons tous à la soirée de mariage de Mlle Gabrielle Hervé-Bazin ; il y a une centaine de personnes ; on exécute plusieurs morceaux ; buffet bien servi ; nous rentrons à 11h ¾.
Angers, jeudi 20 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois ; le second est un peu écourté ; nous déjeunons à 10h ½, puis nous allons tous à Saint-Laud au mariage de Mlle Gabrielle Hervé-Bazin avec Paul Normand d’Authon, c’est Mgr Rumeau qui leur donne la bénédiction nuptiale. Après le défile à la sacristie, on se précipite à la maison où Mme Hervé-Bazin reçoit et où est servi un lunch ; nous rentrons à la maison à 2h ¼, transis car il neige assez fort. À 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, vendredi 21 novembre 1902
Cours de M. Jac et Albert. Après le second cours, j’assiste à la réunion de la Conférence Saint-Louis pour élire les membres du bureau : Couteau est élu président, Hervé-Bazin et Clayeux vice-présidents, Catta secrétaire et De Monsabert trésorier. L’après-midi, à 5h ¼ cours d’agriculture sur les machines agricoles ; auparavant je vais voir M. Lavallée et le P. Lionnet.
Angers, samedi 22 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. L’après-midi, Papa et moi nous recevons la visite du P. Lionnet, puis je vais me confesser à Saint-Jacques et ensuite je vais à la salle d’armes ; le soir, conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 23 novembre 1902
Je vais à la messe de 8 heures à Notre-Dame où je fais la sainte communion, je retourne à la grand’messe en musique de Saint-Joseph. L’après-midi, je vais voir Jacques des Loges que je vois pour la première fois en soldat ; puis je vais au salut chez les Pères Dominicains.
Semaine du 24 au 30 novembre 1902
Angers, lundi 24 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi à 5h, je vais à la salle d’armes. Après dîner, conférence Saint-Louis ; élection des nouveaux membres, puis lecture par De Monti de Rezé d’un travail sur le labour copartnership tiré de sa thèse de doctorat en droit qui est sur le même sujet et qu’il doit soutenir vendredi. Le labour copartnership est un système de participation aux bénéfices dans lequel on retient la part qui revient aux ouvriers sur les bénéfices, et on leur achète, avec cet argent, les actions de l’entreprise, en sorte que les ouvriers peuvent arriver à être propriétaires de tout le capital social, comme cela est arrivé pour la maison Godin (actuellement société du familistère de Guise). Il me semble que ce système, dans lequel De Monti voit beaucoup d’avantages, est absolument socialiste, car, s’il se généralisait, il arriverait à supprimer un des facteurs de la production, le capital, qui se confondrait avec un autre facteur, le travail, et la fameuse revendication des socialistes « les instruments de production aux mains des travailleurs » ou encore « la mine aux mineurs » serait réalisé ; de plus, on peut se demander ce que deviendrait, dans ce système, les capitalistes, ils n’auraient plus d’entreprises à soutenir ; il me semble que tout cela est de l’utopie. J’aimerais mieux chercher à assurer la paix sociale en rendant chaque ouvrier propriétaire de sa maison comme cela a été essayé par beaucoup de grands industriels, notamment à Mulhouse.
Angers, mardi 25 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. À 11 heures, je vais prendre une leçon d’équitation au manège du génie. L’après-midi à 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, mercredi 26 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi, je vais faire quelques commissions avec Maman et Tante Josepha, puis je vais faire la visite des pauvres de Saint-Vincent-de-Paul, enfin je vais prendre un bain.
Angers, jeudi 27 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. L’après-midi, nous allons tous faire une visite de digestion à Mme Hervé-Bazin, puis je vais au cours d’agriculture ; le soir, réunion de la congrégation, rue Rabelais, instruction du nouvel aumônier l’abbé (lisez le Père) Barbier ?
Angers, vendredi 28 novembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. Après le second cours, je vais prendre une leçon d’équitation au manège du génie. L’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, samedi 29 novembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. L’après-midi, je vais me confesser à Saint-Jacques, puis je vais à la salle d’armes. Le soir, conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 30 novembre 1902
Le matin, je vais faire la sainte communion à la messe de 8 heures à Notre-Dame ; je reviens avec Papa à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, je vais voir Mlle Grieshaker, puis nous allons au salut chez les Dominicains. Le soir nous recevons à dîner l’oncle Paul, Tante Josepha et Nénette.
Décembre 1902
Semaine du 1er au 7 décembre 1902
Angers, lundi 1er décembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi, à 5 heures, je vais à l’escrime. Après dîner, Conférence Saint-Louis : Roques lit un travail sur « Le nationalisme aux antipodes », c’est-à-dire sur le mouvement qui se manifeste en Australie en faveur de l’indépendance.
Angers, mardi 2 décembre 1902
Cours de MM. Buston et Courtois. Après le second cours, leçon d’équitation au génie ; pour la première fois, je franchis les obstacles. Le soir à 5h ¼, cours d’agriculture. Après dîner, nous allons tous à la cathédrale pour assister à la cérémonie de clôture de l’Adoration perpétuelle ; j’assiste, avec une foule d’étudiants, à la procession du Très-Saint Sacrement qui la termine.
Angers, mercredi 3 décembre 1902
Cours de MM. Jac et Albert. L’après-midi, Maman reçoit pour la première fois, elle a un assez grand nombre de visites. Après dîner, nous assistons tous, à l’Université, au discours que Monseigneur Rumeau prononce à l’occasion de la prochaine ouverture des cours de jeunes filles dont le programme est très varié et qui vont durer jusqu’à Pâques ; Marie-Thérèse se propose de s’y faire inscrire.
Angers, jeudi 4 décembre 1902
Aujourd’hui, commence à la chapelle de l’Internat Saint-Martin la retraite de l’Université qui durera 3 jours, c’est le P. Barbier qui la prêche. À 8 heures, instruction et messe, puis un seul cours. À 2 heures, instruction, à 5 heures, cours d’agriculture. À 8h du soir, instruction et salut.
Angers, vendredi 5 décembre 1902
À 8 heures du matin, messe et instruction, suivies d’un cours ; à 11 heures, je vais à l’équitation. L’après-midi, à 5h, cours d’agriculture, à 8h du soir, instruction et salut de retraite.
Angers, samedi 6 décembre 1902
À 8h du matin messe et instruction, puis un cours de droit. L’après-midi à 2h instruction, à 5h je vais me confesser puis je vais à l’escrime. À 8h du soir, nous allons tous, Tante Josepha est aussi avec nous, au concert de charité des Quinconces où nous entendons Botrel et sa femme qui chantent plusieurs chansons nouvelles et qui jouent une piécette de la composition de Botrel Fleur d’ajonc ; Marie-Thérèse fait la quête avec M. Gaudineau, il y a aussi plusieurs autres quêteuses. Très brillantes assistance. On se retire à près de minuit.
Angers, dimanche 7 décembre 1902
À 8 heures, je vais avec Papa à la messe de communion que clôture notre retraite. Je retourne à la grand’messe à Saint-Serge où on célèbre aujourd’hui la fête de la corporation des ouvriers métallurgistes. Un chœur de dames du monde chante la grand’messe ; on m’a invité à quêter ainsi que Marie-Thérèse. Je quête avec Mlle de Contades et Marie-Thérèse avec De La Guillonnière. L’après-midi je vais voir patiner aux prairies du Bon Pasteur (il gèle continuellement depuis 3 jours et, la nuit dernière, le thermomètre a dû descendre à 8° ou 9° au-dessous de 0). Ensuite, j’assiste avec plusieurs étudiants aux vêpres de la Cathédrale où tous les professeurs de l’Université, en robe, prêtent serment devant Mgr Rumeau. Cette cérémonie a lieu en l’honneur de la fête patronale de l’Université, qui est le jour de l’Immaculée Conception. Le soir, les Magué viennent prendre le thé avec nous pour célébrer l’heureuse décision qui a été prise aujourd’hui au sujet d’une affaire dont je n’ai pas voulu parler dans mon journal, tant qu’elle n’était pas certaine ; je veux dire le prochain mariage de Marie-Thérèse avec M. Max du Pin de Saint-Cyr, un jeune homme de 25 ans, ami de Xavier Civelli, et appartenant à une des plus anciennes familles du Périgord ; il habite, avec sa mère (qui est une demoiselle de la Bardonnie) et sa sœur aînée, le château de Sainte-Croix près de Mareuil-sur-Belle (Dordogne). C’est ma tante Civelli qui a eu l’idée de ce mariage et qui a conduit les négociations. L’entrevue, ménagée par M. le chanoine Galais, a eu lieu à Périgueux le 16 novembre ; c’est en prévision de cette entrevue que Maman et Marie-Thérèse ont retardé de deux semaines leur départ de Vinça. Les deux futurs se sont convenus et, maintenant que toutes les questions sont réglées, Mme de Saint-Cyr vient d’écrire la lettre officielle qui demande pour son fils Max la main de Marie-Thérèse ; inutile de dire que la réponse sera favorable. Max de Saint-Cyr, on peut dire, n’a que des qualités ; on a été unanime à nous en dire tout le bien possible. Il possède autour de son château une grande propriété de 214 hectares. Il me tarde vivement de faire sa connaissance. Il a une sœur plus âgée que lui et un frère, Gérard de Saint-Cyr, plus jeune, qui est au séminaire de Périgueux et qui sera ordonné prêtre dans un an ou deux.
Semaine du 8 au 14 décembre 1902
Angers, lundi 8 décembre 1902
Cours ordinaires. L’après-midi, je vais patiner sur les près de Saint-Jacques, la gelée de la nuit de samedi à dimanche, qui a été de -10°, a bien affermi la glace qui est très solide, il y a beaucoup de monde sur ce lac. Le soir, Conférence Saint-Louis, le P. Lionnet lit une étude sur les causes de la haine des Protestants anglais contre les Catholiques, il l’attribue à ce fait qu’à la suite de la conspiration des poudres, et d’une autre conspiration, inventée de toute pièce celle-là, les Catholiques ont été considérés comme des ennemis publics, des ennemis de l’Angleterre, et que ce préjugé n’est pas encore tombé.
Angers, mardi 9 décembre 1902
Après déjeuner, je vais patiner avec l’oncle Paul et Tante Josepha ; ils ne patinent pas, mais Tante Josepha se fait porter en traineau par un capitaine du génie, c’est très amusant. À 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, mercredi 10 décembre 1902
Le froid diminue, il dégèle, je ne retourne pas patiner. À 5 heures, escrime.
Angers, jeudi 11 décembre 1902
Il dégèle tout à fait ; l’après-midi à 5h, conférence de droit civil qui me fait manquer le cours d’agriculture ; après dîner, réunion de la congrégation, on procède à l’élection du préfet et des assistants : De Bréon est élu préfet, De Monsabert 1er assistant et De Saint-Pern 2ème assistant.
Angers, vendredi 12 décembre 1902
À 2h moins le quart de l’après-midi, conférence de droit international. À 5h ¼, cours d’agriculture. Après dîner, nous assistons, avec Tante Josepha, à la conférence de M. René Bazin sur l’Alsace, qu’il a visitée l’année dernière. M. Bazin estime que la germanisation ne fait pas de progrès ; il nous dit que, tous les ans, 4 à 5000 jeunes gens quittent l’Alsace-Lorraine pour ne pas servir dans l’armée allemande, que la langue française n’est pas en recul (en 1895, il y avait 159.000 personnes en Alsace-Lorraine qui déclarèrent que le français était leur langue maternelle ; au recensement de 1901, 200.000 personnes ont fait la même déclaration, ce résultat a rempli les Allemands de stupéfaction). M. René Bazin se fait longuement applaudir quand il cite ce beau trait d’une jeune Alsacien incorporé dans un régiment allemand et qui fut remarqué, dans une revue, par un général le faisant sortir du rang, lui demande d’où il est ; sur sa réponse, il lui demande s’il a des parents dans l’armée ; alors le jeune Alsacien se dressant répondit : « Oui, mon général, j’ai des parents dans l’armée : un oncle lieutenant-colonel à Paris, un cousin capitaine au Mans, un autre cousin capitaine à Belfort, enfin un oncle colonel à Lunéville, c’est tout, mon général ». Le général allemand roula des yeux terribles, puis, après une minute de réflexion, eut l’esprit de partir sans rien dire. Puisse l’exemple de ce jeune homme être suivi et la crânerie et l’attachement des Alsaciens à la France forcent les Allemands à partir ! M. Bazin fait remarquer qu’après 32 ans de conquête, il y a encore au Reichstag 10 députés alsaciens protestataires sur 15 ; ce n’est pas un mince résultat de la ténacité des Alsaciens !
Angers, samedi 13 décembre 1902
L’après-midi, je vais me confesser à Saint-Jacques, ensuite je vais à la salle d’armes. Le soir à 8 heures, je vais avec Papa à la cérémonie de la retraite des Conférences Saint-Vincent-de-Paul dans la chapelle de la rue du Voilier.
Angers, dimanche 14 décembre 1902
Le matin à 7h ½, je vais avec Papa à la messe de communion qui clôture la retraite de Saint-Vincent-de-Paul, rue du Voilier ; je retourne à la grand’messe à Saint-Joseph. L’après-midi, j’écris, pour la première fois, à mon futur beau-frère Max de Saint-Cyr. À 5h, nous allons tous au salut chez les Dominicains. À 8h, j’assiste avec Papa à la réunion générale des conférences Saint-Vincent-de-Paul place Saint-Martin ; à notre retour, à 9h ½, nous trouvons à la maison les Magué que nous avons invité à venir prendre le thé.
Semaine du 15 au 21 décembre 1902
Angers, lundi 15 décembre 1902
Le matin cours ordinaire ; l’après-midi, à 5h escrime. Après dîner, Conférence Saint-Louis, j’y lis un petit travail sur Bizerte, ensuite le P. Lionnet continue la lecture de son travail sur les causes de la haine des protestantes anglais contre les catholiques, il nous parle notamment de la campagne menée contre les catholiques par la puissante Alliance protestante. Après lui, M. René Bazin lit une partie de la nouvelle Le retour de Donatienne qu’il publie en ce moment dans la Revue des Deux Mondes. Toutes ces lectures ont prolongé la séance un peu plus que d’habitude, aussi je rentrais tranquillement avec De La Morinière[106], lorsque je rencontre Papa qui vient à ma rencontre sur le boulevard, envoyée par Maman affolée qui me croyait déjà assassiné, c’est la réédition de ce qui se passa l’hiver dernier le jour du dîner de Mme Bonnet, et cependant il n’était que 10h20 ! A nervosis mulieribus libera nos Domine !!!
Angers, mardi 16 décembre 1902
Cours ordinaires suivis de ma leçon d’équitation au génie ; l’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture.
Angers, mercredi 17 décembre 1902
Cours ordinaires. L’après-midi, je prépare la conférence de droit civil à laquelle j’assiste à 5 heures.
Angers, jeudi 18 décembre 1902
Cours ordinaires suivis de la leçon d’équitation au génie ; en allant la prendre, je vois dans la cour du quartier la revue des jeunes recrues que passe le général Mortagne assisté de l’oncle Paul, du lieutenant-colonel et de plusieurs officiers du régime, tout cela malgré la pluie. L’après-midi, à 5h ¼, cours d’agriculture. À 8 heures, je vais à la réunion de la congrégation où les nouveaux dignitaires élus il y a huit jours sont reçus solennellement par Mgr Pasquier. En sortant, vers 9h ¼, je rejoins Papa et Maman chez les Magué où ils sont allés passer la soirée et prendre le thé en l’honneur du 9ème anniversaire de la naissance de Nénette.
Angers, vendredi 19 décembre 1902
Cours ordinaires ; l’après-midi à 1 heures ¾, conférence de droit commercial. À 5h ¼, cours d’agriculture. Après dîner, je vais avec papa et Tante Josepha (Maman, enrhumée, reste à la maison et Marie-Thérèse lui tient compagnie) à la séance de rentrée de la Conférence Saint-Louis dans la grande salle de l’Université. Après un petit discours assez bien tourné du nouveau président Couteau, Catta[107] lit son rapport, très bien ordonné et très varié, sur les travaux de l’année dernière ; après lui M. René Bazin prononce quelques mots en l’honneur du conférencier qui est venu présider la séance, M. Henry Reverdy[108] avocat à la Cour d’appel de Paris, ancien défenseur des Pères Assomptionnistes devant le Tribunal de la Seine en janvier 1900, ancien président de l’Association catholique de la jeunesse française. M. Reverdy, dans un beau discours, parle des devoirs des jeunes gens catholiques à notre époque et insiste surtout sur les devoirs sociaux. Nous ne restons pas au punch qui a lieu ensuite dans la bibliothèque.
Angers, samedi 20 décembre 1902
Cours ordinaires. L’après-midi, je travaille jusque vers 5 heures ; quand je sors, vers 5 heures, pour aller à la salle d’armes, je remarque un mouvement inusité dans les rues, bientôt je suis abordé par des marchands de journaux qui crient la nouvelle sensationnelle de l’arrestation de la famille Humbert-Daurignac[109] à Madrid ce matin. Dans les agences où arrivent les dépêches, il y a foule ; on s’interpelle en s’annonçant la nouvelle, on s’y attendait si peu ! La note qui domine est que le gouvernement connaissait depuis longtemps la retraite de cette bande d’escrocs, mais que le gouvernement espagnol pour les faire arrêter, attendait que le gouvernement français le lui dise. Quelles négociations entre le ministère Combes et la famille Humbert ont précédé cette arrestation ! Ce qui est probable c’est que leur silence à l’égard des hommes politiques compromis a été sans doute acheté. Quand je rentre à la maison, je trouve un numéro extraordinaire du Maine-et-Loire que ce journal a envoyé à tous ses abonnés pour annoncer la célèbre nouvelle. Le soir, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 21 décembre 1902
Le matin, je vais à la grand’messe à Saint-Joseph ; en en sortant, je rencontre Dupré, ancien camarade du Mans, qui fait son année de service à Angers au 135e. L’après-midi, j’assiste au patronage Saint-Serge, avec Papa, Tante Josepha et Nénette, à une pièce de Leroy-Villard, Les piastres rouges, bien interprétée.
Semaine du 22 au 28 décembre 1902
Angers, lundi 22 décembre 1902
Le matin, cours ordinaires. L’après-midi, je vais me faire photographier chez Margerie, rue Plantagenêt. À 5 heures, escrime. Le soir, Conférence Saint-Louis, travail bien fait de Mézerette sur l’Inquisition, suivi d’une longue discussion (le sujet y prêtait).

Angers, mardi 23 décembre 1902
Cours habituels ; après le second cours, leçon d’équitation au génie ; le soir, pas de cours d’agriculture.
Angers, mercredi 24 décembre 1902
Le matin, cours habituels. L’après-midi, à 2 heures, je vais me confesser à Saint-Jacques ; en revenant, j’entre voir, chez Margerie, l’épreuve de ma photo d’avant-hier ; comme l’épreuve sur papier n’est pas visée, je ne puis pas bien me rendre compte de ce qu’elle sera. Le soir, en attendant l’heure d’aller à la messe de minuit, nous écrivons un très grand nombre de cartes de faire-part des fiançailles de Marie-Thérèse avec Max de Saint-Cyr, mais nous n’avons pas fini, loin de là ; heureusement qu’elles ne partiront pas avant quelques jours. Tous les journaux se demandent avec anxiété quelle est la raison de l’arrestation des Humbert, car pas un journal propre n’émet l’idée que le garde des Sceaux les ait fait arrêter par devoir, pour faire rendre la justice ! Les uns disent que le gouvernement espagnol a procédé à l’arrestation pour jouer un tour au ministère Combes qui avait vu d’un mauvais œil l’arrivée des conservateurs et du cabinet de M. Silvela à Madrid ; d’autres croient que Combes les a fait arrêter afin de paraître juste aux délégués sénatoriaux en vue des prochaines élections ; l’opinion la plus répandue est que le gouvernement français a été surpris par cette arrestation qui serait une vengeance de M. Patenôtre, ambassadeur de France à Madrid, récemment rappelé, qui a voulu, avant de quitter son poste, embêter le gouvernement en arrêtant les Humbert ; il aurait été lui-même poussé par Waldeck-Rousseau, rentré vendredi à Paris après un long voyage en Grèce et en Italie ; Waldeck, qui lorgne l’Elysée, voudrait en fait sortir Loubet ; pour arriver à ce résultat, il a levé le lièvre de l’affaire Humbert avant de quitter le pouvoir au mois de mai, et, maintenant, au moyen des scandales que révélera (?) le procès, il voudrait obliger Loubet à déguerpir pour prendre sa place. Quelles combinaisons ! Et quelles ignobles fripouilles que tous ces gens-là, Combes, Loubet, Humbert, Waldeck et Cie !!!
Angers, jeudi 25 décembre 1902
Très belle messe de minuit à l’Université dans la chapelle de l’Internat Saint-Martin, il y a un chœur d’enfants, un chœur d’hommes et plusieurs musiciens du théâtre. Je rentre à la maison à 1h ¼ bien avant Papa, Maman et Marie-Thérèse qui sont allés à la messe de Saint-Joseph ; je me couche à 2 heures et me lève à 9h. L’après-midi, je vais voir René de La Villebiot et Jacques des Loges ; puis nous allons tous, avec Tante Josepha, au salut des Dominicains.
Angers, vendredi 26 décembre 1902
Cours ordinaires. L’après-midi, conférence de droit commercial.
Angers, samedi 27 décembre 1902
Cours ordinaires. L’après-midi, escrime ; le soir, Conférence Saint-Vincent-de-Paul.
Angers, dimanche 28 décembre 1902
Je vais à la grand’messe à Saint-Joseph ; l’après-midi, je vais au salut dans la chapelle de l’Adoration.
Semaine du 29 au 31 décembre 1902
Angers, lundi 29 décembre 1902
Cours ordinaires. L’après-midi de 1h ½ à 3h, composition de droit commercial. Le soir, à 8h ½, nous allons à une petite soirée chez M. et Mme Maurice Gavouyère ; il y a environ 25 personnes. Nous rentrons à 11h.
Angers, mardi 30 décembre 1902
En rentrant des cours, qui sont les derniers de l’année, j’apprends que Max de Saint-Cyr qui devait arriver samedi pour remettre la bague de fiançailles à Marie-Thérèse, est enrhumé et ne pourra venir que dans quelques jours. Quel fâcheux contretemps ! L’après-midi, nous faisons partir des quantités de lettres et de cartes pour annoncer les fiançailles ; ce sont celles du Roussillon qui partent aujourd’hui ; celles d’Angers ne partiront que dans quelques jours. À 2h, je vais avec Papa et Nénette attendre à la gare Philomène qui est en vacances. Le soir, Tante Josepha, l’oncle Paul, Papa, Marie-Thérèse et moi (Maman, fatiguée, s’est fait excuser) nous assistons à une petite soirée toute intime chez Mme Hervé-Bazin, il n’y a, en dehors des familles Hervé-Bazin et Normand d’Authon, que le comte et la comtesse du Plessis de Grenédan, Henri Bonnet, Jacques des Loges et nous ; on joue tout le temps à des petits jeux de société. Nous rentrons à 11h ½.
Angers, mercredi 31 décembre 1902
Je suis occupé une grande partie de la journée à écrire mes lettres du jour de l’An, et à aider Papa et Maman à faire partir leurs cartes de fiançailles. L’après-midi, je vais me faire couper les cheveux. Nous recevons une lettre de Sainte-Croix nous disant que Max de Saint-Cyr va mieux et qu’il arrivera probablement lundi. Le soir, je vais acheter une urne en bronze japonais que Marie-Thérèse, Philomène et moi nous offrons à Papa et à Maman au moment où on se met à table.
1902 passe à l’histoire ; triste année, pour la France ! Elle a vu la grosse déception de nos espérances électorales et les abominables expulsions qui ont été la rapide conséquence des élections radicales. Mais que nous réserve 1903 ? N’allons-nous pas voir encore de pires choses ?
[1] Robert Le Jumeau de Kergaradec (Angers, 1er août 1885-Saint-Malo, 6 décembre 1966), fils de Camille Le Jumeau de Kergaradec, capitaine de frégate, issu d’une famille de la noblesse bretonne, et d’Henriette de Place. Il épousera en 1922 Marie-Louise de Montaignac de Chauvance (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[2] Jacques Piou (Angers, 6 août 1838-Paris, 12 mai 1932), avocat et député de la Haute-Garonne, qui prit en 1889 la tête des catholiques ralliés à la République. Fondateur en 1901 de l’Action libérale populaire, premier parti politique de droite solidement organisé, qui défendait essentiellement la liberté religieuse (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[3] René Guillemot de La Villebiot, né le 18 juillet 1884 au château de La Roche à Chevillé (Sarthe), fils de Georges Guillemot de La Villebiot et de Marie Lemonnier de Lorière. Il épousera en 1911 à Rennes Marie Lucas de Bourgerel. Voir aussi supra note du 8 mars 1901 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[4] Voir supra notes du 2 et du 18 juin 1901.
[5] Il pourrait s’agir de Marie de Bruc de Livernière (1856-1946), mariée en 1874 à Léopold de Moulins de Rochefort, inspecteur général des haras (1846-1919), ou de l’épouse d’un autre membre de cette famille (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[6] Il sagit de Jean Lazerme, né le 2 janvier 1902 à Paris 7e, fils d’Albert Lazerme et de Jeanne Génin, futur médecin phtisiologue (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[7] Il s’agit de la famille Quinchez, originaire du Pas-de-Calais mais dont plusieurs membres étaient fixés dans l’Ouest à cette époque. On citera Gaston Quinchez (1855-1922), directeur puis inspecteur général des haras à Bordeaux, marié en 1890 à Madeleine Promis (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[8] Il pourrait s’agir de Ferdinand-Louis Robiou du Pont, marié en 1890 à Alice Miche de Malleray (1864-1956), ou bien de son oncle Ludovid Désiré, administrateur général de la Marine (1845-1918) et de son épouse Hortense Barot (1854-1941), mariés en 1886 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[9] Il pourrait s’agir d’Emmanuel de La Coussaye, fils de Gaston, comte de La Coussaye, issu d’une vieille famille noble poitevine, et de Marie-Thérèse de Fontane, qui épousera en 1905 à Nueil-sur-Layon dans le Maine-et-Loire Marie de La Selle (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[10] Voir supra au 19 janvier 1901.
[11] Marguerite Balalud de Saint-Jean, fills de Joseph Balalud de Saint-Jean et de Marie de Romeu, de Prades ; Joseph était le fils de Sophie d’Argiot de La Ferrière, elle-même fille de Suzanne Lazerme. Voir supra, note du 5 novembre 1901 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[12] Voir plus loin note au 10 avril 1902.
[13] Alain de Kernafflen de Kergos (Quimper, 29 novembre 1848), fils de François de Kernafflen de Kergos et de Denise Ponthier de Chamaillard, avait épousé à Angers le 27 septembre 1880 Madeleine Charbonnier de La Guesnerie, fils du comte de La Guesnerie, maire de Savennières dans le Maine-et-Loire. M. de Kergos, officier de cavalerie, dont la famille était de noblesse douteuse, portait le titre de courtoisie de « marquis » de Kergos (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[14] Guillaume Bodinier (Angers, 30 mai 1847-Trélazé, 15 septembre 1922), sénateur de 1897 à 1922. Il avait épousé en 1876 à Tours Clémence Jeanne Faye (1856-1909), fills de Jean Louis Faye et d’Adèle Meauzé, elle-même cousine germaine d’Elisabeth Meauzé, propre mère de René Bazin. La fille dont il est question ici est Geneviève Bodinier (1878-1931), qui épousera le 24 avril 1902 à Angers Robert Huault-Dupuy (1876-1946), artiste sculpteur et lui-même conseiller d’arrondissement dans le Maine-et-Loire (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[15] Il pourrait s’agir de Madeleine Thouin (La Meignanne, Maine-et-Loire, 10 octobre 1844-Angers, 1er août 1909), fille d’Urbain Thouin, propriétaire du château de La Meignanne, et d’Estelle Violas. Elle avait épousé le 23 septembre 1863 à La Meignanne Léon Le Guay (Paris, 3 juillet 1827-Angers, 25 janvier 1891), préfet et sénateur du Maine-et-Loire, dont le grand-père, François-Joseph Le Guay (1764-1812), général de brigade, avait reçu en 1809 un titre de baron d’Empire (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[16] Henri des Cordes, frère de Marguerite-Marie des Cordes, épouse de Xavier Civelli, cousin germain d’Antoine d’Estève de Bosch. Le mariage Des Cordes/Rogeron ne se réalisera pas. Voir supra note du 9 avril 1901 (Note de l’éditeur, S. Chevauché)
[17] Voir supra note du 21 décembre 1901.
[18] Roger Rouillé d’Orfeuil (Fontainebleau, 22 février 1873-Rostrenen, Côtes-d’Armor, 21 août 1963), fils de Charles Rouillé d’Orfeuil et de Jeanne Moisant, marié en 1900 à Anne de Goulaine, fille du sénateur du Morbihan Geoffroy de Goulaine. Il portait le titre de baron et non de comte (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[19] Il s’agit de Marguerite-Marie des Cordes, épouse de Xavier Civelli, cousin germain d’Antoine d’Estève de Bosch. Voir supra note du 9 avril 1901 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[20] Voir supra note du 5 février 1902.
[21] Louis Tanchot (Saint-Etienne, 22 février 1838-Rouen, 31 octobre 1910), général de division en 1898, commandant la 26e DI puis le 9e CA de 1901 à 1902 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[22] Edmond van Schalkwyck de Boisaubin (Morriston, New-Jersey, États-Unis, 23 février 1834-Angers, 14 octobre 1914), d’une famille originaire d’Utrecht et fixée à la Guadeloupe, Saint-cyrien et colonel de dragons, qui épousa en premières noces en 1875 Cécile Meissner, en secondes noces en 1880 Juliette de Becdelièvre, et en troisièmes noces en 1884 Olympe de Bruc de Montplaisir (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[23] Georges Gautret de La Moricière (1842-1917), officier, issu d’une famille bourgeoise de l’Anjou. Ne pas confondre avec la famille du général de Lamoricière, les Juchault de Lamoricière (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[24] Henri Lespinasse de Saune (Toulouse, 7 juillet 1850-Tananarive, 7 août 1929), polytechnicien, lieutenant de l’armée française, démissionna pour devenir Jésuite et fut nommé coadjuteur de l’évêque de Tananarive puis, en 1911, vicaire apostolique, en charge de Madagascar central (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[25] Voir plus loin note du 10 avril 1902.
[26] Voir plus loin note du 27 avril 1902.
[27] Georges Millin de Grandmaison (Paris, 14 mai 1865-3 décembre 1943), député de la circonscription de Saumur de 1893 à 1932, membre de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Angers (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[28] Il s’agit probablement de titres boursiers de la Compagnie des Chemins de fer du Nord (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[29] Il peut s’agir d’Henri d’Anterroches (1884-1945), fils de Louis d’Anterroches et de Marie Angot des Rotours, ou de son cousin germain Ferdinand d’Anterroches (1877-1933), avocat, fils d’Henri d’Anterroches et de Blanche Mathieu, issus d’une famille noble d’origine auvergnate (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[30] Il s’agit peut-être de Marie Rose Anne Garrigue, épouse de Joseph de Guardia, rédacteur au Roussillon. Voir supra note du 1er septembre 1901.
[31] Voir supra note du 19 septembre 1901.
[32] Voir plus loin note au 10 avril 1902.
[33] Il s’agit probablement de Mme Charles de Llobet. Voir note plus loin au 10 avril 1902 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[34] Paul Granier de Cassagnac (Paris, 2 décembre 1842-Saint-Viâtre, Loir-et-Cher, 4 novembre 1904), journaliste politique, député bonapartiste d’extrême droite du Gers de 1876 à 1893 et de 1898 à 1902
[35] Il s’agit d’une référence à la maison de la rue Sainte-Croix, où était décédé le 23 avril 1889 Victor de Bosch, grand-oncle paternel d’Antoine d’Estève de Bosch. La maison n’ayant pas encore été partagée en 1902, ce n’est qu’en 1907 que la famille s’y installera. Voir plus loin note du 22 décembre 1907 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[36] Pierre Jean Théophile Bonet, né à Oms (Pyrénées-Orientales) le 17 septembre 1851, ordonné prêtre le 15 juin 1878 pour le diocèse de Perpignan, décédé à Céret le 22 janvier 1916, où il est inhumé. Professeur à Saint-Louis de Gonzague, au Petit séminaire de Prades, curé doyen d’Ille-sur-Tet du 20 juillet 1892 au 1er mars 1904, curé archiprêtre de Céret de 1904 à sa mort en 1916. Il publiera en 1908 Impressions et souvenirs. Ille-sur-Tet et ses environs, Céret, Impr. Louis Roque, 1908, réédité en 2007 (Note de l’éditeur, S. Chevauché/Sophie Milard).
[37] Charles de Lacour (Faulx, Meurthe-et-Moselle, 11 août 1849-Cazouls-lès-Béziers, Hérault, 1er novembre 1927), capitaine de la garde nationale mobile des Pyrénées, était le fils de Victor de Lacour (1810-1878), lieutenant-colonel du 9e dragons, qui fut maire d’Ille-sur-Tet de 1867 à 1870 et en 1871, et de Françoise Charlotte Cuisset, originaire de Faulx. Son grand-père paternel, Jean Nicodème Auguste de Lacour (1764-1859), né dans le Périgord, s’était fixé en Roussillon et avait été sous-préfet de Céret puis lui-même maire d’Ille de 1831 à 1837 et de 1840 à 1848, ayant épousé en 1801 Marie-Thérèse Chamayou de Montalba, d’une vieille famille de la ville. Les Lacour, appelés parfois « Lacour de Montalba », seront souvent cités au cours de ce journal. Charles de Lacour, comme son père et son grand-père, avait été maire d’Ille en 1877-1878. Il épousa en 1881 à Béziers Thérèse Louise Lugagne, et partagera son temps entre Ille et Cazouls-lès-Béziers où son épouse possédait une importante propriété. Victor Armand de Lacour, né le 13 juin 1882 à Béziers, son fils, résidera principalement dans l’Hérault, où il épousera Jeanne Mandoul (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[38] Le marié était Louis Charles Henri Companyo (Céret, 5 septembre 1870-12 avril 1959), alors lieutenant d’infanterie, qui finira sa carrière comme chef de bataillon, et se fera aussi connaître comme un talentueux peintre régional (https://www.institutdugrenat.com/2018/10/exposition-louis-companyo-a-ceret/). Il était le fils de Paul Companyo, ici cité en tête (Céret, 4 septembre 1840-6 juin 1908), avocat, et de Laure de Bonnefoy (Perpignan, 3 avril 1848-Céret, 16 avril 1917), tous deux mariés à Castelnaudary le 15 août 1869. Les Companyo étaient une ancienne famille authentiquement cérétane depuis de nombreuses générations, et dont les membres s’y étaient succédé comme notaires – ce qu’était encore Louis Companyo (1809-1864), père de Paul cité ci-dessus. Une autre branche de cette famille, lointainement parente, compta aussi un homonyme, Louis Companyo (1781-1871), docteur en médecine, naturaliste, et président de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales de 1843 à 1845, qui ne semble cependant pas avoir entretenu de liens étroits avec la branche qui nous intéresse strictement ici. La mère du jeune marié, née De Bonnefoy, était la fille de l’archéologue et érudit roussillonnais Louis de Bonnefoy (1815-1887), dont une autre fille, Marie de Bonnefoy, avait également épousé en 1868 un cérétan, Joseph Delmas, juge d’instruction à Céret, né en 1840 et qui mourra en 1902 quelques mois après ce mariage (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[39] Voir note ci-dessus. Henri de Bonnefoy (né en 1850 à Castelnaudary) était le frère de Mmes Delmas et Companyo (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[40] Edouard Azémar (Perpignan, 13 décembre 1832-6 mai 1930), vice-consul d’Espagne, qui avait épousé le 1er juin 1863 à Perpignan Amélie Jaume, d’où une fille Amélie Azémar, mariée en 1887 à Henri de Çagarriga (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[41] Georges Barthélemi Souhart (Paris, 2 novembre 1844-8 octobre 1914), membre de l’expédition de Chine, général de brigade le 30 décembre 1901 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[42] Voir supra note du 9 septembre 1901.
[43] Charles de Llobet (Perpignan, 22 juin 1856-Caraman, Haute-Garonne, le 20 novembre 1943), fils de Joseph de Llobet et de Gabrielle de Chefdebien, marié le 7 octobre 1885 au Falga avec Geneviève Guiraud du Falga (Le Falga, Haute-Garonne, 18 juin 1861-Perpignan, 10 avril 1928). Les Llobet, famille anoblie en 1760 au titre de burgès honrat de Perpignan, seront très souvent cités au fil du journal (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[44] Michel de Pous (Lugan, Tarn, 30 septembre 1870-Palalda, Pyrénées-Orientales, 1er juillet 1934), fils d’Henri de Pous et de Marie-Christine de Marliave, issu d’une famille noble du Tarn, avait épousé le 7 février 1898 Henriette de Balanda (1871-1954), héritière de la propriété de « Can Day » à Palalda (aujourd’hui Hôtel « Le Roussillon », commune d’Amélie-les-Bains Palalda). Cette dernière était la fille d’Eulalie de Chefdebien, cousine germaine, par sa mère née de Richard de Gaïx, d’Henri de Blaÿ cité à la note suivante, également présent au mariage. Mais elle était surtout, par son père, la petite-fille de Thérèse de Bonnefoy, sœur de l’archéologue Louis de Bonnefoy. M. de Balanda, beau-père de M. de Pous, était donc le cousin germain de Mme Companyo née de Bonnefoy. Michel de Pous et son épouse sont les parents de l’archéologue et historienne Anny de Pous (1908-1991) (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[45] Henri de Blaÿ (Perpignan, 16 novembre 1855-Aïn Bessem, Algérie, 28 mai 1911), fils de Jean de Blay et de Mathilde de Richard de Gaïx, Saint-cyrien, capitaine puis aide-major, avait épousé le 19 février 1889 à Perpignan Madeleine Cornet (Perpignan, 8 juin 1866-Aïn Bessem, 26 avril 1900), fille de Joseph Cornet et d’Isabelle Ribes, et donc sœur aînée de Marie Victorine Henriette Isabelle Cornet, mariée à Louis Companyo. Mme de Blaÿ née Cornet, donc décédée depuis deux ans au moment du mariage de sa sœur, ainsi que Mme Companyo, étaient les petites-cousines d’Antoine d’Estève de Bosch. Henri de Blaÿ était, par sa mère, le cousin germain de Mme de Balanda née Chefdebien citée ci-dessus. Le ménage Blaÿ-Cornet avait eu cinq enfants : Marcelle (1892), Jeanne (1893), Maurice (1895), Mathilde (1897) et Marie-Thérèse de Blaÿ (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[46] Marie-Thérèse de Massia de Ranchin (Céret, 13 septembre 1880-La Rochette, Seine-et-Marne, 3 mai 1974), fille d’Albert de Massia de Ranchin et de Cécile Conte de Bonet (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[47] La mariée est Marie Victorine Henriette Isabelle (dite Mimi) Cornet, née à Perpignan le 30 avril 1874. Le mariage civil avait eu lieu la veille, le 9 avril, à Perpignan (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[48] À ne pas confondre avec son cousin éloigné Étienne Batlle, aussi d’Ille, dont il est question plus haut à la note du 27 août 1901. Joseph Batlle, né le 12 juillet 1842 à Ille, fils de François Batlle et de Monique Sire, avait épousé le 27 septembre 1881 à Céret Elisabeth Delcros. Ce sont les beaux-parents du poète Jean Amade (1878-1949) et les grands-parents du parolier Louis Amade (1915-1992) (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[49] Voir supra note du 5 février 1902.
[50] Albert Circan (Prades, 5 août 1847-1928), avocat, ancien maire de Prades de 1877 à 1878, fils d’Auguste Circan et de Catherine Roca, avait épousé en 1871 à Céret Elisa Cogomblis du Rivage. Par son épouse, il était parent de M. Batlle cité ci-dessus, mais aussi des Companyo de Céret (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[51] Voir supra note du 5 février 1902.
[52] Il s’agit de Joseph Joûbert-Bonnaire (Angers, 13 août 1853-1924), fils d’Achille Joûbert-Bonnaire (1814-1883), ancien maire d’Angers et sénateur du Maine-et-Loire, et de Valérie Le Motheux, qui avait épousé en 1889 Marguerite Duval. Il fut sous-lieutenant d’infanterie et industriel, conseiller municipal d’Angers ne réussissant cependant jamais à être élu député. Il sera titré en 1920 comte pontifical par Benoît XV (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[53] Edmond Bartissol (Portel-des-Corbières, Aude, 20 décembre 1841-Paris, 16 août 1916), entrepreneur de travaux publics, célèbre pour la démolition des remparts de Perpignan, député de Céret en 1889, de la 1ère circonscription de Perpignan en 1902, réélu en 1906 et battu en 1910 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[54] Frédéric Escanyé (Thuir, 15 mai 1833-Perpignan, 31 août 1906), président du Comité de défense nationale des Pyrénées-Orientales en 1870, conseiller municipal de Perpignan, conseiller général, élu député à Prades en 1876, battu en 1877 mais réélu en 1878, et constamment réélu jusqu’en 1906. Républicain opportuniste, il soutiendra les gouvernements Gambetta et Ferry (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[55] Georges Leygues (1856-1933), ancien ministre de l’Intérieur, député de 1885 à 1933, qui sera président du Conseil en 1920-1921 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[56] Jeanne Grumbach (1871-1947), actrice française, premier prix de tragédie et de comédie du Conservatoire en 1893, membre de la Troupe de l’Odéon, du Théâtre de Vaudeville et du Théâtre de la Renaissance, elle jouera aussi dans le cinéma muet entre 1908 et 1929 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[57] Pierre Bichon (Bourgneuf-en-Retz, Loire-Inférieure, 26 novembre 1848-Angers, 3 juillet 1915), pharmacien et docteur en médecine, conseiller municipal et général, se présenta en appelant « tous les républicains à s’unir contre le péril nationaliste réactionnaire ». Peu actif à l’Assemblée, il ne fut pas réélu en 1906 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[58] Ernest Vallé (Avize, Marne, 19 septembre 1845-Paris, 24 janvier 1920), avocat, député (1889-1898) puis sénateur (1898-1920) de la Marne, rapporteur général de la commission d’enquête parlementaire sur les affaires de Panama, président du Parti radical en 1901, garde des Sceaux de 1902 à 1905. Il relancera les procédures judiciaires pour innocenter Dreyfus et préparera la séparation de l’Église et de l’État (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[59] Voir supra note du 9 juin 1901.
[60] Marie-Antoinette (1878-1958), Marie-Thérèse (1885-1965) et Anne-Marie (1892-1951) Charlery de La Masselière, filles de René Charlery de La Masselière, capitaine de cavalerie, et de Thérèse Lemercier de La Monneraye (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[61] Marc Sangnier (1873-1950), créateur du mouvement Le Sillon et promoteur de la démocratie chrétienne (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[62] Mot injurieux créé par le journaliste nationaliste et antidreyfusard Henri Rochefort en référence à l’églantine rouge, portée notamment lors des commémorations du 14 juillet 1900, et utilisé depuis dans la presse nationaliste comme nom injurieux pour désigner les socialistes et apparentés (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[63] Jean Marie François Emile Duhourcau (Cauterets, 3 mai 1847-Paris, 26 février 1904), docteur en médecine à Paris et à Cauterets, maire de Cauterets. Il avait épousé en 1875 à Angers Mathilde Gaucher, elle-même angevine (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[64] Charles d’Amedor de Mollans (né à Langres en 1850), conseiller de préfecture, qui avait épousé en 1892 Mathilde de Gardilanne (1861-1944). M. et Mme de Gardilanne, dont il est question plus loin, peuvent être les parents de cette dernière ou bien son frère Jean marié en 1897 avec Paule Dutour (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[65] Pierre de Damas d’Anlezy (Paris, 2 février 1861-Anlezy, Nièvre, 30 janvier 1931), fils d’Edmond de Damas et de Blanche de Bessou avait épousé à Paris le 22 janvier 1884 Mathilde de Maillé de La Tour-Landry, issue d’une célèbre famille de la région angevine. Le fils dont il est question doit être son aîné Maxence de Damas (1885-1957) (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[66] Peut-être s’agit-il de Raymond de Lavaur de Laboisse, né en 1876 et marié en 1901 à Antoinette de Roig, cousine très éloignée d’Antoine d’Estève de Bosch par les Pontich, cela n’est pas entièrement sûr vu qu’il ne cite pas cette parenté. Voir aussi note du 25 juin 1901. (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[67] Il doit peut-être s’agir de Robert de Roquefeuil Cahuzac (1864-1940), exploitant agricole, président de l’Association Catholique de la Jeunesse française, rallié à la République en 1902 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[68] Il pourrait s’agir de plusieurs personnages de cette famille : Jean, marquis des Monstiers-Mérinville (1847-1919), conseiller général de la Haute-Vienne, son frère Henri, officier de cavalerie (1858-1903), ou encore leurs cousins germains René (né en 1853), François (1854-1914) ou Maurice (né en 1867), tous trois également officiers de cavalerie (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[69] André Hardouin-Duparc (1844-1919), avocat, membre associé de la Société historique et archéologique du Maine (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[70] Fernand de Cordoüe (1851-1928), dit le marquis de Cordoüe, fils de Gonzalve de Cordoüe et de Gabrielle de PRéaulx, marié en 1878 à Marie Thomas des Chesnes (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[71] Voir supra note du 9 septembre 1901. La personne identifiée ici comme Mme Noëll peut être Joséphine Monniot (1848-1939), épouse de Jean Baptiste Noëll, ou bien sa belle-sœur Thérèsine Joséphine Léocadie de Girvès (Llo, Pyrénées-Orientales, 25 février 1843-Vinça, 7 août 2929), mariée à Vinça en 1860 avec François Xavier Noëll, qui fut la mère de Thérèse Noëll citée à la note suivante (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[72] Il s’agit certainement de Thérèse Noëll (Vinça, 4 juillet 1872-Rivesaltes, 22 janvier 1957), mariée le 14 février 1901 à Vinça avec Antoine Joffre (1865-1906), négociant et frère cadet du maréchal Joffre. Thérèse Noëll était donc probablement la nièce de la personne citée à la note précédente (voir note du 9 septembre 1901) (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[73] Louis-Marie de Guibert (1876-1956), fils de Louis Marie de Guibert et Marie Nelly Ogier, épousa le 27 octobre 1902 à Angers Jeanne Guillemot de La Villebiot (1881-1953) (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[74] Vincent Maumus (1842-1912), issu d’une famille farouchement républicaine, entré dans l’ordre dominicain en 1861, dreyfusard, proche du couple Waldeck-Rousseau, il se rend célèbre pour ses prêches à travers la France, et soutient le ralliement des catholiques à la République (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[75] Constant Julien Saint-Père (Dijon, 18 avril 1845-Callao, Pérou, 13 août 1899), commissaire de la marine, fils de Jules Saint-Père et de Suzanne Guillaume de Gévigney. Il avait épousé le 16 avril 1879 à Callao Eugénie Marie Aline Lestonnat Chasot, née à Saint-Pierre (Martinique) le 2 décembre 1861. Ils avaient eu deux fils, nés en 1880 et 1882, et une fille, Alice Ernestine Saint-Père (1890-1975), qui épousera en 1910 Léo Sigougne Latouche (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[76] Lucien Delestrac (Apt, Vaucluse, 12 novembre 1847-Paris, 13 juin 1921), polytechnicien et ingénieur général des Ponts-et-Chaussées, avait épousé le 11 décembre 1883 à Paris Marie Collet-Meygret (Perpignan, 30 septembre 1857-Paris, 15 mars 1914), fille de Louis Alcide Collet-Meygret (1819-1885), lui aussi polytechnicien et inspecteur général des Ponts-et-Chaussées, et de Mathilde Lazerme (1831-1886), cette dernière sœur d’Auguste Lazerme, grand-père maternel d’Antoine d’Estève de Bosch. Quatre enfants étaient nés de ce mariage Delestrac/Collet-Meygret : Geneviève (1884-1957), Paul (1886-1914), Yvonne (1889-1966) et Antoine dit plus tard René (1891-1961) Delestrac (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[77] Henri Ange André Fourcade, né le 1er décembre 1887 à Perpignan, fils de Prosper Fourcade, négociant, et d’Henriette Dejean, cette dernière fille d’Amélie Ribelll, sœur de Marie-Fanny Ribell mariée à Emmanuel Bonafos (la « tante Bonafos »), mère de Thérèse Bonafos mariée à Louis Lutrand (la « tante Lutrand »). Henri Fourcade épousera en 1920 Madeleine Pepratx. Voir aussi supra note du 9 septembre 1901. (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[78] Antoine de Pontich Sicart (1775-1865). Voir supra note du 29 août 1901.
[79] La Burbanche (Ain), ville d’origine des Collet-Meygret (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[80] Voir note du 6 septembre 1901.
[81] Carlos de Lazerme (Perpignan, 26 janvier 1873-Elne, 26 août 1936), homme de lettres et poète, fils de Joseph de Lazerme (1846-1922) et de Marie-Hélène Pougeard du Limbert (1853-1920). Voir aussi la note du 10 avril 1901 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[82] Marthe (1883-1972), Thérèse (1890-1926) et Jacques (1887-1959) de Lazerme sont les enfants de Joseph de Lazerme et Marie-Hélène du Limbert, qui avait deux frères vivants en 1902 : Henri (1855-1906) et Jacques Pougeard du Limbert (1870-1943)
[83] Voir supra note du 10 septembre 1901.
[84] Voir supra note du 19 août 1901.
[85] Voir supra note du 29 septembre 1901.
[86] Voir supra note du 22 septembre 1901.
[87] Léon Harmel (1829-1915), industriel dans la Marne, qui fit une expérience d’application de la doctrine sociale de l’Église dans sa filature. Fondateur des pèlerinages de « La France du Travail à Rome » et de la confrérie Notre-Dame de l’Usine, secrétaire général adjoint puis président de l’Oeuvre des cercles catholiques d’ouvriers ; promoteur des cercles d’études sociales et des « congrès ouvriers », président du conseil national de la Démocratie chrétienne (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[88] Il s’agit de Madeleine d’Estève de Bosch (Perpignan, 20 janvier 1880-Le Chesnay, Yvelines, 24 novembre 1966), qui épousera le 6 août 1908 à Saint-Mihiel Henri de Rodellec du Porzic. Elle était la fille du général François-Xavier d’Estève de Bosch, et donc la cousine germaine d’Antoine d’Estève de Bosch, et comme lui la nièce de Mme Civelli née Estève (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[89] Joséphine Monniot (1848-1939), épouse depuis 1876 de Jean Baptiste Noëll, lieutenant-colonel d’infanterie (1836-1898), et père de Louis Noëll futur époux de « Nénette » Magué. Voir aussi supra notes du 9 septembre 1902 et 20-25 août 1902.
[90] Il s’agit de Louis Noëll (Finestret, 28 mars 1833-Vinça, 6 juillet 1914), commandant puis chef de bataillon d’infanterie, frère de Jean Baptiste et de François Xavier Noëll, et donc beau-frère – et non frère comme indiqué dans le journal – de Mme veuve Jean Baptiste Noëll née Monniot (citée à la note précédente). Il mourut célibataire (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[91] Henri Noëll (1883-1980), futur bibliothécaire du Sénat, et Louis Noëll (1885-1964), futur époux de Marie-Antoinette dite « Nénette » Magué (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[92] Marie Noëll, née à Finestret le 25 mai 1839, mariée le 5 juin 1872 dans ce village avec Eugène Marty, né à Pézilla-la-Rivière en 1840 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[93] Paul Bouchède, notaire à Vinça, marié à Marie Noëll, fille de François Xavier Noëll et de Thérèsine de Girvès. Il sera très souvent question de lui dans ce journal (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[94] Il peut s’agir de Rodolphe Bonet, avocat à Perpignan, né à Néfiach en 1854, marié en 1881 à Thérèse Noé, on de son fils Rodolphe Bonet (ou Bonet-Noé) (1883-1946), qui épousera en 1908 sa cousine germaine Marguerite Bonet (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[95] Voir supra note du 19 septembre 1901. La maison des Oms à Ponteilla était située entre la route du Soler et la rue de la Méditerranée (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[96] Il s’agit de Marie d’Oms (Sainte-Marie-la-Mer, Pyrénées-Orientales, 8 septembre 1853-Perpignan, 1er mars 1954), sœur aînée de Mme de Llamby née Caroline d’Oms (voir supra note du 19 septembre 1901). Elle mourut célibataire (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[97] Il s’agit de Joseph de Llamby (Lunel, Hérault, 27 janvier 1852-Perpignan, 17 juillet 1904), licencié en droit, avoué, fils de Louis de Llamby et de Marie Zoé Saisset. Issu d’une famille anoblie au titre de burgès honrat de Perpignan, il eut de son mariage avec Caroline d’Oms, célébré le 26 janvier 1880 à Perpignan, deux filles, les futures Mme de La Bardonnie et Darru, dont il sera très souvent question dans ce journal (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[98] Voire supra note du 24 septembre 1901.
[99] Louise Bouis (Perpignan, 1835-1902), fille de Dominique Bouis (1797-1866), qui fut président de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales de 1837 à 1839, et de Raymonde Vilar, avait épousé le 19 janvier 1859 à Perpignan Alphonse Lutrand, principal du Collège de Perpignan. Elle était la mère de Louis Lutrand (1859-1915), marié à Thérèse Bonafos, dont il a souvent été question dans ce journal, et qui sera lui-même président de la SASL en 1914-1915 ; de Marguerite Lutrand, devenue Mme Fernand Gillet ; et de Jeanne Lutrand, devenue Mme Xavier Rovani (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[100] Voir supra note du 6 septembre 1901.
[101] Virginie de Massia (Mosset, Pyrénées-Orientales, 19 mars 1827-Molitg-les-Bains, 18 octobre 1902), fille de François de Massia, ancien maire de Mosset, et de Sophie Bompeyre, était la sœur d’Edouard de Massia (1824-1892), médecin qui se rendit célèbre par l’expansion des thermes de Molitg dont il était propriétaire. Elle resta célibataire. Les Massia étaient cousins éloignés, par une parenté remontant au XVIIIe siècle, des Pontich et donc d’Antoine d’Estève de Bosch (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[102] Il s’agit certainement de Joseph Marie (Prades, 19 janvier 1849-6 décembre 1902), médecin dans sa ville natale, dont il fut président du conseil d’arrondissement. Mort célibataire, il était le fils d’Hyacinthe Marie et d’Alexandrine, toutes deux issues de vieilles familles de Prades (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[103] Il s’agit de Bélesta (Pyrénées-Orientales).
[104] Maurice de Barescut (1865-1960), dont il a été question plusieurs fois dans le journal, sera un général célèbre de la Guerre de 1914-1918 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[105] Gabrielle Delon de Marouls (Perpignan, 17 février 1829-3 janvier 1910), fille de Ferdinand Delon et d’Espérange Buget, avait épousé en 1860, en secondes noces, Henri de Rovira. Elle était la tante, par sa sœur Charlotte Delon de Marouls mariée avec Charles de Lazerme, de Joseph de Lazerme (1846-1922), très souvent cité dans ce journal. Elle était aussi la mère de Fernand de Rovira, dont il sera aussi beaucoup question (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[106] Il s’agit peut-être de Michel Le Bault de La Morinière (1880-1934), fils d’Olivier Le Bault de La Morinière et Marie Madeleine de Menou, issu d’une famille de la noblesse angevine (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[107] Jean Catta (Nantes, 27 janvier 1882-Nice, 1966), fils d’Antoine, comte Catta, procureur de la République et conseiller municipal de Nantes, comte pontifical, et de Marguerite Dézanneau (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[108] Henry Reverdy (Nogent-le-Roi, Eure-et-Loir, 15 août 1866-château de Bury, Molineuf, Loir-et-Cher, 26 août 1950), avocat, collaborateur du journal La Croix, président de l’Association catholique de la Jeunesse française (Note de l’éditeur, S. Chevauché).
[109] L’affaire Humbert, ou affaire de l’héritage Crawford, est une célèbre escroquerie : Mme Humbert, née Thérèse Daurignac, avait prétendu être héritière d’un millionnaire américain, et avait réussi à abuser la justice et de nombreuses personnes pendant une vingtaine d’années. Son beau-père avait été ministre d’un gouvernement républicain en 1882 (Note de l’éditeur, S. Chevauché).






